Fil d'Ariane
Une goutte d’eau dans la mer ? Peut-être…mais pour l’association SOS Méditerranée il y a toujours urgence à secourir les centaines de migrants qui traversent chaque jour la mer Méditerranée au péril de leur vie.
Plus de 2800 personnes sont mortes lors du naufrage de leur embarcation en tentant la traversée depuis janvier 2015, selon l’Organisation Internationale des Migrations. Souvent, les passeurs ont abandonné les passagers à leur sort, en pleine mer, sur des bateaux de fortune surchargés.
L’objectif de l’association SOS Méditerranée est de mettre en place une opération adaptée au sauvetage des embarcations de migrants dans les eaux internationales au large des côtes libyennes, en se positionnant en vigie là où les gardes-côtes italiens et les bateaux de Frontex ne vont pas (lire en encadré ci-dessous).
L’opération Triton menée depuis novembre 2014 par l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex peut intervenir pour les sauver. L'opération Triton bénéficiait de moins de moyens - contrairement à l’opération précédente Mare Nostrum organisée par la marine italienne - et avait avant tout une vocation de contrôle et non de sauvetage.
Mais début 2015, la vague de naufrages en mer entraînant des centaines de morts a scandalisé l’opinion publique et poussé les politiques européens à tripler son budget. En dépit de cette rallonge financière, son action se limite toujours aux eaux territoriales européennes. Or les bateaux de migrants se retrouvent souvent en détresse dans les eaux internationales au large des côtes libyennes d'où ils partent.
Ils veulent ainsi mettre en place une mission pérenne et indépendante des contingences politiques : « On pense que la prise en charge actuelle par les dispositifs militaires est trop soumise à des aléas de nature politique ou médiatique. Aujourd’hui on voit une vague d’émotion mais on sait que cela retombe », explique Sophie Beau, cofondatrice de l’association qui ajoute : « Vu les fluctuations de la politique européenne (mur, fermeture des frontières) on a aussi très peur que les gens se tournent de plus en plus vers la Méditerranée pour passer vers l’Europe. »
Aujourd'hui, ce sont notamment des ONG comme Médecins sans frontières (MSF) qui portent secours aux migrants dans les eaux internationales pour les amener jusqu'en Sicile ou ailleurs en Italie.
MSF gère actuellement trois bateaux en mer Méditerranée qui ont secouru plus de 16 000 personnes depuis leur mise en service en avril dernier. Alors que leurs missions devaient prendre fin en ce mois d’octobre, l’ONG les prolonge face à l’afflux de migrants.
Outre cette opération, les navires de commerces peuvent, en théorie, être déroutés mais la réalité est, parfois, toute autre explique Sophie Beau co-fondatrice de l’association SOS Méditerranée : « Les autorités de coordination des secours maritimes (MRCC) reçoivent les signaux de détresse. Ils analysent le besoin et mobilisent les bateaux nécessaires en leur demandant de se dérouter, selon l’obligation inscrite dans le droit maritime de porter assistance. Normalement, ils doivent leur venir en aide mais dans la pratique, c’est compliqué pour les compagnies marchandes de dérouter leur bateau. Il y a énormément de témoignages de migrants qui racontent que lorsqu'ils dérivaient sur leur embarcation en panne, ils voyaient d’autres bateaux passer sans s’arrêter. »
Ces imposants navires ne sont pas non plus adaptés au sauvetage des migrants qu’ils peuvent même mettre en danger : « Un porte-conteneur de 300m qui débarque à côté d’un petit bateau en train de couler a toutes les chances de le faire chavirer encore plus vite, raconte Sophie Beau de SOS Méditerranée. C’est aussi pour ça que les armateurs disent que ce n’est pas leur vocation, qu’ils n’ont pas les moyens adéquats et que c’est plus dangereux qu’autre chose. Leur position cache peut être aussi des intérêts économiques. Mais c’est vrai qu’il faut des équipements particuliers, des petits canaux de sauvetage pour approcher très rapidement des embarcations sans les faire chavirer. Il y a toute une technique de sauvetage qui n’est pas donné à n’importe quel bateau de commerce. »
L'association SOS Méditerranée a donc décidé d'agir. Son but est d’acheter un bateau de 60m pouvant accueillir suffisamment de personnes, avec un équipage de marins professionnels et une équipe médicale fournie par l’ONG Médecins du monde, partenaire de leur initiative.
Pour mener à bien ce projet, Sophie Beau qui travaille depuis 20 ans dans l’humanitaire a rencontré Klaus Vogel, ancien capitaine de la marine marchande allemande qui a décidé de se consacrer entièrement à cette nouvelle mission. Durant sa carrière, il a souvent été confronté à la question des migrants.
Tous deux ont lancé une campagne de financement participatif en ligne pour lever des fonds (sur le site Ulule).
Depuis le 12 septembre, la collecte atteint plus de 185 000 Euros. De quoi louer un bateau pour un mois. Mais leur but est d'en acheter un et de le faire fonctionner à l'année avec l’équipage et l’équipement médical nécessaires. Et pour cela, ils ont besoins de plus d’un million d’Euros. SOS Méditerranée lance aussi un appel aux mécènes, aux pouvoirs publics pour des subventions et aux donateurs qui possèderaient un bateau.
Pour eux, il était important de mobiliser la société civile sur ce sujet : « ce qui est important c’est de montrer que les gens ne peuvent pas voir ce spectacle désolant se répéter à l’infini sans réagir, souligne Sophie Beau. C’est très important car c’est par ces mouvements d’opinion que les États prennent aussi leurs décisions. »
Tout en faisant pression sur les dirigeants, la société civile multiplie les initiatives citoyennes. Comme celle de Philippe Gloaguen, fondateur des guides du Routard. Il a créé un guide gratuit pour les migrants intitulé "Hello!". Il explique son initiative sur le plateau de TV5MONDE :