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- Mali : un compromis qui se voudrait contagieux
Signeront, signeront pas ? Annoncé dimanche à Bamako, l' « accord de paix et de réconciliation » élaboré après huit mois de laborieuses négociations entre les différents acteurs du conflit malien présente pour le moins un défaut : il n'en est pas un. Personne, à ce jour ne l'a définitivement avalisé. Le gouvernement malien et ses alliés l'ont seulement « paraphé ». Principaux protagonistes, surtout, les rebelles du nord se sont donnés « un délai » - de l'ordre d'un mois - pour « consulter leur base ».
A Alger comme à Paris et Bamako, chacun s'efforce pourtant d'afficher un optimisme raisonnable. Chef de file d'une médiation internationale soumise à une forte pression – notamment de Paris - , le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qualifie le compromis pressenti de « boussole crédible et efficace vers la paix ». Il « sera signé par toutes les parties », prédit-il, voulant voir dans cette prolongation supplémentaire imposée par les rebelles du nord non une volonté de « se désolidariser », mais l' « ambition d'obtenir le maximum de soutien ». En écho, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius salue « un texte équilibré et bénéfique pour le pays et la région ». Il appelle tous les groupes armés à le signer « sans délai ».
« Un accord non partagé avec les populations et les bases a peu de chances d'être appliqué sur le terrain », avait objecté à la tribune l'un des représentants de la « Coordination des mouvements de l'Azawad », qui comprend le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA). Ceux-ci ont réclamé en vain divers amendements politico-institutionnels au projet .
Le texte, comme le souhaitait Bamako, ne parle ni d'autonomie ni de fédéralisme, et insiste sur l'unité, l'intégrité territoriale du Mali, ainsi que sur le caractère républicain et laïc de l'Etat, citant néanmoins l'Azawad, comme une « réalité humaine », une revendication des rebelles.
Il prévoit la création d'Assemblées régionales élues au suffrage universel direct, dotées de pouvoirs importants dans un délai de 18 mois, ainsi que le redéploiement progressif dans le nord d'une armée restructurée, intégrant notamment des combattants des mouvements de cette région « y compris dans le commandement ».
Pour certains, c'est bien peu, et des manifestations étaient prévues à Kidal contre l'accord. La Coordination, pourtant, n'exclut pas de signer le texte en cas d'approbation de la population. L'un de ses porte-parole, Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, s'est même déclaré à l'AFP « optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali ».
A Bamako, le Premier ministre Modibo Keïta a veillé à conserver un ton mesuré, appelant les groupes rebelles à franchir le pas pour « construire l'édifice de la paix, du développement juste équilibré ». « Le projet d'accord soumis aux parties n'est certes pas parfait, a-t-il admis, mais il constitue un compromis que nous pouvons accepter tout en restant vigilants quant à sa mise en œuvre ».
Étaient exclus des négociations les groupes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé pendant près de neuf mois le nord du Mali avant d'en être partiellement chassés par l'opération Serval, à laquelle a succédé en août 2014 l'opération Barkhane, dont le rayon d'action s'étend à l'ensemble de la zone sahélo-saharienne.
La réussite ou l’échec de l'accord, à cet égard dépasse le seul cadre du Mali. Il aura, en bien ou en mal, valeur d'exemple en particulier en Libye voisine, devenue terrain de tous les affrontements y compris de factions se réclamant de Daech, et désormais une préoccupation majeure d'Alger et de Paris.