La loi visant à interdire les "violences éducatives ordinaires" sur les enfants dont la fessée, est définitivement adoptée par le Parlement français, ce mardi 2 juillet. La France devient ainsi le 56ème pays au monde à abolir l’usage de sanctions corporelles et mentales. Une interdiction qui fait déjà figure de norme en Europe. La France est à la traîne et c’est autour de la fessée que le débat se cristallise. Explications de Gilles Lazimi, médecin généraliste et coordinateur de la campagne de prévention "Stop aux Violences Éducatives Ordinaires".
Que recouvre exactement cette loi ?
« Elle englobe toutes les pratiques dites punitives et coercitives utilisées par les parents pour faire obéir un enfant », explique le docteur Gilles Lazimi. « C’est donc tout sauf de l’éducation, ce sont des violences », poursuit le médecin. Cette loi qui se veut pédagogique souhaite sensibiliser les parents aux pratiques délétères pour leurs progénitures. Elle évincerait ainsi les fessées, les humiliations, les menaces, les gestes brusques et tout autre procédé de violence ou d’intimidation.
« Cette loi est symbolique et sa portée est majeure parce qu’elle entrera dans le code civil, premier texte qui régit la vie en société », explique Gilles Lazimi, qui coordonne également la campagne de prévention « Stop aux Violences Éducatives Ordinaires ». Le Code pénal interdit déjà toute forme de violence physique envers les enfants. Mais une jurisprudence issue du Code civil de 1804 prévoit un «droit de correction», qui protège ainsi les parents. La proposition de loi entend inscrire dans le Code civil, que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Une loi qui pose donc un cadre et surtout un interdit. « Les êtres les plus faibles de notre société auront les mêmes droits que les adultes », constate Gilles Lazimi. Elle devrait surtout insuffler un changement de comportement et faire évoluer les consciences.
Ce que l’on ne fait pas aux adultes, on ne le fait pas aux enfants. Docteur Gilles Lazimi qui coordonne la campagne de prévention « Stop aux Violence Éducatives Ordinaires ».
Pourquoi la fessée cristallise-t-elle le débat français ?
« C’est une tentative de décrédibiliser et de ridiculiser la loi ! », s’insurge le médecin. Une formule parfois prise à la légère de "loi anti-fessée" mais dont la portée est lourde de significations. 85% des parents français disent employer ces pratiques envers leurs enfants, selon l’Observatoire de la violence éducative ordinaire. Plus de la moitié des parents frapperaient leur enfant avant l’âge de deux ans.
Le système éducatif français s’est d’ailleurs construit traditionnellement sur ce schéma, que ce soit dans les institutions scolaires ou dans les foyers.
« On nous a fait croire que, qui aime bien, châtie bien et que nos enfants étaient des bêtes sauvages qu’il fallait dresser ! », surenchérit Gilles Lazimi. L'ONU a même retoqué les autorités françaises en 2016, leur demandant de bannir les châtiments corporels à l'égard des enfants. Aujourd’hui, avec les avancées des neurosciences, nous connaissons davantage le développement du cerveau de l’enfant. Pour le docteur Gilles Lazimi, il est impératif de privilégier l’accompagnement dans la bienveillance, comme le prône le modèle suèdois.
Et chez les autres ?
En 1979, la Suède ouvre la voie et légifère sur l’interdiction des violences faites aux enfants. Un pays pionnier, qui s’ancre sur un modèle d'éducation dit de « parentalité positive ».
Quarante ans plus tard, la question ne se pose plus sur le sol norvégien : 93 % de la population approuve la mesure. Le docteur Gilles Lazimi précise selon de récentes études, il y a moins de délinquance, d’addiction, moins de tentative de suicide et de trouble du comportement.
« Les parents ne sont pas allés en prison, c’est simplement la société qui a changé, elle est devenue plus empathique et plus pacifique, ça vaut le coup quand même ? », interroge le médecin en sourriant.
De nombreux pays ont suivi l’exemple suédois. Aujourd’hui, 54 pays ont aboli la fessée et les violences faites aux enfants.
Les pays nordiques sont les premiers a appliqué ces mesures, la Finlande en 1983 et la Norvège en 1987. Dans les années 90, l'Autriche, Chypre, le Danemark, la Lettonie et la Croatie suivent le mouvement. Imités dans les années 2000 par une bonne partie de l’Europe (Allemagne, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Grèce, Pays-Bas, Portugal…).