Migration : le directeur exécutif de Frontex démissionne

La figure officielle de l'agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières (Frontex), Fabrice Leggeri, a présenté jeudi 28 avril sa démission au conseil d'administration. Il est accusé de tolérer des refoulements illégaux de migrants.
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Fabrice Leggeri
Fabrice Leggeri, directeur exécutif de Frontex, à Bruxelles , le 2 décembre 2019
AP Photo/Virginia Mayo
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Fabrice Leggeri est présenté comme le patron contesté de la migration européenne. Directeur exécutif de Frontex depuis 2015, il a été visé par un rapport non public, début 2022, de l'Olaf, l'Office européen de lutte antifraude. Selon le média français Le Point, on lui reproche de ne pas avoir respecté les procédures, s'être démontré déloyal vis-à-vis de l'Union européenne et un mauvais management personnel. 

Le conseil d'administration de Frontex doit encore examiner la lettre de démission de Fabrice Leggeri. Un porte-parole du gouvernement allemand a cependant confirmé cette démission lors d'une conférence de presse. 

Je peux confirmer qu'il a présenté sa démission au conseil d'administration, et ceci ouvre la possibilité d'un nouveau début pour Frontex.Porte-parole gouvernement allemand
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Accusé de refoulements illégaux

La proposition de démission du patron contesté de Frontex "fait suite à une enquête diligentée contre sa gestion par l'Olaf", a souligné une source proche du dossier.

Cette enquête survient après plusieurs accusations régulières, notamment de la part d'ONG qui alerte sur des pratiques de refoulements illégaux de migrants (dits "pushbacks") et de complaisance envers les autorités grecques sur des renvois brutaux vers la Turquie.

Mercredi 27 avril 2022 encore, une enquête publiée par le quotidien Le Monde et Lighthouse Reports a démontré qu'entre mars 2020 et septembre 2021, Frontex a répertorié des renvois illégaux de migrants, parvenus dans les eaux grecques, comme de simples "opérations de prévention au départ, menées dans les eaux turques".

Voir aussi : Crise migratoire : Frontex sur la sellette 

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Deux jours après, dans une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par le journal allemand Der Spiegel et Lighthouse Reports, le patron de Frontex confirmait alors qu'il remettait "son mandat au conseil d'administration, puisqu'il semble que le mandat de Frontex sur lequel il a été élu puis reconduit en juin 2019 a silencieusement, mais, effectivement changé".

Frontex s'interroge sur sa mission

Une porte-parole de la Commission européenne, Anitta Hipper, a elle-même récemment tranché, sur le rôle de Frontex dans la protection des frontières extérieures communes de l'Union Européenne et le respect des droits fondamentaux. 

"Le rôle de Frontex, d'une importance cruciale, est d'aider les Etats membres à protéger les frontières extérieures communes de l'UE et de faire respecter, dans le même temps, les droits fondamentaux. explique la porte-parole. Pour cela, Frontex doit être dotée d'une agence stable qui fonctionne bien".
 

Entre l'impératif de ne pas laisser des gens passer irrégulièrement et, de l'autre, le principe de non refoulement parce que toute personne en besoin de protection a droit à l'asile, comment fait-on ? Personne n'est capable de me répondre.Fabrice Leggeri

De fait, au-delà du rapport de l'Olaf, il semble que la philosophie et la nature même de la mission de l'agence sont au coeur du rapport de force qui a poussé Fabrice Leggeri à la démission: Frontex doit-elle assurer avant tout l'imperméabilité des frontières extérieures de l'Europe ? Ou bien doit-elle surveiller les Etats membres de l'UE dans la protection des demandeurs d'asile qui frappent à leur porte ?

Ces derniers mois, le directeur exécutif de Frontex s'interrogeait parallèlement publiquement sur la mission de l'agence. Début décembre de l'année dernière, il s'était même dit "démuni" face à cette situation.

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"Entre l'impératif de ne pas laisser des gens passer irrégulièrement et, de l'autre, le principe de non refoulement parce que toute personne en besoin de protection a droit à l'asile, comment fait-on ? Personne n'est capable de me répondre. On est schizophrènes", avait-il alors lâché.

En sept ans à la tête de Frontex, Fabrice Leggeri a accompagné le renforcement de l'agence, qui a été considérablement musclée. Les effectifs -avec des agents armés, désormais - doivent atteindre 10.000 garde-côtes et garde-frontières d'ici 2027.