
Fil d'Ariane
Le Rassemblement national a décidé de repousser pour l'instant l'activation d'une option Jordan Bardella pour l'élection présidentielle de 2027. Tout en louant "l'atout formidable" que représente le jeune président du parti, Marine Le Pen a estimé qu'elle avait encore "un petit chemin".
Marine Le Pen, 56 ans, a été condamnée lundi à cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds publics, une décision qui a provoqué un coup de tonnerre politique à deux ans de la présidentielle en France en 2027 dont elle part favorite.
Sitôt connu le jugement du tribunal correctionnel de Paris, qui a condamné la leader du parti d'extrême droite à une inéligibilité de 5 ans avec exécution immédiate, l'hypothèse d'une candidature de substitution de Jordan Bardella est revenue avec force.
Car la configuration politique qui procède du jugement du tribunal correctionnel de Paris pose de nombreuses difficultés et rend Marine Le Pen tributaire de délais judiciaires qu'elle ne maîtrise pas.
"Si elle est condamnée à l'exécution provisoire, ça fait une préparation à la présidentielle particulière, quand même", admettait la semaine dernière un député RN, évoquant une "épée de Damoclès" à la limite du soutenable.
Seule, désormais, une décision de la Cour d'appel davantage clémente, ou à tout le moins non-assortie d'une exécution immédiate, pourrait permettre à Marine Le Pen de mener à terme cette quatrième campagne présidentielle. A condition que le procès soit programmé dans un délai suffisamment rapproché.
"Je vais effectivement demander de la manière la plus claire qui soit que la décision d'appel intervienne en me permettant d'envisager une candidature à l'élection présidentielle", a-t-elle déclaré lundi soir sur TF1.
Le Rassemblement national peut-il prendre le risque d'une préparation incertaine et forcément chahutée au scrutin de 2027 ?
"Jordan Bardella est un atout formidable pour le mouvement et je le dis depuis longtemps. J'espère que nous n'aurons pas à user de cet atout plus tôt qu'il n'est nécessaire", a tranché pour l'instant Marine Le Pen.
A 29 ans, celui à qui Marine Le Pen avait promis Matignon en cas de victoire du RN aux législatives de l'été dernier, ou d'elle-même à l'Elysée, avait certes déjà été présenté comme un "recours".
L'hypothèse se voulait toutefois improbable: "Je peux être renversée par un camion en traversant la rue", se contentait de justifier Marine Le Pen.
Reste que depuis qu'il lui a succédé à la tête du parti, en novembre 2023, Jordan Bardella s'est peu à peu construit une image de leader, davantage que la simple "complémentarité" qu'a jusqu'alors décrite Marine Le Pen.
Arrivé en tête lors des européennes de juin, il a donné au RN le meilleur score de son histoire, 31,37%. Encore davantage un mois plus tard, au terme de législatives anticipées qu'il avait lui-même réclamées: 37,17 % au second tour pour les candidats RN et leurs alliés ciottistes.
L'ancien colleur d'affiches de Seine-Saint-Denis, qui aime à jouer l'ingénu "né en 1995" pour mieux renvoyer le sulfureux passé du Front national et les outrances de Jean-Marie Le Pen, a d'ailleurs une singularité : il est le premier patron du parti à ne pas porter ce patronyme réputé repoussoir pour une partie de l'électorat.
Il tente aujourd'hui de "réunir dans un même élan les Français issus de la classe populaire et une partie de la bourgeoisie conservatrice" pour faire "l'unité du camp patriote, par une capacité à agréger les orphelins d'une droite plus orléaniste", tel qu'il l'a écrit dans un livre sorti à l'automne, "Ce que je cherche" (Fayard).
Entre les deux, nulle distension pour autant, ont-ils toujours assuré. Et malheur à ceux qui se sont essayés à critiquer le "fils spirituel" pour s'attirer les faveurs de la "patronne": Marine Le Pen a fait savoir qu'elle considérait les attaques contre son poulain comme des agressions contre sa propre personne.
Reste que l'équation ne fonctionnait que dans le cadre d'un binôme, Marine Le Pen étant toujours restée "la candidate naturelle" du parti pour la présidentielle.
Lui, candidat? "Je crois qu'il n'a pas encore toutes les qualités requises", doutait il y a encore quelques semaines un député pourtant proche. "Il y a une doctrine de Marine, pas de doctrine de Jordan Bardella", se montrait encore plus incisif un autre élu RN, pointant par ailleurs "une image de popstar qu'il serait bon de faire évoluer".
Jordan Bardella a gardé pourtant quelques atouts de sa manche: dans une étude Odoxa parue lundi avant le jugement, celui qui aura 30 ans en septembre est davantage apprécié (30%) par les Français que Marine Le Pen (16%). Et chez les seuls sympathisants RN, il lui est préféré à 60%, contre 32% pour la députée du Pas-de-Calais.
"Et puis surtout, lui n'est pas inquiété par la justice", complète un proche.