RÉGULARISER LES ÉTUDIANTS SANS-PAPIERS « Nous ne sommes ni d'ici ni de là-bas » dit Éric Huerta, 26 ans. Lui avait sept ans quand ses parents ont déménagé de Mexico à Los Angeles. Lui aussi sans-papiers, Éric n'a jamais quitté les États-Unis. Il travaille aujourd'hui comme reporter de la communauté latino. Il est en contact avec les artistes latinos et appartient à d'un
groupe « dream act ». De tels groupes agissent dans chaque université américaine où il y a des étudiants latinos. Leur nom vient d'un projet de loi : développement, soulagement et éducation pour les jeunes (mineurs) étrangers, venus « d'ailleurs ». Ces groupes demandent que le « dream act » soit enfin mis en vigueur, pour que les près de deux millions d'étudiants qui vivent une existence légale aux États-Unis reçoivent la nationalité américaine. Le projet de loi devait permettre que les études ou le service militaire suffisent pour avoir la nationalité. Mais la majorité du Congrès s'est opposée à cette loi. La raison principale invoquée pour ce rejet, c'est qu'une telle régularisation des étudiants sans papiers attirerait encore plus d'illégaux. Mais si Éric pouvait voter, il choisirait tout de même les démocrates. Juste parce que c'est un moindre mal. « Les républicains voudraient nous refuser même le droit de faire des études dans les universités américaines. » Comme Altagracia, Eric n'est plus un supporter enthousiaste d'Obama. Il dit que le président est « un afro-américain blanc », et que s'il ne soutient pas le « dream act », c'est parce qu'il n'a jamais vécu dans un quartier où règnent les gangs et le crime. Altagracia, qui fait donc campagne sans avoir le droit de vote, organise une fête mardi soir avec les collègues de l'organisation Chirla. Ces dernières semaines, lorsqu'elle faisait campagne, elle a souvent trouvé les portes closes, d'où parfois on lui criait : « Laissez-nous en paix, nous avons la nationalité américaine. Alors votre baratin ne nous intéresse plus. » En décembre prochain, Altagracia va recevoir à son tour la nationalité américaine. Après s'être mariée, elle a enfin pu en faire la demande cette année. Puis tout est allé très vite. Aussitôt qu'elle aura les papiers elle veut aller voir les pyramides au Mexique, à l'ombre desquelles elle est née. Éric, pour sa part, ne nourrit pour le moment aucune espérance d'avoir des papiers. Aussitôt qu'il en aura, lui aussi voudrait voyager. Son premier voyage, il ne le fera pourtant pas pour le pays de ses ancêtres, mais pour le Japon. Éric est un fan de mangas.
(Cet article est paru dans la Tageszeitung du jeudi 28 octobre 2010)