Massacre du 17 octobre 1961 : Macron dénonce des "crimes inexcusables pour la République"

Le président français, Emmanuel Macron, a dénoncé, ce samedi 16 octobre, des "crimes inexcusables pour la République", à l'issue d'une cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre de manifestants algériens, le 17 octobre 1961, à Paris. Une étape supplémentaire, après la "sanglante répression" admise par son prédécesseur, François Hollande, en 2012.

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Le président Emmanuel Macron lors d'une cérémonie aux Invalides, le vendredi 15 octobre 2021.

(Ludovic Marin, Pool Photo via AP)
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Ce samedi, en milieu d'après-midi, le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, a déposé une gerbe sur les berges de la Seine, à la hauteur du Pont de Bezons, en banlieue parisienne, emprunté il y a 60 ans par les manifestants algériens qui arrivaient du bidonville voisin de Nanterre, à l'appel de la branche du FLN installée en France. 

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Pas de discours, mais un communiqué de l'Elysée

Le chef de l'Etat, qui n'a pas prononcé de discours, "a reconnu les faits: les crimes commis cette nuit-là sous l'autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République", via un communiqué de l'Elysée, diffusé juste après la cérémonie. 

C'est la première fois qu'un président français se rend sur les lieux du massacre dont le nombre de morts est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines, le bilan officiel n'en dénombrant que trois.

"Des tirs à balles réelles se sont produits à cet endroit et des corps ont été repêchés dans la Seine", rappelle l'Elysée pour expliquer le choix de ce lieu de commémoration de la répression dont le nombre de morts est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines, le bilan officiel n'en dénombrant que trois.

En évoquant des "crimes", Emmanuel Macron, qui a observé une minute de silence et déposé une gerbe sur les berges de la Seine, est ainsi allé plus loin que la "sanglante répression" admise par son prédécesseur, François Hollande, en 2012.

Après la remise en janvier du rapport de l'historien Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d'Algérie (1954-62), le chef de l'Etat s'était engagé à participer "à trois journées commémoratives et emblématiques": la première a eu lieu autour du 25 septembre, journée nationale d'hommage aux Harkis, la seconde ce samedi et la troisième le 19 mars prochain pour les 60 ans des Accords d'Evian qui ont mis fin à la Guerre d'Algérie.

Il faut que la France reconnaisse cette tragédie comme une tragédie inexcusable, comme une sorte de crime qui a été décidé

Benjamin Stora, historien

"Il faut que la France reconnaisse cette tragédie comme une tragédie inexcusable, comme une sorte de crime qui a été décidé", a estimé samedi Benjamin Stora sur Europe 1 et Cnews. "Il y a une responsabilité de l'Etat sous l'autorité de Maurice Papon", alors préfet de police de Paris.

Regarder "l'histoire en face"

Cette cérémonie s'est déroulée dans un contexte tendu entre Paris et Alger, après des propos d'Emmanuel Macron, rapportés par Le Monde, qui accusait le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" en servant à son peuple une "histoire officielle" qui "ne s'appuie pas sur des vérités".

A l'Elysée, on assure que "quel que soit l'état de nos relations avec l'Algérie et quelles que soient les positions des autorités algériennes sur la question, nous le faisons pour nous mêmes, pas pour des raisons franco-algériennes".

(Re)voir Octobre à Paris : une mémoire retrouvée (1961), le documentaire longtemps censuré de Jacques Panijel

Le chef de l'Etat, qui a entrepris un travail de mémoire inédit sur la Guerre d'Algérie, souhaite avant tout "regarder l'histoire en face", comme il l'a fait au Rwanda en reconnaissant les "responsabilités" de la France dans le génocide des Tutsi de 1994. "Mais cela ne signifie pas réécrire l'histoire ou la réinventer", prévient l'Elysée. 

"Le président de la République a décidé de mener cette bataille mémorielle de manière méthodique et organisée. Il y a eu Maurice Audin, Ali Boumendjel, le pardon aux harkis… On a plus avancé sur le chanter mémoriel en quelques mois qu'en 60 ans", assure M. Stora.

Des commémorations dans toute la région parisienne

Cette cérémonie était attendue par différentes organisations comme SOS Racisme: "Il est temps que l'Etat assume ses responsabilités et cesse d'user de formules sibyllines", affirme à l'AFP son président Dominique Sopo. 

Soixante ans après, "il n'y a toujours pas de bilan officiel du nombre du nombre de victimes, de déportés, il n’est même pas possible d'identifier les victimes", déplore-t-il. 

Un certain nombre d’événements commémoratifs sont prévus dimanche en Seine-Saint-Denis, dont Bagnolet, Montreuil, Noisy-le-Sec où une affiche de l'artiste Ernest Pignon-Ernest, représentant les mains d'un noyé et portant les mots "un crime d’Etat, Paris le 17 octobre 1961", doit être installée dimanche sur la façade d’un immeuble.

Nanterre se joindra aux villes de Colombes, Gennevilliers, Bagneux, Malakoff et Châtillon pour une marche-souvenir qui partira de l’Esplanade de La Défense et rejoindra le Pont de Neuilly.

(Re)voir : 17 octobre 1961 : les non-dits du massacre des Algériens par la police française [LeMémo]