Mondial 2014 : “le Brésil s'en sort bien“

Si la Coupe du Monde qui s'achève a été catastrophique sur le plan sportif pour le pays organisateur,  elle est, pour Pascal Boniface, directeur de l'IRIS, une réussite en termes d'organisation en tant que vitrine pour le monde. Le Brésil accueille d'ailleurs dès ce lundi un sommet des pays émergents dits "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud -South Africa en anglais-). "Finalement le Brésil, comme pays émergent, s'en sort bien", estime l'analyste français.
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Mondial 2014 : “le Brésil s'en sort bien“
La présidente brésilienne Dilma Roussef aurait préféré tendre la Coupe à Thiago Silva, capitaine de la Seleçao. Mais “la défaite sportive ne gêne pas l'émergence de la 'puissance Brésil'“, selon Pascal Boniface.
Photo AFP
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La domination du football Pour Pascal Boniface, directeur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) à Paris, si la Coupe du Monde qui s'achève a été catastrophique sur le plan sportif pour le pays organisateur, elle est cependant une réussite en termes d'organisation et en tant que vitrine pour le monde.    Si le titre mondial décroché hier par la Mannschaft consacre "un triomphe allemand dans le sport", Pascal Boniface ne se risque pas à faire un parallèle "entre la bonne santé géo-économique de Allemagne et la bonne santé de son sport". En effet, rappelle celui qui a dirigé l'ouvrage "Géopolitique du football", il n'y a dans cette relation "rien d'automatique". Le politologue rappelle à cet égard que le Brésil avait enregistré de grands résultats sportifs alors que son rayonnement politico-économique n’était pas encore comparable à celui qu’il connaît à l’heure actuelle. On pourrait rappeler également que c'est une Espagne en pleine tourmente économique et sociale qui avait remporté deux Euros et une Coupe du Monde entre 2008 et 2012.     Comment expliquer cependant que l’Europe ait pour la première fois remporté le trophée sur le continent américain et que, pour la première fois également, une équipe européenne s’impose trois fois de suite dans ce tournoi (Italie 2006, Espagne 2010 et Allemagne 2014)?     "S’il y a une multilatéralisation du football", avec l’organisation du tournoi par l’Afrique du Sud en 2010, la Russie en 2018 et le Qatar en 2022, "pour le palmarès, on reste dans le classique: le palmarès s’arrête à une poignée de pays européens et à trois pays sud-américains (Uruguay, Brésil, Argentine, NDLR)". Il y a donc à la fois une multipolarisation puisque "plus aucun continent ne résiste à la domination du football. Mais cela prendra beaucoup plus de temps pour multipolariser le palmarès de la Coupe du monde". En effet, pour créer une équipe compétitive, "il faut plusieurs générations", rappelait Pascal Boniface au micro de Bertrand Henne dans Matin Première ce lundi. Il faut "une tradition, des habitudes, des infrastructures. Il n’y a donc pas de générations spontanées en football".     Pour qu’une équipe entière de 23 joueurs (le nombre de joueurs présents par équipe lors d'une Coupe du Monde) arrive à maturité, cela prend donc un certain temps. "Il faudra donc encore du temps pour qu’une équipe non européenne ou non sud-américaine remporte le trophée", annonce l'analyste.
Mondial 2014 : “le Brésil s'en sort bien“
Une supportrice brésilienne avant le coup d'envoi du quart de finale Brésil - Colombie
(AFP)
On peut remarquer par exemple que les grands pays émergents comme l'Inde et la Chine sont quasiment inexistants sur la planète football.     "En Chine cela pourrait changer car les Chinois veulent se doter d’une équipe compétitive mais des problèmes de corruption retardent l’éclosion du football chinois", explique le co-auteur de l'"Atlas du monde global". "Mais l’Inde, elle, n’a pas de tradition sportive, elle a par exemple, l’un des ratios les plus faibles en termes de médailles aux JO. L’Inde n’est tout simplement pas une nation sportive".   Cette Coupe du Monde? Une réussite pour le Brésil malgré la débâcle sportive     On se souvient évidemment de la forte contestation sociale qui avait éclaté avant la Coupe du Monde. Avec les résultats catastrophiques de l'équipe brésilienne, on aurait pu craindre que l'organisation de ce (coûteux) tournoi soit d'autant plus décriée. Pourtant, Pascal Boniface considère cet évènement comme une réussite du point de vue de la communication pour le Brésil.     "Sur l’organisation, cela a été une réussite, cela a été une fête, il n’y a pas eu d’incident, les stades étaient prêts contrairement à ce qui s’est dit, et tous ceux qui repartent du Brésil en reviennent avec un bon souvenir. Donc la vitrine touristique du Brésil y a gagné, l’exposition internationale du Brésil y a gagné et le pays va remettre ça en 2016 avec les Jeux Olympiques de Rio", estime l'invité de Matin Première.     Pour ces prochains JO, il y aura également de la contestation, prédit-il, et "des gens trouveront que l’on dépense trop mais les jeux auront lieu de toutes façons". Pour ce Mundial, "il y a bien sûr une déception sportive mais la présidente brésilienne Dilma Rousseff accueille le sommet des BRICS dès ce lundi et on peut penser que finalement le Brésil, comme pays émergent s’en sort bien. Je ne crois pas que la défaite de l’équipe brésilienne remette en cause la réélection de Dilma Rousseff lors de la prochaine élection présidentielle en octobre", prédit le directeur de l'IRIS. "Il y a un coup de blues moral mais il n’y a pas de crise stratégique pour la 'puissance Brésil".   "Le patriotisme soft est quelque-chose de très puissant"     La poussée de fièvre connue par la Belgique à chaque match de l’équipe nationale semble retombée, les drapeaux sont remisés, les rétroviseurs ont retrouvé leur couleur d'origine et la Belgique se réveille sans gouvernement avec toujours un parti séparatiste qui est de loin le premier du pays. Faut-il en conclure qu'il ne s'agit là que de folklore poussé par beaucoup de marketing?     "Non, c’est du patriotisme soft. C’est quelque-chose qui est très puissant, qui est très réel mais ce n’est pas une baguette magique qui règle les problèmes d’un pays", répond l'analyste. "Les Diables rouges ont tout de même rassemblé les Belges qui sont pourtant, sur bien d’autres sujets, gravement divisés. C’est un élément d’unité nationale". Un instrument, un élément d’unité mais pas une panacée, donc.     Au-delà du seul cas belge, "on constate que le football est un moyen d’oublier les différences, d'oublier les divergences et de rassembler les gens, de communier. La force de rassemblement du football ne diminue pas. Les audiences sont de plus en plus fortes", relève-t-il.     Julien Vlassenbroek (RTBF)