Le Président du Conseil italien Mario Draghi vient d'annoncer sa démission ce jeudi 21 juillet, vaincu par la défiance des poids lourds de sa coalition d'unité nationale. Le départ de celui qui fut l'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) sucite l'inquiétude en Europe. Le président italien Sergio Mattarella annonce la dissolution du Sénat et de la Chambre des députés.
Mario Draghi s'est rendu au palais présidentiel du Quirinal ce jeudi 21 juillet pour y remettre sa démission au président Sergio Mattarella. Celui-ci "
en a pris acte" et prononce dans la foulée la dissolution du Parlement composé du Sénat et de la Chambre des députés. "
La situation politique a conduit à cette décision" déclare Sergio Mattarella lors d'une allocution télévisée. À l'issue de cette dissolution des élections anticipées devraient avoir lieu en automne prochain. En attendant, le gouvernement reste en place pour expédier les affaires courantes, précise la présidence.
Un départ attendu dans un contexte de crise palementaire.
Le départ de Mario Draghi était attendu. Le parti de droite Forza Italia de Silvio Berlusconi, la Ligue, la formation d'extrême droite de Matteo Salvini, et la formation populiste Mouvement 5 Etoiles (M5S) ont tous refusé de participer à un vote de confiance demandé ce mercredi 20 juillet par le chef du gouvernement au Sénat.
Même s'il a finalement obtenu la confiance sur le fil, ces désertions en masse restent un désaveu pour celui qui s'était dit prêt à rester à son poste. L'ancien premier ministre avait imposé comme condition que les partis de sa coalition rentrent dans le rang autour d'un
"pacte" de gouvernement.
Ce
"pacte" a pourtant été fragilisé une première fois la semaine dernière à l'issue d'une première défection du mouvement 5 étoiles. Le mouvement connait de fortes dissensions internes et une hémorragie de parlementaires.
À l'issu de cet évenement Mario Draghi estimait que son gouvernement d'unité nationale, allant de la gauche à l'extrême droite, était caduc.
Le président du Conseil arrivé à la tête de l'exécutif en février 2021 avaitalors présenté une première fois sa démission au président Mattarella le 14 juillet. Ce dernier l'avait aussitôt refusée.
La presse italienne regrette "L'Italie trahie"
L'ancien Premier ministre affirmait encore ce mercredi 20 juillet : "
L'unique solution, si nous voulons encore rester ensemble, est de reconstruire à partir de ses fondements ce pacte, avec courage, altruisme et crédibilité". "C'est ce que demandent les Italiens" a t'il ajouté fort à la vue des sondages affirmant que deux tiers des Italiens souhaitaient que "Super Mario" reste à la barre.
L'Italie et l'UE sont confronté à des défis intérieurs (relance économique, inflation, emploi) et extérieurs (indépendance énergétique, guerre en Ukraine). Ces défis "
exigent un gouvernement vraiment fort et solidaire et un Parlement qui l'accompagne avec conviction" a soutenu l'ancien Premier ministre.
Les poids-lourds de sa coalition, les yeux déjà rivés sur la campagne électorale à venir, ont ignoré cet appel. Finalement, seuls le centre et la gauche incarnée par le Parti démocrate (PD) sont restés jusqu'au bout à ses côtés.
La presse italienne juge sévèrement cette impasse. Le quotidien La Repubblica titre "L'Italie trahie", le Corriere della Sera écrit "Adieu au gouvernement Draghi" tandis que La Stampa dénonce une "honte".
Les droites en embuscade
Le spectre d'élections anticipées était redouté par le centre et la gauche puisque les enquêtes d'opinion récentes donnent vainqueurs la coalition dite "de centre-droit". Cette coalition réunit la droite de Berlusconi et l'extrême droite représentée par la Ligue et de Fratelli d'Italia.
Ce parti post-fasciste, présidé par Giorgia Meloni, est donné premier dans les intentions de vote à près de 24% selon un sondage réalisé par l'institut SWG le 18 juillet. Il s'imposerait ainsi devant le Parti démocrate à (22%) et la Ligue à (14%).
"
Nous sommes prêts. Cette nation a un besoin désespéré de recouvrer sa conscience, sa fierté et sa liberté", a tweeté jeudi Giorgia Meloni. Cette journaliste de formation, âgé de 45 ans pourrait devenir la prochaine cheffe du gouvernement italien.
Une perspective qui préoccupe les partenaires européens de l'Italie car sans défendre une sortie de l'UE, Fratelli d'Italia prône une révision des traités et la substitution de l'Union par une "confédération d'Etats souverains". Il ne plaide pas pour une sortie de l'euro mais réclame une réforme radicale de la BCE.
Le commissaire européen à l'Economie, l'Italien Paolo Gentiloni, lui-même ancien chef du gouvernement italien, a jugé
"irresponsables" les partis ayant lâché Mario Draghi, alors que Bruxelles et ses partenaires européens ont fait pression pour qu'il reste à son poste.
Pour Paris, le départ de Mario Draghi,
"pilier pour l'Europe", ouvre une "période d'incertitudes", selon la secrétaire d'Etat française chargée de l'Europe Laurence Boone.
Les marchés scrutent eux aussi avec attention la situation. Le coût de la dette de l'Italie est reparti à la hausse et la Bourse de Milan a chuté jeudi matin, signe de la nervosité des marchés face à l'incertitude régnant dans la troisième économie de la zone euro.