Deeb se revendique d'un courant de rappeurs moyen-orientaux qui s’affichent désormais avec une identité bien définie. Après être cachés pendant des années dans un monde « souterrain », leur musique commence à se diffuser, selon Yazan Al-Saadi, journaliste et critique au quotidien libanais Al Akhbar. « On peut dire qu’avec le déclenchement du Printemps arabe il y a deux ans, un nouveau chapitre de rap arabe a commencé », explique le journaliste à TV5 Monde. Auparavant, les rappeurs arabes « ne faisaient qu’imiter » les Afro-américains, selon Al-Saadi. Dans un
article sur Maazef, un pure player arabophone consacré à la musique, le journaliste parle d’un nouveau rap arabe plus attaché à la culture et à la société. Mais où était-il ce rap avant le fameux printemps arabe ? « Ça existait déjà mais c’était souterrain. Les révolutions arabes lui ont donné de l’énergie, nous explique-t-il, mais ce n’est pas parce que le printemps arabe a eu lieu que ce phénomène est né ». Naserdayn Al Touffar, un rappeur libanais, le formule autrement : « Avec le printemps arabe, les gens ont commencé à croire en ce qu’on disait depuis longtemps ». Avant, le public ne s’intéressait pas beaucoup à ce genre de rap. « Ils avaient perdu tout espoir de changer les choses », ajoute-t-il. Du rap à l'oriental : "embrasser la culture arabe" Et pour un rap qui veut remonter le moral des populations, il faut soigner aussi bien la forme que le fond. C’est là où interviennent les mélodies orientales où la poésie en arabe classique. « C’est un courant qui embrasse la culture arabe. Il est plus à l’aise avec la poésie, la linguistique et la musique folklorique de cette région », commente Al-Saadi. L’accent joue aussi un rôle. C’est ce qui imprègne le rap de Touffar. Il vient de Baalbeck, une ville de l’Est du Liban, dans la région de Beqaa. Collier, veste verte militaire, moustache et barbe à la Che Guevara, Touffar « représente la révolution partout où elle se passe. Et si je la critique, c'est que j'ai peur pour elle ». Il rappe généralement sur le « racisme et la répression des régimes politiques ». « Dans notre pays, la pression des régimes prend des formes horribles et effrayantes. Et cela fait du rap un vaste espace d’expression. Pour moi, toutes les formes de censure sont factices. Je m’en fiche ». Dans son rap, il critique la division sectaire au Liban, l’absence de libertés politiques, le décalage entre les riches et les pauvres, mais aussi Israël et les arabes qui « lui ont vendu notre terre ». Dans « Men Awel » ("dès le début"), il affirme être « contre Israël, mais aussi contre le régime (libanais), et d'une façon générale contre tous les régimes ». Mais cela ne veut pas dire qu’il est entièrement d’accord avec la manière de mener les révolutions arabes. Car il parle de ces « voleurs qui s’emparent de la révolution pour gagner leur vie ». Toujours avec les mélodies orientales de la région du Levant.