Migrants en Méditerranée : que dit le droit international ?

Régulièrement des migrants se retrouvent bloqués à bord de navires humanitaires en Méditerranée. Quelles sont les obligations des Etats vis-à-vis de ces naufragés ? Explications. 
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 migrants secourus par le navire lifteime
Ces migrants ont été sauvés par le navire humanitaire Lifeline. 
©Hermine Poschmann/Mission Lifeline
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Il y a d'abord eu l'Aquarius et ses 629 migrants, déroutés vers l'Espagne après le refus de l'Italie et de Malte de les voir accoster sur leurs terres. Puis est venu le tour du Lifeline, navire affrété par l'ONG allemande du même nom, coincé en mer avec 233 migrants à bord. Dénouement provisoire : le bateau humanitaire s'est finalement amarré au port de La Valette à Malte ce mercredi 27 juin.

Entre les opérations de secours des garde-côtes libyens et de navires humanitaires et le refus de certains pays d'accueillir les migrants sur leur sol, la situation est explosive en Méditerranée alors qu'un sommet européen sur les migrants est parvenu à un "accord" à Bruxelles.​ Un accord qui ne résout rien à court terme.

Un fait n'a pas retenu la une des médias : une enquête est ouverte contre le capitaine du Lifeline, coupable selon les autorités maltaises "de n'avoir pas respecté les lois internationales" !

Que dit le droit en matière de secours en mer ?

Le droit maritime international est très précis : La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prévoit qu'un capitaine de navire qui reçoit un message de détresse doit porter secours aux personnes concernées. "Par personne en détresse, on entend toute personne qui risque la noyade et nécessite en urgence un sauvetage en mer", explique Patrick Chaumette, professeur de droit à l'Université de Nantes.

La Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (1979) précise, elle, les obligations des Etats. "Elle organise tout le maillage des systèmes géographiques. Par cet accord, les Etats sont en charge de zones phares pour la recherche et les secours en mer et doivent installer des centres de coordination ou MRCC - Maritime Rescue Coordination Centers- avec les moyens de surveillance", souligne le professeur. Ce sont les zones de sauvetage bordant la Méditerranée comme le MRCC de Rome, de Malte...

Enfin, une autre convention, celle des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) existe mais elle reste "très générale au niveau des principes", selon Patrick Chaumette.
 

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Que dit le droit sur l'accueil au sol ?

Le droit maritime international comporte quelques lacunes : il ne définit pas quel Etat doit organiser le débarquement sur son sol. "Sur ce point, il n'y a pas d’obligations spécifiques, les conventions maritimes sont silencieuses en matière d'accueil sur la terre ferme", rapporte Patrick Chaumette.

C'est pourtant la question qui divise aujourd'hui les dirigeants européens. Qui est responsable de l'accueil des naufragés ? Patrick Chaumette résume la situation : "Selon le droit international, on doit les sauver mais on n'est pas obligé de les accueillir."

Mais depuis 2004, des amendements apportés aux deux principales conventions maritimes exigent clairement des Etats de permettre aux capitaines de débarquer les personnes secourues en un lieu sûr et ce, dans un délai raisonnable. "L'Etat dont le centre de coordination de secours (MRCC) a pris en charge et coordonné le sauvetage en a l'obligation", explique Patrick Chaumette"Malte est le seul pays à ne pas avoir ratifié ces amendements, contrairement à l'Italie", précise-t-il. 

Mais qui dit lieu sûr ne dit pas forcément l'un de ses ports. Ce que confirme Céline Schmitt, porte-parole du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). Elle précise: "L'Etat a bien l'obligation de secourir les personnes en détresse et de les conduire vers un lieu sûr mais pas de les amener sur son sol. C'est sur ce point sensible qu'il faut trouver des solutions, comme mettre en place des mécanismes prévisibles de débarquement."

Et de s'inquiéter: "Le risque maintenant, c'est que les bateaux commerciaux n'osent plus faire de sauvetage en mer car ils n'ont pas la certitude de pouvoir débarquer les personnes sauvées quelque part."


Dans cette crise des migrants, les pays européens se dérobent à leurs obligations et jouent la parade, comme le rappelle Patrick Chaumette : "Il n'y a pas de vérité juridique, tout est question d'interprétation." 

Demande d'asile

Du reste, les Etats ont une obligation de coopération pour trouver un lieu de débarquement en toute sécurité. Le droit international et le droit européen l'exigent.

Le Traité de l'Union européenne oblige de respecter "le principe de non-refoulement" pour "tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale". Enfin, quel que soit le port, "il faut porter assistance aux personnes sauvées en mer", explique Céline Schmitt.

Se pose ensuite la question de leur statut : "La Convention de Genève sur les réfugiés s’applique alors aux personnes qui ont besoin de la protection internationale. Il faut qu’elles aient accès à la demande d’asile si elles le souhaitent." Selon le règlement de Dublin, c’est le premier Etat qui enregistre l’arrivée d’un migrant sur le sol européen qui est responsable de cette demande d'asile. Aujourd'hui, l'Italie se retrouve en première ligne.

En théorie, les pays européens ont adopté le principe de se répartir les demandeurs d’asile au prorata de leur population. Mais dans les faits, aucun quota n’a encore été fixé.

La porte-parole du HCR plaide pour davantage de solidarité :"Il faudrait organiser des plateformes de débarquement pour accueillir les migrants... les aider en urgence, évaluer les situations et les répartir vers l'UE... Il faut une véritable coopération entre tous les Etats européens et pas qu'un Etat - ou deux - gère l'accueil des migrants en Méditerranée, comme c'est le cas aujourd'hui."

C'est dans ce sens que semble aller l'accord européen arraché à Bruxelles. Du moins dans ses intentions.