Fil d'Ariane
Pour sa 11e édition, le festival français du film mobile a choisi, en partenariat avec les Nations Unies, le thème « agir sur le changement climatique » alors que la COP21 se tient à Paris jusqu’au 11 décembre. Ce sujet a inspiré 765 réalisateurs de 70 pays qui ont soumis au concours des courts-métrages d’une minute tournés avec des téléphones portables. Rencontre avec les lauréats.
« Agir pour l’avenir », « L’ennemi, c’est nous », « Vous ne voulez peut-être pas jouer mais les dés sont déjà lancés ». Autant de phrases qui sonnent comme des maximes dans les 75 films des 27 pays sélectionnés par le jury du 11e Mobile Film Festival, parmi les plus de 760 qu’ils avaient reçus du monde entier.
Le principe de ce festival est simple et (presque) accessible à tous : tourner un film d’une minute avec un téléphone portable. Un défi qui a séduit des étudiants en cinéma mais aussi de simples amoureux du 7e art.
Cette édition 2015 étant parrainée par les Nations Unies dans le cadre de la COP21, tous les participants ont donc dû plancher sur le thème : « agir contre le changement climatique ».
« La sélection était plutôt pessimiste mais j’espère que ces jeunes changeront le futur », soulignait le président du jury et réalisateur brésilien, Fernando Meirelles, lors de la remise des prix, ce lundi 7 décembre, à Paris.
La majorité des films sélectionnés révèlent, en effet, une vision très pessimiste voire alarmiste de notre avenir sur la Terre : disparition des animaux, pénurie d’eau, pollution extrême de l’air… Un monde hostile à une humanité qui devient très nostalgique d’une époque où l’on pouvait boire à volonté, vivre librement à l’extérieur.
Le message récurrent de ces films c’est que notre existence actuelle est fortement menacée si on ne fait rien. Chacun a son rôle à jouer. A commencer par le recyclage thème qui revient dans beaucoup de films. D’autres s’en prennent aussi aux politiques, à nos dirigeants qui ne prennent pas les bonnes décisions contre le changement climatique.
Clip pédagogique, film d’animation, en noir et blanc, de gangster…. La problématique du climat est déclinée dans tous les styles avec parfois beaucoup d’humour (tous les voir sur le site du Mobile Film Festival). Voici notre sélection hors des films primés :
Du fait du format, des moyens de réalisation peu coûteux avec les portables, ce sont souvent de jeunes réalisateurs qui ont participé et qui se sont saisis de la problématique climatique de manière originale. Bruno Smadja, fondateur du festival :
L’acteur haïtien Jimmy Jean-Louis, membre du jury, a été saisi par la qualité des films réalisés par des « simples » téléphones qui peuvent, selon lui, bouleverser l’industrie du cinéma : « Après une minute de film, il y en a quelques uns qui nous forcent à réfléchir. On se dit qu’il a peut être raison le petit jeune qui a fait ce film. Faudrait peut–être faire quelque chose différemment. » Le film A entrega (La livraison) l’a particulièrement touché : « On se rend compte que dans quelques années l’eau aura peut-être plus de valeur que l’argent. »
Dans ce film, très bien réalisé et tourné avec un iPhone, des mafieux réalisent un échange entre de l’argent et quelques bouteilles d’eau mais l’affaire tourne mal.
« Le sujet du climat m’a inspiré. Le Brésil vient de subir une tragédie environnementale très importante alors que les gouvernements ne font rien, explique le réalisateur brésilien Herbert Bianchi. Sans aucun doute, le cinéma est une voix pour se saisir du sujet et en parler. Je suis une personne pessimiste alors je pense que c’est trop tard pour faire quelque chose sur le sujet du climat. Nous sommes en pleine COP21 et plusieurs choses ont été promises mais cela reste trop peu par rapport à ce dont le monde a besoin. Il faut une prise de conscience et les films sont un bon moyen d' y parvenir. »
Le créateur du personnage dessiné Elyx, Yacine Ait Kaci, également membre du jury, voit aussi dans ces films courts une manière pour ces jeunes réalisateurs de s'emparer d’un moyen d’expression simple, très accessible pour finalement reprendre la parole sur des sujets actuellement discutés par nos dirigeants à la COP21 :
Le jury présidé également composé du réalisateur marocain Hicham Ayouch et de l’actrice française Isabelle Vitari ont remis les différents prix à Paris ce 7 décembre. Les réalisateurs français se sont clairement distingués de la sélection cette année.
Le Grand Prix a été remis à l’équipe du film No Sense dont le réalisateur français Julien Lessi nous explique son travail :
Le Prix du meilleur film étranger a été décerné au Comorien Zainou El Abidine pour Terre négligée.
Les Français Jérémy Bernard et Guillaume Desjardins ont reçu le Prix du meilleur scénario pour leur court-métrage plein d’humour Criminels qui nous met tous face à notre responsabilité dans le changement climatique. Les acteurs de leur film ont également reçu le prix des meilleurs interprètes masculins. Ils nous racontent leur travail et leur intérêt pour le sujet du climat :
Safia Hadjhadjeba, a été récompensé du Prix d’Interprétation Féminine pour son rôle d'institutrice très sarcastique dans Comptes merveilleux de Nicolas Bruneaux.
Place to B, lieu alternatif à la COP21 de rencontres et de réseaux entre ONG, militants, journalistes à Paris a également remis le prix des Blogueurs au clip d’animation rythmé par une musique entêtante La Planète bleue réalisé par Mathieu Lamboley, Eman Gershom et Thermo$tar. Enfin le Prix du Public a été attribué à Parametric du réalisateur sri lankais Amila Kumarasinghe et qui a reçu 2,4 millions de votes des internautes.
Tous les réalisateurs, à différents niveaux ont essayé de faire passer leur message, le temps d’un film. Leurs fictions ne doivent pas nous faire oublier la réalité du changement climatique qui se discute en ce moment à la COP21 comme un membre de l’équipe du film No sense le rappelle : « Pour ce soir, nous sommes ambassadeurs de cette cause, mais va vraiment falloir faire gaffe pour de bon !»