Fil d'Ariane
L’Union européenne s’est réunie lundi 18 mai afin de lancer une nouvelle opération navale en Méditerranée. Son but ? Traquer et combattre les trafiquants-passeurs de migrants. La mission votée relève plus de l’effet de l’annonce, pour l’instant, car l'étendue de son action ne sera effective qu’après le feu vert de l’ONU et un accord avec la Libye.
Un bateau des garde-cotes italiens ramènent des migrants en sicile le 189 mai 2015.
Neutraliser les réseaux de trafic de migrants en capturant les passeurs et en détruisant leurs embarcations. C’est l’objectif de la nouvelle opération militaire européenne « Navfor Med». Elle « doit rendre impossible, pour les organisations criminelles, de réemployer les instruments qu’elles utilisent pour faire mourir des personnes en mer », a déclaré Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne.
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Officiellement lancée ce 18 mai par les ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense des pays membres réunis à Bruxelles, l’opération Navfor Med ne sera effective qu’en juin prochain et reste encore à définir sur plusieurs points.
Elle répond à des mesures prises par les 28 pays membres, le 23 avril, lors d’un sommet extraordinaire convoqué dans la précipitation après la multiplication de naufrages de bateaux transportant des centaines de migrants en Méditerranée.
Selon l’Organisation internationale des Migrations (OIM), plus de 34 500 personne seraient arrivées en Italie depuis le début de l’année. Parmi eux, 1 770 sont morts ou disparus en mer.
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Face à ces tragédies en série, les dirigeants européens avaient décidé d’« identifier, saisir et détruire les navires avant qu'ils ne soient utilisés par les passeurs. » Une réponse européenne face à une vive émotion internationale soulevée par ces naufrages à répétition. La décision de « détruire les navires » a aussi été largement critiquée dans les médias et notamment par les ONG.
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Depuis, le discours a été révisé et atténué au terme de la nouvelle réunion européenne cette semaine. Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir, rappelle « qu’il faut d’abord sauver les personnes qui sont à bord des bateaux, et s’il le faut, les ramener au port de départ ». Ensuite, les embarcations doivent « être neutralisées, par exemple en détruisant les moteurs ». On ne parle désormais plus de « détruire » complètement les bateaux : « Pas question de survoler pour bombarder », souligne aussi un responsable du Conseil européen dans Le Monde.
Des bâtiments de guerre doivent cependant être déployés par la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne qui se sont déjà proposées, tandis que la Pologne et la Slovénie pourraient fournir des avions ou des hélicoptères de reconnaissance. Quant au quartier général de cette mission européenne, il sera basé à Rome, en Italie, car le pays accueille le plus grand nombre de migrants venant beaucoup de Libye.
Mais, « rien ne se passera sans un mandat de l'ONU », a souligné le ministre autrichien de la Défense, Gerald Klug. Il faudra donc convaincre Russie et Chine de ne pas exercer leur droit de veto au Conseil de sécurité. Pas question d’entrer en action sans un feu vert des Nations unies, ni un accord de la Libye pour intervenir dans ses eaux territoriales.
« Toute action militaire doit se dérouler avec la coopération des autorités libyennes », a déclaré à l’AFP Hatem el-Ouraybi, porte-parole de son gouvernement qui ajoute : « le gouvernement n’acceptera aucune violation de la souveraineté libyenne ». Le porte-parole avance également une raison de sécurité : « Le gouvernement refuse toute idée de prendre les bateaux pour cible, pour des raisons humanitaires, mais aussi car cela pourrait mettre en péril la sécurité de pêcheurs libyens. » L’avertissement est lancé. Il faudra compter avec la Libye, ou tout du moins, avec les autorités reconnues par la communauté internationale, basées à Tobruk.
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Les interventions européennes devront peut-être se cantonner, dans un premier temps, aux eaux internationales ou européennes, comme c'est le cas aujourd'hui avec l'opération Triton dont le budget a été triplé.
Des migrants attendent de débarquer en sicile le 6 mai 2015.
Pour l’instant, si la mission a été lancée, elle ne s’attaquera pas immédiatement aux passeurs. La première étape consiste en la collecte de renseignements sur les réseaux de passeurs à l’aide de radars, d’images satellitaires et de vols de reconnaissance.
Des questions restent encore sans réponse quant à cette nouvelle mission européenne. Que deviendront les passeurs arrêtés ? Qui les jugera ?
Autre inconnue pour l'instant, les quotas qui doivent être mis en place au sein de l’UE pour répartir le nombre de migrants accueillis par les pays membres. Le désaccord subsiste entre les pays. La proposition issue du sommet extraordinaire de Bruxelles en avril, fondait la répartition, notamment, sur la taille et la croissance économique du pays. L’Allemagne, la France et l’Italie seraient alors les principaux concernés.