Des étudiants, aux hommes d'affaires en passant par les retraités... Personne n'est épargné par la baisse drastique des visas français accordé aux Maghrébins. En particulier au Maroc, où la France a divisé par deux le nombre de visas attribués. Une décision lourde de conséquence, qui accentue le rejet de la présence française en Afrique...
Zouhair D.* n'en revient toujours pas,
"j'ai même fourni des documents qui n'étaient pas demandés comme une attestation de congés, d'hébergement et de mariage signé par la mairie de Carrières-sur-Seine".En juin, ce Marocain employé du secteur informatique financier effectue une demande de visa d'une durée de quatre jours. Il souhaite assister au mariage de sa sœur franco-marocaine résidant en région parisienne.
Mais à sa grande surprise sa demande est refusée.
"On m'a signifié quatre motifs de refus liés au manque de moyens et à un doute concernant mon retour au Maroc". En clair, l'État français estime que le trentenaire présente un risque de rester illégalement sur le territoire français. Des explications difficiles à accepter pour Zouhair D, d'autant qu'en 2015, il obtient un visa de 5 jours sans problème pour se rendre en Suisse. Sa demande de recours est restée lettre morte.
Comme lui, de nombreux Marocains voient systématiquement leur demande de visas refusée pour des motifs qu'ils jugent arbitraires.
"Vous ne reprenez pas vos compatriotes, on n'accepte pas vos compatriotes !"
Tout commence fin septembre 2021, quand la radio française
Europe 1 annonce que la France réduit drastiquement le nombre de visas accordés à l'Algérie, au Maroc et à la Tunisie. Une information confirmée par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, qui évoque des
"menaces" mise à
"exécution" :
"En 2018, nous avons adopté la loi Asile et immigration (...) Et le frein à cette efficacité et aux reconduites effectives, c’est le fait que des pays refusent les laissez-passer consulaires. À partir de là, on a eu un dialogue avec certains pays du Maghreb, puis des menaces. Et aujourd’hui on met ces menaces à exécution".
(Re)voir : Visas, la France "met ses menaces à exécution" contre les pays du Maghreb
Deux jours plus tard, le ministre français de l'Intérieur
Gérald Darmanin justifie cette décision, par le
"refus" du pays de rapatrier ses ressortissants en situation irrégulière en France :
"Une partie des compatriotes algériens, marocains, tunisiens qui sont sur le sol français ne sont plus acceptés par ces pays". "Vous ne reprenez pas vos compatriotes, on n'accepte pas vos compatriotes." Pour Youssef El Idrissi El Hassani, président de l'association Franco-Marocaine des Droits de l'Homme (AFMDH), cette explication n'est que la partie émergée de l'iceberg. Selon lui,
"la plupart des migrants détruisent leur passeport pour ne pas être reconduits dans leur pays d'origine. À partir de là, comment distinguer un Algérien d'un Marocain ? Les laisser-passer ne peuvent pas être accordés sur du déclaratif." Une situation aggravée par la pandémie et l'obligation pour les migrants de se soumettre à un test PCR pour pénétrer sur le territoire marocain.
"Beaucoup ont refusé de se faire tester pour rester en France", ajoute Youssef El Idrissi El Hassani.
(Re)voir : France, des étudiants étrangers privés de visa en raison de la crise sanitaire
Nombre de visas accordés divisé par deux
Pour le Maroc, 3301 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été délivrées entre janvier et juillet 2021. Sur les 24.191 visas demandés, 18.579 ont été accordés (77%). **
Concrètement, la France a divisé par deux le nombre de visas accordés aux citoyens algériens et marocains. Pour les Tunisiens, la réduction est d'un tiers. Le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita, a qualifié la décision d'"injustifiée".
Au siège francilien de l'AFMDH, le téléphone ne cesse de sonner. "Je reçois une quinzaine d'appels par jour, des médecins, des avocats, des hommes d'affaires se voient refuser leur demande. Des étudiants qui se sont endettés et des personnes âgées habitués à visiter leurs proches me contactent en larmes !"
Youssef El Idrissi El Hassani attribue cette "humiliation" à la reconnaissance de la souveraineté du Sahara Occidental par les États-Unis et la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. "Ce basculement géopolitique a mis un terme à l'hégémonie de la France au Maroc. Paris ne l’admet pas.", explique-t-il.
Tollé sur les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les commentaires fustigeant la France abondent et les anonymes ne sont pas les seules victimes des refus de visas.
Alors qu'elle devait se produire à Montpellier début septembre, lors du festival Arabesques, la troupe marocaine du Kabareh Cheikhats a essuyé cinq refus de visas sur les six demandes déposées.
Interrogé par le magazine Jeune Afrique, son fondateur, le comédien et metteur en scène Ghassan El Hakim déclare : "
Quelle est la vraie raison ? La peur qu’on s’installe en France ? Mais on n’en a pas envie en fait !"Grâce à cette vidéo publiée sur Youtube, ils obtiennent finalement les précieux sésames...
Sur facebook, l’universitaire Mokhtar Chaoui a lui exhorté les Marocains à arrêter de se "
prosterner pour avoir un visa. Le pays qui vous snobe, que ça soit la France ou un autre, zappez-le" écrit-il.
* Le nom a été modifié**Chiffres BFMTV, source proche de l'exécutif