Malgré la levée de la quarantaine obligatoire, “on est loin de la fin du Covid en Chine”

La Chine a mis fin à toutes les restrictions sanitaires de sa stratégie zéro Covid-19 en vigueur dans le pays depuis mars 2020. Une décision qui inquiète de nombreux observateurs, alors que Pékin fait face à un rebond épidémique sans précédent. En réponse, des pays ont pris des mesures sanitaires à l’encontre des voyageurs en provenance de Chine, notamment pour se prémunir d’une nouvelle pandémie.
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chine masque covid passants
Des Pékinois marchent dans la rue en portant un masque chirurgical. Ils passent devant un mall du centre-ville. Pékin, Chine - 29 décembre 2022.
AP/Ng Han Guan
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C’était la dernière mesure sanitaire en vigueur en Chine dans le cadre de la stratégie dite du “zéro covid”. À compter du dimanche 8 janvier 2023, la quarantaine obligatoire imposée à tous les voyageurs à leur arrivée sur le sol chinois est suspendue. Cette ultime restriction vient s’ajouter aux précédentes mesures progressivement levées par Pékin. 

Dès le mois de décembre, la Chine a mis fin aux confinements de milliers de personnes décidés du jour au lendemain en cas de dépistage positif au Covid-19. Idem pour les dépistages aléatoires obligatoires, les restrictions de déplacement à l’intérieur et en dehors du pays pour toute personne transitant par la Chine. Bref, trois années de restrictions sanitaires parmi les plus draconiennes au monde touchent officiellement à leur fin. 
 
La fin de la quarantaine obligatoire et la fin des restrictions pour les voyages internationaux, c’est un peu la cerise sur le gâteau.

Manon Laurent, enseignante à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Chine 

Comme le rappelle Manon Laurent, enseignante à Sciences Po Grenoble, “la levée des restrictions a été progressive. Mais en réalité, pour la plupart des Chinois, la stratégie zéro covid a pris fin dès le mois de décembre 2022 avec la fin des mesures qui ciblaient particulièrement le quotidien. “En moins d’un mois, on a eu la fin des QR sanitaires obligatoires pour accéder aux transports ou aux établissements publics, la fin des tests PCR obligatoires toutes les 48 heures, la fin des confinements ciblés dans les petits quartiers en cas de contamination” souligne la chercheuse. “La fin de la quarantaine obligatoire et la fin des restrictions pour les voyages internationaux, c’est un peu la cerise sur le gâteau et ça ne concerne qu’une petite partie de la population chinoise”. 

(Re) voir : Covid-19 : fin de la quarantaine à l'arrivée en Chine

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La nouvelle stratégie de Xi Jinping, reconduit pour un troisième mandat 

Tout cet arsenal avait été instauré dès le mois de mars 2020, dans le cadre de la stratégie “zéro covid” portée par le président chinois Xi Jinping.  Si les mesures sanitaires en vigueur dans le pays étaient largement décriées par des milliers de manifestants au cours de larges manifestations dans plusieurs grandes provinces du pays qui ont débuté à l’automne dernier, la décision de Pékin de les suspendre toutes a surpris. “Il y a un peu de soulagement et de la crainte au sein de la population chinoise”, commente Antoine Bondaz, enseignant à Sciences po et spécialiste de la Chine. Il reconnaît qu’ “il y avait une vraie demande à ce qu’il y ait un assouplissement des contraintes sanitaires”, mais la levée totale des mesures sanitaires interroge.

L’assouplissement des restrictions sanitaires s’est fait de manière précipitée et de façon complètement non coordonnée.
Marc Julienne, chercheur à l’IFRI

Cette décision est due à un certain nombre de facteurs prévisibles et imprévisibles”, souligne Manon Laurent. Pour un certain nombre d’observateurs et spécialistes de la Chine, la stratégie “zéro Covid” allait être allégée dès le début de l’année 2023. “À l’automne 2022, on a eu le congrès du Parti communiste chinois qui s’est soldé par la réélection de Xi Jinping à sa tête pour un troisième mandat”, indique Manon Laurent. Un vote historique, rappelle l’enseignante à Sciences Po Grenoble. Aucun dirigeant n’avait été au pouvoir aussi longtemps en Chine depuis Mao Zedong (1893 - 1976). Or, l’actuel dirigeant chinois a incarné la stratégie “zéro covid” pendant son dernier mandat.

Remettre en cause cette politique zéro covid avant le congrès du PCC c’était remettre en cause toute la politique de Xi Jinping", analyse Manon Laurent. Un constat partagé par Antoine Bondaz. “La levée des restrictions semblait inévitable. Xi Jinping entame un nouveau mandat. Il lui fallait un tournant, il risque d’y avoir d’autres problématiques à gérer dans les mois qui viennent”. 

 

(Re) voir : Chine : la politique "zéro Covid", une stratégie à haut risque pour Xi Jinping ?

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Une levée brutale des mesures sanitaires 

Mais “l’assouplissement des restrictions sanitaires s’est fait de manière précipitée et de façon complètement non coordonnée”, décrypte Marc Julienne, qui est lui chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Pour lui, “la pression de la rue et les protestations et le fait de mettre en cause le Parti communiste et le président Xi Jinping lui-même a sans aucun doute fait peur au plus haut niveau du pouvoir chinois. Il a pris cette décision en quelques jours à peine”. “Il y a eu le départ massif des employés de l’une des plus grandes entreprises du monde qui est Foxconn, le drame survenu à Urumqi dans le Xinjiang fin novembre qui a fait plusieurs dizaines de morts, les manifestations massives dans tout le pays…”, énumère de son côté Manon Laurent. 

Au-delà de la grogne sociale et sociétale grandissante partout en Chine, plusieurs hypothèses sont sur la table pour expliquer un tel choix. Antoine Bondaz en liste quelques unes. “Peut-être que l’épidémie était déjà hors de contrôle et ne pouvait plus être endiguée avec les politiques du zéro Covid, qui sont devenues inefficaces. D’un point de vue économique, il fallait aussi relancer la consommation en Chine. Peut-être que le mécontentement de la population devait être calmé par un geste des autorités”. 

(Re) voir : Chine : les hôpitaux submergés à cause d'une vague de cas de Covid-19

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Depuis l’annonce de la fin de la stratégie “zéro covid” courant décembre en marge des manifestations dans le pays, la Chine fait face à un rebond épidémique sans précédent. Bien que les autorités pékinoises peinent à faire toute la transparence sur le taux de mortalité ou celui des nouvelles contaminations, des dizaines de milliers de personnes sont diagnostiquées positives au Covid-19 chaque jour en Chine. D’après les chiffres officiels de l’OMS, elles étaient 34.610 pour la seule journée du 6 janvier 2023. Ces chiffres se basent sur les remontées journalières effectuées par les autorités chinoises auprès de l'organisation internationale. “Ce qui est clair, c’est que la levée des restrictions a amplifié le phénomène épidémique”, reconnaît Antoine Bondaz.

Les ressortissants chinois sont moins bien vaccinés car ils ne sont vaccinés que par le SINOVAC, un vaccin meilleur pour lutter contre la diffusion de la maladie mais moins efficace pour contrer la dangerosité du virus.
Manon Laurent, enseignante à Sciences Po Grenoble

Levée de bouclier de la communauté internationale

En plus d’un regain de la mortalité en Chine, la levée surprise de l’ensemble des restrictions sanitaires pourrait aussi avoir des répercussions à l’échelle internationale. Face à ce rebond épidémique, plusieurs pays ont décidé de prendre des mesures restrictives à l’encontre des voyageurs en provenance de Chine. En Europe, l'Espagne, le Royaume-Uni, la France en font partie. “C’est surtout parce que les ressortissants chinois sont moins bien vaccinés car ils ne sont vaccinés que par le SINOVAC, un vaccin meilleur pour lutter contre la diffusion de la maladie mais moins efficace pour contrer la dangerosité du virus. Il y a moins d’immunité collective puisque qu'il y a eu plus de confinements”, explique Manon Laurent. 

(Re) voir : Covid-19 : l'OMS s'inquiète d'une recrudescence de cas en Chine
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Depuis plusieurs semaines, plusieurs États renforcent les contrôles des voyageurs en provenance de Chine.  Un choix encouragé par la dégradation de la situation sanitaire dans le pays. Il est par ailleurs ppuyé par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui juge ces mesures “compréhensibles” en raison notamment du manque de transparence de la Chine sur la gestion de la pandémie. “On a passé la barre des 250 millions de cas pour le seul mois de décembre avec un nombre de morts qui est inconnu et caché par les autorités”, assure Marc Julienne, chercheur et responsable du centre Asie à l’IFRI. Cette opacité était déjà dénoncée par l’OMS lors des précédents pics de contaminations en Chine. Selon lui, “avec une flambée aussi importante des cas, il est normal que des pays prennent des dispositions préventives pour éviter que de nouveaux variants ne diffusent hors de Chine et particulièrement en Europe”.

Mais ces mesures sanitaires restrictives sont largement décriées par Pékin, qui parle de pratiques discriminatoires et stigmatisantes. “Il n’en est rien puisque ce ne sont pas des mesures prises contre les ressortissants chinois mais contre toute personne de n’importe quelle nationalité venant de Chine”, rappelle Marc Julienne. “C’est assez logique que les autorités politiques chinoises réagissent publiquement comme cela”, observe de son côté Antoine Bondaz, soulignant qu’il n'y a quasiment plus de test de dépistage du Covid-19 en Chine à l’heure actuelle. “On a dit à la population chinoise qu’il n’y avait plus besoin de se faire tester et là on leur explique qu’il faut se faire tester lorsqu'ils arrivent à l’étranger. Évidemment il peut y avoir une grogne de la population”. 
 
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La crainte d’une nouvelle pandémie mondiale 

Pour Manon Laurent, “il y a encore beaucoup de contamination en Chine à l’heure actuelle." Elle confie même que la plupart de ses contacts sur place "sont actuellement malades, bloqués chez eux en train d’essayer de se soigner. Mais la Chine a arrêté de compter le nombre de morts du covid”. Même analyse pour  Marc Julienne, qui  rappelle que “l’année 2022  a été pire que les années précédentes de pandémie en Chine, au moment où tout le reste de la planète était déjà prémuni contre le virus.”

Les autorités internationales et notamment françaises veulent savoir s’il y a des nouveaux variants. La Chine ne va jamais communiquer dessus. Donc la seule façon de le savoir c'est de tester les gens qui arrivent de Chine”, explique Marc Julienne. “Il y a trois ans, le virus est apparu à Wuhan, la Chine a fait preuve d’une irresponsabilité totale et d’un manque complet de transparence à cette époque en tardant à prendre des mesures. Donc il est normal de vouloir se protéger”. 
 
Statistiquement, plus un virus circule dans une population, plus il a de chances de muter. Plus il y a de possibilités de muter, plus il y a de chances qu’il y ait des formes plus virulentes que d’autres. 
Marc Julienne,  chercheur et responsable du centre Asie à l’IFRI.
La stratégie zéro Covid était plutôt cohérente quand la Chine n’avait pas de vaccin assez efficace contre le Covid”, assure-t-il. “Par contre, c’était idéologiquement criminel puisque la Chine aurait pu acheter à l’étranger des vaccins ARN messager qui ont fait leur preuve dans le reste du monde". “Sortir du zéro covid, c’est une chose. Mais comment est-ce qu’on en sort ?” interroge de son côté Antoine Bondaz. Selon lui, “il y a encore une vraie inconnue. Une vraie incertitude. Puisqu' on est loin de la fin du Covid en Chine”.