Fil d'Ariane
Le roi du Maroc Mohammed VI a gracié trois journalistes et un intellectuel, lundi 29 juillet. Ils étaient accusés d’agressions sexuelles et dénonçaient un prétexte pour punir leurs opinions critiques du pouvoir. Des ONG se battaient pour leur libération depuis des années.
Omar Radi, journaliste et militant, parle au téléphone après avoir été gracié et libéré de prison à Tifelt, Maroc, lundi 29 juillet 2024. Le roi du Maroc Mohammed VI a gracié lundi un groupe de journalistes accusés de crimes sexuels et d'espionnage dans le cadre de poursuites largement condamnées par les défenseurs de la liberté de la presse comme étant des représailles en réponse à des reportages critiques.
Emprisonnés ou poursuivis par la justice depuis des années au Maroc, trois journalistes et un intellectuel ont été graciés par le roi Mohammed VI, lundi 29 juillet. Plusieurs ONG ne cessaient de réclamer leur libération.
À sa sortie de prison, le journaliste Omar Radi, arrêté en 2020, s'est dit « reconnaissant ».
« J'ai appris que d'autres détenus dans des cas similaires ont été relâchés, j'en suis plein de gratitude », a-t-il déclaré à l'AFP près du centre de détention de Tiflet, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Rabat, estimant que cette décision permettait d'« apaiser l'espace public marocain ».
Omar Radi, journaliste et activiste, deuxième à partir de la droite, parle au téléphone après avoir été gracié et libéré de prison à Tifelt, Maroc, lundi 29 juillet 2024.
Connus pour leurs critiques du pouvoir, les journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine avaient rejeté les accusations d'agressions sexuelles retenues contre eux, estimant qu'il s'agissait d'une manière de les punir à cause de leurs opinions.
Pour les autorités marocaines, ils ont été jugés pour des crimes de droit commun qui « n'ont rien à voir » avec leur profession ni le respect de la liberté d'expression.
« La Grâce Royale se démarque par son caractère humain, et a été accueillie avec profonde gratitude par les familles des graciés. »Hicham Mellati, directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice.
Un responsable marocain a indiqué à l'AFP qu'ils faisaient partie des 2 476 personnes dont la grâce a été annoncée par le ministère de la Justice, à l'occasion de la fête du trône célébrée mardi, marquant l'intronisation de Mohammed VI, il y a 25 ans.
« La Grâce Royale se démarque par son caractère humain, et a été accueillie avec profonde gratitude par les familles des graciés », a affirmé à l'AFP Hicham Mellati, directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice.
Omar Radi et Soulaimane Raissouni avaient été arrêtés en 2020 et Taoufik Bouachrine en 2018.
En juillet 2023, la Cour de cassation du Maroc, la plus haute instance judiciaire du royaume, avait rejeté le pourvoi de MM. Radi (38 ans) et Raissouni (52 ans), confirmant leurs condamnations à respectivement six et cinq ans de prison ferme dans des affaires d'agressions sexuelles et d'espionnage pour le premier.
Des personnes portent des banderoles et scandent des slogans lors d'une manifestation appelant à la libération des journalistes détenus Omar Radi et Soulaimane Raissouni, dans le centre de Rabat, au Maroc, mardi 25 mai 2021.
Le pourvoi de M. Bouachrine, 55 ans, fondateur et éditorialiste d'un quotidien arabophone, avait été rejeté en 2021. Incarcéré depuis 2018, il avait écopé de quinze ans de prison pour « viol », « traite d'êtres humains » et « agressions sexuelles » à l'encontre de plusieurs femmes.
Historien et défenseur des droits humains franco-marocain, Maâti Monjib, 62 ans, avait lui été condamné en première instance début 2021 à un an de prison ferme pour « fraude » et « atteinte à la sécurité de l'État » au terme d'un procès ouvert en 2015.
Cet intellectuel est aussi sous le coup d'une instruction judiciaire depuis 2019 pour « blanchiment de capitaux », ce qui lui a valu trois mois de détention préventive avant qu'une mesure de liberté provisoire ne lui soit accordée en mars 2021, au terme de 20 jours de grève de la faim.
Il est accusé de malversations dans la gestion d'un centre qu'il avait créé pour promouvoir notamment le journalisme d'investigation, ce qu'il nie.
L'organisation de défense des droits humains Amnesty International avait appelé à de nombreuses reprises ces dernières années à la libération des quatre hommes, tandis que l'ONG Human Rights Watch (HRW) accuse les autorités marocaines d'utiliser « des accusations pénales de droit commun contre les opposants et les professionnels des médias critiques ».
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Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par l'organisation Reporters sans frontières (RSF), le Maroc figure à la 129e place, sur 180.
D'autres journalistes ou militants ont été graciés lundi, comme Imad Stitou, Hicham Mansouri et Saida El Alami, ont rapporté des médias locaux. La grâce royale concerne également 16 « détenus condamnés dans des affaires d'extrémisme et de terrorisme » ayant « révisé leurs orientations idéologiques », a rapporté le ministère de la Justice, sans les identifier.