Marche pour Adama Traoré : Appel à la convergence des luttes

Samedi 20 juillet, une troisième marche annuelle était organisée à Beaumont-sur-Oise (Val d'Oise), par le comité Adama, pour réclamer la vérité sur la mort d’Adama Traoré. Se sont joints aux manifestants, des collectifs de Gilets jaunes pour dénoncer toute forme de violence policière. Assa Traoré, soeur d'Adama, continue son combat.

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Assa Traoré
(©) Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
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Adama Traoré est décédé le 19 juillet 2016, jour de son anniversaire, suite à une interpellation des gendarmes, dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (95). Depuis, sa famille se bat pour obtenir la vérité sur les conditions de son décès, et pour que justice soit faite. L’affaire, toujours en instruction, est rapidement devenue un symbole des violences policières. 

C'était donc la troisième "Marche pour Adama" qui avait lieu à Beaumont-sur-Oise, ce samedi 20 juillet. Selon l’AFP, lors de la conférence de presse avant le départ de la manifestation, Assa Traoré, la soeur d’Adama a appelé à une “convergence” dans leur lutte. "Nous sommes 'Gilets Jaunes' depuis 40 ans.", a affirmé Assa Traoré. "Cette marche avec eux est un grand pas dans le combat contre les violences policières", a-t-elle lancé aux côtés de membres du Comité Adama. Depuis ce soir de juillet 2016, Assa Traoré a représenté la lutte de sa famille pour obtenir la vérité sur la mort de son frère.

Certains collectifs "Gilets jaunes", comme ceux de Saint-Nazaire ou de la Somme ont donc appelé à se rejoindre Beaumont-sur-Oise pour cet "acte 36" du mouvement. Etait présent notamment Maxime Nicolle, figure de proue de ce mouvement. Il en a profité pour demander pardon "de ne pas avoir su, de ne pas avoir entendu" ce que les populations de banlieues vivaient en termes de repression policière.

Ce n’est pas une nouveauté pour le comité Adama. Dès le début du mouvement des Gilets jaunes, au mois de décembre 2018, Assa Traoré et le collectif “Vérité pour Adama” les ont rejoints. Par solidarité, mais aussi pour démontrer que banlieue ou Gilets jaunes, le combat contre la précarité et les violences policières est l’affaire de tous. Contactée par téléphone, Assa Traoré tient à préciser : "Ce qui s’est passé hier, c’est un an de travail. Le mouvement des Gilets jaunes a subi des violences policières et il était important pour nous qu’ils sachent que ces violences ne datent pas d’hier, que nous les vivons depuis très longtemps dans les quartiers populaires. Il est important que la mémoire de ces victimes soit respectée. Le combat des Gilets jaunes a un historique qui prend ses racines en banlieue."

Les chants “Justice pour Adama” ou encore “Pas de justice, pas de paix” se font entendre dès le début de la marche. Les familles de Lamine Dieng, Gaye Camara et d’autres victimes de violences policières sont présentes. Il est aussi question de Zineb Redouane, cette femme âgée, morte à Marseille après avoir été touchée, chez elle, par une grenade lacrymogène ;  ou encore Steve Caniço, jeune homme porté disparu à Nantes, depuis le soir de la Fête de la musique lors d'une intervention policière. 

"La figure de Zaineb Radouane dans le mouvement des Gilets jaunes, c'est nous qui l'avons imposée. Lors de l'acte 12, nous avons imposé une banderole à son nom. Elle est aussi victime, c'est aussi un combat à prendre en considération", explique Assa Traoré. Elle clarifie tout de même son propos sur cette "convergence". "Les Gilets jaunes ne valident pas mon combat, je tiens à le préciser. On n'attend pas que le mouvement valide le travail que fait le Comité Adama. En revanche, l'Etat cherche à diviser son peuple en mettant en opposition constante les banlieues et les centres villes, le monde rural. Je veux montrer l'image d'un peuple qui marche ensemble. C'est ça qui fait peur."

Avant la marche, la mairie de Beaumont-sur-Oise aurait fait parvenir des communiqués hostile dans les boites aux lettres, dans les cages d'escalier des habitants de la ville pour les dissuader de participer. Les cars affrétés de Paris, Montreuil, et Ivry, remplis de participants à la marche ont été longuement arrêtés par la police. Des contrôles d'identité ont été effectués sur chacune des personnes présentes. Assa Traoré et des membres du comité sont alors appelés. "J'ai du m'y rendre en personne pour tenter de débloquer la situation, ça a duré longtemps.", explique-t-elle.

Il y a trois jours, elle publiait sur les réseaux sociaux une tribune, “J’accuse”, dans laquelle elle dresse la liste des personnes coupables selon elle, du manque d’avancée dans ce dossier, des gendarmes ayant interpellé Adama et provoqué sa mort, aux juges d’instruction, “ouvriers diaboliques du déni de justice”.  Elle détaille pourquoi elle a publié cette tribune : “Il y a deux semaine, nous sommes allés en petit comité voir les juges, après avoir occupé le tribunal. Nous leur avons fait comprendre que pour nous, elles sont du côté des gendarmes. Il faut savoir qu’avant qu’on ne leur dépose notre expertise, les juges voulaient fermer le dossier, prononcer un non lieu.”

En trois ans, il y a eu cinq expertises apportées au dossier. La dernière en date financée par la famille met en cause les résultats précédents et la responsabilité des gendarmes. Cette nouvelle pièce au dossier permet à l'enquête d'être relancée. Mais les juges ne semblent pas vouloir en finir, car elles annoncent demander une sixième expertise. Preuve pour la jeune femme que les juges "protègent vraiment tout un système et nous empêchent de faire valoir notre droit à la justice."  Cette tribune apparaît alors comme une volonté de tout dévoiler : "On met à nu ce système qui nous a fait perdre un frère, un fils, un ami. On met tous les noms qui ont entravé à la justice." 
Le prochain rendez-vous devrait avoir lieu en septembre pour une annonce de date de procès.