De cet examen, nul n'est jamais revenu avec les félicitations, mais la France mériterait presque un bonnet d'âne. Auditionnée fin janvier par la commission des Nations unies chargée d'examiner le respect de ses engagements au regard de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), ratifiée en 1990, l'Etat français s'en tire avec une vingtaine de pages de recommandations, plus ou moins insistantes.
Plusieurs points récurrents reviennent à l'ordre du jour, comme la prise en charge des enfants autistes, la suppression des châtiments corporels ou des tribunaux pour mineurs. Mais avec l'afflux de réfugiés, ces dernières années, la situation des enfants migrants, qui achoppait déjà lors de la dernière audience, en 2009, acquiert aujourd'hui une autre dimension. Plus de 50 000 migrants sont arrivés en Grèce depuis le 1er janvier 2016. Parmi eux, combien de mineurs ? Un sur 4 selon les derniers chiffres de l'Unicef.
que la police française détermine, sans leur consentement, l’âge des adolescents migrants - ce n'est pourtant pas faute de s'être déjà fait taper sur les doigts 2009 sur ce point. Pour pouvoir continuer leur route vers leur destination finale, le Royaume-Uni, par exemple, nombreux sont les mineurs migrants qui ne déclarent pas leur âge réel. Car s’ils se disaient mineurs, l'Etat aurait l’obligation de les prendre en charge. La commission appelle la France à mettre fin à cette pratique
Lorsqu'ils s'appliquent aux enfants migrants, particulièrement exposés à l'adversité, les droits les plus fondamentaux défendus par la CIDE prennent une tout autre résonance : accès à la santé, à un abri et à l'éducation, protection de la violence et de la discrimination.
Là où un communiqué du secrétariat d’Etat chargé de l’enfance évoque pudiquement des
« axes d’amélioration », l'Unicef constate que les droits essentiels de l'enfant définis par la CIDE ne sont pas respectés. Et c'est la volonté politique de la France qui est mise en cause.
Depuis que la décision de mai 2013 concernant l'aide aux enfants migrants a été partiellement annulée par le Conseil d'Etat dix-huit mois plus tard, certaines municipalités refusent de prodiguer aux enfants les soins et la protection garanties par la CIDE. L'Etat français est responsable, rappelle la commission, du respect du droit des enfants dans les camps, comme à Calais - droit à l'état civil, accès à la santé et à l'éducation, etc.
Au-delà de ces besoins vitaux, la commission engage l'Etat français à mettre en place des structures spécifiques dédiées à la formation professionnelle et à l'assistance juridique et sociale des mineurs migrants non accompagnés.
Des procédures judiciaires adaptées aux enfants
La commission dénonce aussi la situation de ces mineurs détenus dans les zones de transit, souvent avec des adultes, sans protection ni traitement particulier. Elle rappelle la nécessité de mettre en place des solutions de détention alternatives pour les mineurs ou de placement dans un environnement "adapté".
Il n'existe toujours pas d'âge légal de responsabilité pénale en France. Il ne devrait pas être inférieur à 13 ans, selon la commission, et les mineurs de 16 à 18 ans ne doivent en aucun cas être traités comme des adultes. La détention ne doit être envisagée qu'en tout dernier recours, pour une période brève et dans des conditions adaptées. Les interrogatoires doivent être menés dans le respect de procédures précises.
Quant aux enfants témoins d'un crime, ils devraient bénéficier de la même assistance immédiate et de la même protection contre les représailles que les victimes.
Afin de pousser l’État à prendre ses responsabilités, les associations le Secours Catholique et Médecins du Monde ont décidé, mercredi 3 février, d’intervenir en
soutien à plusieurs référés-libertés déposés par des mineurs isolés étrangers au Tribunal administratif de Lille. Ils réclament l'application des mesures de protection et la mise en oeuvre de procédures qui leur permettraient de rejoindre légalement le Royaume-Uni pour y retrouver leurs proches.
Enfin, la commission engage la France à respecter ses obligations de non-refoulement du territoire pour les mineurs qui sont pour la plupart en situation de danger.
Viol, prostitution, trafic
Début février 2016, l’agence de coordination policière Europol estimait ainsi que 10 000 enfants arrivés en Europe auraient disparu durant les deux dernières années. Un chiffre qui reflète, en partie, l'insécurité à laquelle sont confrontés les mineurs en exil. Selon Europol, nombre d’entre eux pourraient être exploités, notamment sexuellement, par le crime organisé.
Face à ce genre de situation, la commission appelle la France à : "allouer les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre le Plan d'Action national contre le trafic des êtres humains... d'aligner son arsenal de protection contre le trafic humain sur les préconisations du Conseil de l'Europe... de porter en priorité devant la loi les dossiers portant sur le trafic humain... d'assister et de protéger les victimes mineures du trafic humain, y compris les délinquants".
Assister et protéger les victimes mineures du trafic humain, même les délinquants.
Contre la prostitution des enfants, la commission préconise la pénalisation du client. Elle insiste aussi sur les efforts à faire en matière de réinsertion des victimes.
L'embrigadement des enfants par des groupes radicaux et/ou armés est également pris au sérieux par la commission qui met l'Etat français face à ses responsabilités en matière de prévention. Ces multiples rappels à l'ordre indiquent combien la France est en retard sur ces questions cruciales et combien le pays, toujours partant pour donner des conseils aux autres mériterait d'abord... de donner l'exemple.