En France, la Ministre de la Justice, Christiane Taubira, a présenté mercredi 7 novembre son projet de loi sur le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels. Le gouvernement prévoit un vote par le Parlement au début 2013. La future loi permettrait le mariage et l'adoption d'enfants sous certaines conditions, mais en excluant la procréation médicalement assisté, ce qui fâche déjà les associations qui redoutent un "sous-mariage". Le texte pourrait toutefois évoluer lors de son examen au Parlement. Le mariage ouvert aux couples de même sexe est déjà une réalité dans quelque 10 pays du monde. Une toute petite minorité.
L’Histoire des mœurs retiendra sans doute que les Pays-Bas ont été le premier Etat à ouvrir l’institution du mariage aux couples de même sexe. La mesure est entrée en vigueur en avril 2001. Depuis, dans ce pays, plus de 14000 couples homosexuels ont choisi de se marier entre 2001 et 2010, selon l’office néerlandais des statistiques. On peut voir cette première comme un repère dans la lutte pour les droits et, d’abord, contre les discriminations qui a émergé dans la communauté homosexuelle à la fin du XXème siècle. Au début du XXIème, reflet des progrès accomplis, c’est une inscription dans la loi commune que réclament les homosexuels. Les activistes font maintenant campagne pour « le mariage pour tous ». Il est difficile de généraliser les situations : un tour du monde montre que chaque pays a élaboré ses propres solutions en fonction de son contexte politique et social. Mais une remarque s’impose : les avancées vers la reconnaissance du couple homosexuel semblent essentiellement circonscrites au monde dit « occidental ». Une petite minorité sur les 193 Etats membres des Nations Unies. La première formule adoptée par les Etats a été la mise en place de formules d’ «union civile », qui donnait pour la première fois une existence légale aux couples sans distinction de sexe. Formules souples, aux droits limités et qui, surtout, pour contourner et apaiser les oppositions, évitaient de prononcer le mot « mariage ». Ce fut le cas en France en 1999 avec le Pacs, ou pacte civil de solidarité, que fait voter malgré de vives polémiques le gouvernement socialiste de Lionel Jospin. L’union civile s’est largement imposée aujourd’hui en Europe occidentale : le pionnier fut le Danemark en 1989. Depuis l’Allemagne (2001), le Royaume Uni (2005), la Suisse (2007) et même la très catholique Irlande (2011) ont leur texte de loi. Dans le monde, quelques pays comme la Nouvelle Zélande ou l’Uruguay ont aussi adopté des formules similaires.
Un couple se marie à la mairie de Mexico, le 11 mars 2010
AFP- Alfredo Estrella
Egalité des droits Mais dans des sociétés démocratiques, condamnant en théorie toute discrimination, peut-on encore priver les homosexuels des droits (et devoirs) qui découlent du mariage ? C’est donc sur le terrain des principes de la démocratie et du libéralisme social que s’est développé la revendication du mariage « pour tous ». Fidèle à sa tradition de progressisme en matière de société, l’Europe du Nord a donc réagi la première. Après les Pays-Bas, la Belgique a suivi en 2003, puis la Suède, la Norvège et l’Islande. Mais le mouvement s’est diffusé : l’Espagne, emmenée par le gouvernement de José Luis Zapatero a autorisé en 2005 un mariage entre personnes du même sexe, et le Portugal en 2010. Sur le continent américain, le Canada et l’Argentine l’ont adopté, ainsi que Mexico, capitale du Mexique. Aux Etats-Unis, six Etats l’autorisent ainsi que Washington D.C. Ajoutons à cette courte liste, le cas isolé sur son continent de l’Afrique du Sud qui a légalisé l’union entre deux personnes du même sexe en novembre 2006. Au total, une dizaine d’Etat seulement autorise une forme de mariage entre personnes du même sexe. En Asie, en Afrique, au Moyen-Orient, la décriminalisation de l’homosexualité et, dans les cas les plus graves, la fin des persécutions seraient déjà des progrès.
Et les enfants ? Le bien des enfants est un des principaux arguments des opposants au mariage ouvert aux couples de même sexe. Pour ceux-ci, l’enfant doit grandir avec, ou au moins pouvoir se référer à, un père et une mère. Or, un mariage véritablement « pour tous », entraine un droit à l’adoption et à la procréation médicalement assistée (PMA). Mais dans les faits et en droit, le lien entre mariage et procréation est désormais dissocié et chaque pays a promulgué des législations spécifiques. Ainsi, en Europe, le Royaume-Uni n’autorise pas le mariage aux homosexuels (il existe une union civile) mais permet l’adoption. A contrario, le Portugal permet le mariage mais a exclu la possibilité de toute adoption. Néanmoins, d’une manière générale, les Etats ayant autorisé le mariage homosexuel l’ont accompagné de droit à l’adoption, parfois avec quelques années de décalage. C’est le cas aux Pays-Bas, Belgique, Espagne,… Le Canada, l’Argentine ou l’Afrique du Sud sont sur la même position. Dans un tableau des multiples variantes possibles, il faudrait également distinguer comme le font certains pays du monde entre adoption comme projet de couple, et celle de l’enfant de son partenaire de même sexe. Ainsi l’Allemagne, qui n’a pas mis en place de mariage homosexuel, permet sous certaines conditions cette deuxième possibilité. Le site anglophone de Wikipedia a tenté dans un tableau complexe de recenser les différentes possibilités offertes par les législations locales à travers le monde... Dans la loi à l'étude en France, le texte devrait permettre aux couples d’adopter en France ou à l’étranger, mais la majorité des pays ne permettant pas l’adoption par des homosexuels, cela devrait limiter les possibilités. Un conjoint pourrait aussi adopter l’enfant de son partenaire. En fait, les associations en faveur des droits des homosexuels s’inquiètent surtout de ce que la loi va prévoir pour la PMA, qui conduit aujourd’hui les femmes françaises à rechercher une solution médicale à l’étranger (Belgique ou Espagne) et pour la gestation pour autrui (mères porteuses) que certains couples d’hommes doivent aller chercher jusqu’aux Etats-Unis.
En France, le travail parlementaire est lancé
07.11.2012
Comme prévu, Christiane Taubira, la Ministre française de la Justice a présenté au Conseil des Ministres du 7 novembre le projet de loi du gouvernement ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Le texte permettra également la reconnaissance en France des mariages célébrés à l’étranger. Cette « ouverture » de l’institution du mariage entraine des droits et des devoirs. Les époux pourront hériter de leur conjoint ou bénéficier d’une pension de réversion. Ils auront aussi la possibilité d’adopter ensemble un enfant. Les parents devront se mettre d’accord sur le nom de famille qu’il portera. « C’est une étape importante vers l’égalité des droits » a commenté la ministre de la famille Dominique Bertinotti, la ministre de la famille à l’issue du Conseil. Contrairement à la demande des association homosexuelles, le projet de loi ne prévoit pas l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femme, ni de référence aux questions de filiation, renvoyées à une future loi sur la famille. Néanmoins, lors d’un point de presse à l’issue du Conseil, Christiane Taubira a expliqué qu’elle attendait le débat parlementaire pour se prononcer sur la PMA qui pourrait être réintégrée dans le texte. Au Parlement, la commission des Lois débutera les auditions de différentes « personnalités qualifiées » dès le 8 novembre. Le gouvernement prévoit un vote au premier trimestre 2013. Depuis l’élection de François Hollande, qui avait inscrit cette loi dans son programme, le débat public est très vif en France. L’opposition de droite, mais aussi les responsables religieux sont très opposés à cette évolution du mariage. Mais, s’il faut croire les sondages, l’opinion publique semble être plutôt favorable. Le dernier en date, publié dans le journal Le Monde du 7 novembre, montre que 65 % des sondés pensent que les couples homosexuels devraient avoir le droit de se marier. Ils sont 52 % à approuver l’adoption. D’une manière plus générale, 87 % des sondés pensent que l’homosexualité est « plutôt une manière comme une autre de vivre sa sexualité ». 7% au contraire, pensent que c’est « une perversion sexuelle que l’on doit combattre ».