Fil d'Ariane
Tout a commencé quand les chefs héréditaires de la nation Wet’suwet’en – les chefs traditionalistes - ont mis en place un barrage pour dénoncer la construction d’un gazoduc de la compagnie Coastal GasLink sur leur territoire.
Dans les jours qui ont suivi, plusieurs autres communautés autochtones ont érigé des barrages sur des voies ferrées en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, en solidarité avec ces chefs héréditaires.
Le transport ferroviaire a donc été entravé dans l’est du Canada et depuis vendredi 14 février, plus aucun train de passagers et de marchandises n’y circule. Jour après jour, la crise a pris de l’ampleur. La « simple » contestation d’un projet de gazoduc s’est transformée en revendications territoriales et questions de gouvernance diverses de la part de plusieurs communautés autochtones. Le tout, mâtiné de considérations environnementales, droits territoriaux et enjeux liés à la situation des Premières Nations au Canada.
Depuis le début de cette crise, le gouvernement de Justin Trudeau tient un discours conciliant et d’ouverture envers les autochtones. Lors de sa dernière déclaration à la Chambre des Communes ce mardi 18 février, le Premier ministre a affirmé sa volonté de résoudre le problème d’une manière pacifique tout en faisant respecter la loi.
« Il est grand temps que la situation soit résolue » a-t-il déclaré. « Nous sommes à l’écoute, nous vous demandons de travailler avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution ».
Le gouvernement canadien tend donc la main aux communautés autochtones : « Pendant trop longtemps, nous n’avons pas réussi à agir en faveur de la réconciliation. Il faudra collaborer. Il n’y a pas de relation plus importante au Canada que celle avec les Premières Nations. Je tiens à tendre la main formellement aux Premières Nations », a dit Justin Trudeau.
À (re)voir - Justin Trudeau confronté à la colère des communautés autochtones
Les chefs de l’Assemblée des Premières Nations ont aussi tenu un discours d’apaisement mardi en conférence de presse. Sans aller jusqu’à demander la levée des barricades en tant que telle, leur discours allait dans ce sens.
« Je ne demande pas que les barricades soient levées, je suggère que peut-être le temps est venu de les lever parce qu’il y a des impacts économiques qui peuvent être très sérieux, ce qui va affecter tout le monde », a déclaré Serge Otsi Simon, le grand chef du Conseil mohawk de Kanesatake.
Perry Bellegarde, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, a ajouté : « Nous lançons un appel au calme et réclamons des discussions constructives. Nous visons une désescalade des tensions et le dialogue. Notre peuple a agi parce qu’il veut que les choses bougent. Et quand ils sentent que les autorités sont vraiment disposées à solutionner cette situation, ils vont répondre favorablement ».
Par contre, ces discours d’apaisement, d’un côté comme de l’autre, ne se sont pas encore traduits concrètement par la levée des barrages et par des mesures précises pour résoudre cette crise.
Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement canadien refuse d’utiliser la force, même si l’opposition conservatrice le réclame. Le chef conservateur Andrew Scheer qualifie de « molle » la réponse du gouvernement à la crise. Il qualifie les manifestations des autochtones d’"illégales" et réclame que le gouvernement agisse rapidement pour faire lever les barrages.
Les Canadiens de leur côté semblent partagés ; certains soutiennent les revendications autochtones et vont même jusqu’à les soutenir sur les barricades. D’autres réclament la levée des barrages et s’inquiètent du ralentissement qu’ils provoquent sur l’activité économique du pays.
Les liaisons ferroviaires sont paralysées dans la majeure partie du pays, tant pour les trains de passagers que pour le transport des marchandises. Et cela fait mal à l’économie canadienne : le Canadien National (CN), l’une des principales compagnies ferroviaires, transporte tous les jours 120 millions de dollars de produits manufacturiers. Annuellement ce sont 75 milliards de dollars de marchandises qui sont transportées dans l'est du pays par train. Le CN a dû mettre à pied temporairement 450 employés.
Clairement, la situation explosive, mais c’est peut-être l’occasion pour le Canada, et pour Justin Trudeau, d’ouvrir un dialogue constructif avec les Premières Nations, pour, enfin, amorcer la fameuse « réconciliation ».