Fil d'Ariane
Lorsque vous parlerez à n’importe quel enfant qui a pour ambition de devenir footballeur, il vous dira probablement que son rêve absolu serait de disputer une Coupe du monde (et de la gagner). Car disputer une Coupe du monde, c’est sacré, c’est le Graal pour tout joueur de football. De par son histoire, son palmarès et sa rareté puisque, contrairement aux championnats locaux ou autres Champions Leagues, celle-ci se dispute tous les quatre ans. Y participer au moins une fois dans sa carrière est donc unique.
Les deux premiers, on ne les présente plus : Lionel Messi et Cristiano Ronaldo dominent le football mondial depuis près de quinze ans et seront, une nouvelle fois au rendez-vous pour tenter de décrocher le dernier titre qu’il manque à leur extraordinaire palmarès. Derrière, deux Mexicains disputeront aussi leur cinquième Mondial. Parmi ceux-ci, un ancien de Pro League puisque Guillermo Ochoa sera entre les perches de la Tri, tout comme son compatriote et vétéran, Andrés Guardado.
Retour sur les carrières mondialistes de ces quatre exemples de longévité, unis par une seule motivation : l’amour du jeu, et surtout du pays.
2006 (3 matches, 1 but- éliminé en quarts face à l’Allemagne) : à seulement 19 ans, le jeune Messi vient de laisser sa carte de visite au sein de la planète football en remportant la Coupe du monde U20 aux Pays Bas en 2005. C’est donc logiquement que le coach de l’époque, José Pekerman, inclut le petit prodige dans sa liste de 23 joueurs qui s’envoleront vers l’Allemagne.
Blessé avec le Barça quelques mois avant le début de la compétition et remplaçant des Juan Roman Riquelme, Carlos Tévez, Javier Saviola ou autre Hernan Crespo, Messi ne glane que quelques miettes durant le Mondial allemand. Suffisant tout de même pour inscrire son premier but, treize minutes après sa montée au jeu, lors du large succès six buts à rien face à la Serbie & Monténégro. L’Argentine s’inclinera finalement face à l’Allemagne lors d’une séance de tirs au but que Messi a vue depuis le banc. Une non-montée au jeu qui fait encore polémique en Argentine, seize ans après cette élimination.
2010 (cinq matches, aucun but – éliminé en quarts face à l’Allemagne) : c’était le mariage que tout le monde attendait en Argentine. "Le meilleur joueur du monde, entraîné par le meilleur joueur de tous les temps". Arrivé à la tête de l’Albiceleste, Diego Maradona a tout de même eu du mal à qualifier ses troupes pour le mondial Sud-Africain. La compétition entame cependant sur les chapeaux de roues puisque les Sudaméricains remportent leurs trois matches de poule avant de sortir le Mexique en huitièmes de finale. Mais une nouvelle fois, l’Allemagne enterre les chances des Argentins en les humiliant quatre buts à rien. S’il a tenté par tous les moyens, le prodige argentin n’a pas réussi à trouver le chemin des filets lors de la première Coupe du monde sur le continent africain.
2014 (sept matches, quatre buts – défaite en finale face à l’Allemagne) : c’est, sans aucun doute, le Mondial de référence pour le septuple Ballon d’Or. Pourtant entouré d’une équipe moins flamboyante qu’en 2006 ou 2010, Messi porte son équipe jusqu’aux… portes de la gloire. Si l’on attendait une Argentine puissante offensivement avec des Gonzalo Higuain, Angel Di Maria ou encore Sergio Agüero pour épauler Messi, Alejandro Sabella a surtout trouvé une solidité défensive que personne n’avait vu venir. Notamment grâce à une solide charnière centrale composée d’Ezequiel Garay et Martin Demichelis, bien accompagnée d’un Javier Mascherano au sommet de sa carrière.
En phase de groupes, Messi offre la victoire face à la Bosnie lors du match d’ouverture avant d’inscrire un but d’anthologie contre l’Iran dans les arrêts de jeu et d’y aller de son doublé contre le Nigéria. En huitièmes de finale, il trouve Di Maria dans le temps additionnel pour atteindre les quarts après un rude combat contre la Suisse. Plus discret contre la Belgique en quarts, il inscrit calmement son penalty lors de la victoire aux tirs au but contre les Pays-Bas pour offrir une première finale à l’Argentine depuis 1990. Mais la bête noire allemande passe à nouveau par là et un but de Mario Götze vers la fin du temps additionnel glace tout un pays. Un match où le capitaine albiceleste aurait pu inscrire un but mais son tir croisé frôle le poteau de Manuel Neuer.
Ambitions pour 2022 ? Après avoir soulevé son premier trophée international en remportant la Copa America en 2021 (et même la Finalissima contre l’Italie quelques mois plus tard), l’Argentine arrive avec l’étiquette de favorite aux côtés du Brésil, de la France ou de l’Espagne. Invaincu depuis 2019, soit 35 matches consécutifs sans connaître la défaite, Lionel Scaloni rêve d’offrir une troisième Coupe du monde à son pays et la première à son homonyme, qui disputera, à 35 ans, probablement la dernière Coupe du monde de sa carrière.
2006 (six matches, un but – éliminé en demi-finale par la France) : pour son premier Mondial, l’astre portugais entame la compétition dans la peau d’un titulaire lors de la courte victoire face à l’Angola. Mieux, il inscrit son premier but (sur penalty) lors du deuxième match contre l’Iran, devenant ainsi le plus jeune portugais à marquer en Coupe du monde. Il a alors 21 ans et 132 jours. Laissé au repos face au Mexique, il retrouve une place de titulaire lors d’un match historique face aux Pays Bas. Historique, oui, mais dans le mauvais sens du terme. Rappelez-vous, ce 25 juin 2006 à Nuremberg, Portugais et Néerlandais sont les protagonistes d’une véritable boucherie avec pas moins de quatre exclusions et dix cartes jaunes. Un record à ce jour. CR17 (le 7 étant alors propriété d’un certain Luis Figo) en paie les pots cassés et est contraint de céder sa place après une petite demi-heure.
Les protégés de Luiz Felipe Scolari s’en sortent finalement grâce à un but de Maniche et affronteront l’Angleterre pour une place dans le dernier carré. Un match contre l’Angleterre qui a sans doute une place particulière dans la carrière de Ronaldo puisqu’il offre aux siens une place en demi-finale en inscrivant le penalty décisif. Malheureusement pour le peuple lusitanien, la bande à Deco s’incline successivement face à la France et ensuite l’Allemagne pour terminer quatrième. Un magnifique parcours pour le Portugal qui réalise le deuxième meilleur parcours de son histoire après une troisième place en 1966.
2014 (trois matches, un but – éliminé en phase de poules) : s’il n’a pas brillé au Brésil, l’astre du Real est le grand artisan de la qualification au Mondial avec un triplé face à la Suède d’un certain Zlatan Ibrahimovic lors des barrages. Le Portugais n’arrive pas dans les meilleures conditions en Amérique du Sud après une blessure et ne peut rien faire pour éviter le naufrage des siens lors du match d’ouverture face à l’Allemagne. Lors du deuxième match, il délivre une passe décisive pour que le Portugal accroche un nul insuffisant contre les Etats-Unis et inscrit le but de la victoire face au Ghana. Une victoire pour du beurre puisque les hommes de Paulo Bento peuvent retraverser l’Atlantique après trois petits matches.
2018 (quatre matches, quatre buts – éliminé en huitièmes de finale par l’Uruguay) : si l’on pense au Mondial russe, on a rapidement en tête ce fameux Espagne-Portugal où le capitaine y est allé de son triplé pour permettre aux siens d’obtenir le nul face aux champions du monde 2010. Notamment en inscrivant un sublime coup-franc dans les derniers instants du match. Alors âgé de 33 ans, il devient le plus vieux joueur à inscrire un triplé lors d’une phase finale de Coupe du monde. À nouveau buteur pour offrir les trois points contre le Maroc, il ne trouve pas le chemin des filets contre l’Iran et ne parvient pas à se montrer décisif lors de la défaite en huitièmes de finale face à l’Uruguay d’Edinson Cavani et Luis Suarez.
Ambitions pour 2022 ? S’il y en a bien un qui voudra briller cette année, c’est certainement CR7. Remplaçant à Manchester United et en froid avec son coach, Ronaldo vit probablement le début de saison le plus compliqué de sa carrière. Mais le Portugais donnera tout pour s’offrir le dernier gros titre qu’il lui manque.
S’il a semblé assez peu accompagné ces dernières années, le Portugal possède désormais une génération à surveiller de très près avec des noms comme Ruben Dias, Bruno Fernandes ou encore Bernardo Silva. À 37 ans et auteur de sept buts en Coupe du monde, Ronaldo tentera d’égaler et dépasser les neuf buts d’Eusebio. Il essaiera également de devenir le seul joueur à planter au moins une rose lors de cinq mondiaux différents.
2006 (éliminés en huitièmes par l’Argentine – aucun match pour Ochoa, un match et aucun but pour Guardado) : remplaçant d’Osvaldo Sanchez et à seulement 21 ans, Memo Ochoa ne dispute pas la moindre minute durant ce Mondial. Quant à Guardado, il n’a pas de temps de jeu avant les huitièmes de finale face à l’Argentine. Titulaire, il passe proche de l’exploit mais un but stratosphérique de Maxi Rodriguez dans les arrêts de jeu met fin aux espoirs mexicains.
2010 (éliminés en huitièmes par l’Argentine – aucun match pour Ochoa, trois matches et aucun but pour Guardado) : à 25 ans, l’opinion publique voyait en Ochoa le titulaire potentiel pour l’équipe nord-américaine mais le coach Javier Aguirre opte alors pour Oscar Pérez. Un an après le Mondial, le natif de Guadalajara fait le grand saut en Europe et s’engage du côté d’Ajaccio. Quant à Guardado, les Coupes du monde se suivent et se ressemblent. Sur le banc pour les premières rencontres face à l’Afrique du Sud et la France, le milieu de la Corogne figure dans le onze contre l’Uruguay avant d’être, une nouvelle fois, éliminé en huitièmes face à l’Argentine.
2018 (éliminés en huitièmes par le Brésil – quatre matches pour Ochoa, quatre matches et aucun but pour Guardado) : si la Belgique entière avait les yeux rivés sur une incroyable génération de Diables rouges en Russie, une partie de Liège suivait probablement de près le parcours du Mexique puisqu’Ochoa défendait alors les couleurs du Standard. Titulaire pour son deuxième Mondial consécutif, le portier rouche réalise à nouveau une grande compétition en se montrant impérial face à l’Allemagne lors de la courte victoire mexicaine. Mais une nouvelle fois, les compatriotes de Javier Hernandez butent en huitièmes de finale, éliminés par le Brésil. De son côté Guardado entame le mondial russe avec une grosse responsabilité puisqu’il hérite du brassard de Rafa Marquez, légende vivante du football mexicain et qui entame la compétition sur le banc. Un brassard qu’il rend finalement à l’ancien défenseur du Barça lors de la défaite face aux Brésiliens.
Ambitions pour 2022 ? La réponse est plutôt simple : atteindre les quarts de finale, puisque la Tri en est à…. sept huitièmes de finale consécutifs. Quant à Ochoa, il sera à 37 ans et sauf surprise, titulaire entre les perches. Guardado, deuxième joueur le plus capé de l’histoire du Mexique (derrière Claudio Suarez) et capitaine de la Tri tentera d’instaurer un climat de paix entre l’équipe nationale et les supporters alors que le coach, Gerardo Martino, ne fait pas l’unanimité de l’autre côté de l’Atlantique.
"Il n’y a rien de tel qu’une Coupe du monde", disait un certain Michael Owen. Demandez à ces quatre joueurs aux quatre histoires différentes ce qu’ils pensent de cette citation.
Car seize ans après leur rêve devenu réalité, Messi, Ronaldo, Ochoa et Guardado sont toujours liés par l’une des plus belles qualités humaines : la passion.