Mort de Mikhaïl Gorbatchev : hommages en Occident, condoléances sobres à Moscou

À 91 ans, Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l'Union Soviétique, est mort mardi 30 août dans la soirée. Les hommages de dirigeants occidentaux se succèdent, tandis que le Kremlin a présenté des condoléances plus mesurées, après la disparition d'un homme à l'héritage controversé en Russie. 
Image
Hommages Gorbatchev
Prix Nobel de la paix en 1990 pour son rôle dans la fin de la Guerre Froide, Mikhaïl Gorbatchev a passé les vingt dernières années en retrait de la politique. AP/ Alexander Zemlianichenko.
 
Partager6 minutes de lecture

La mort mardi 30 août de Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l'URSS, a suscité de vibrants hommages en Occident. Son rôle crucial pour mettre fin à la Guerre froide et son combat pour la paix ont été salués, prenant un relief particulier six mois après l'invasion russe en Ukraine.

Sobriété du Kremlin

L'émotion des réactions occidentales contraste avec la sobriété du président russe Vladimir Poutine. Ce dernier a déclaré que "Mikhaïl Gorbatchev était un politicien et un homme d'État qui a eu une grande influence sur l'évolution de l'Histoire du monde".

(Re)lire : Russie : Mikhaïl Gorbatchev, le dernier dirigeant de l'URSS, est mort

"Il a guidé notre pays à travers une période de changements complexes et dramatiques, et de grands défis de politique étrangère, économiques et sociaux", a-t-il décrit dans un télégramme de condoléances publié par le Kremlin. Vladimir Poutine avait déclaré considérer la disparition de l'URSS comme la "plus grande catastrophe géopolitique" du XXe siècle.
 

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s'est lui montré sceptique sur le "romantisme" de la politique de Mikhaïl Gorbatchev.

"Il croyait que (la Guerre froide) se terminerait et qu'interviendrait pour toujours une nouvelle époque romantique entre la nouvelle Union soviétique, le monde et l'Occident", a-t-il critiqué lors d'un forum de discussion diffusé à la télévision russe. "Mais ce romantisme ne s'est pas réalisé. Aucune période romantique (...) n'a eu lieu. Nos adversaires ont manifesté leur soif de sang. C'est bien que nous l'ayons réalisé et compris à temps". 

(Re)voir : Hommages après la mort de Mikhaïl Gorbatchev

Un leader "unique"

Dans un communiqué élogieux, le président américain Joe Biden a salué quant à lui en Mikhaïl Gorbatchev un "leader rare". Ses actes furent ceux d'un dirigeant ayant assez d'"imagination pour voir qu'un autre avenir était possible et le courage de risquer toute sa carrière pour y parvenir. Le résultat fut un monde plus sûr et davantage de liberté pour des millions de personnes".

Pour le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, "le monde a perdu un immense dirigeant mondial, engagé envers le multilatéralisme, et défenseur infatigable de la paix". Il a décrit "un homme d'État unique qui a changé le cours de l'histoire", qui a fait "plus que n'importe qui pour provoquer de façon pacifique la fin de la Guerre froide".
La Chine a salué le rôle du dernier dirigeant soviétique au rapprochement entre Pékin et Moscou, après trois décennies de rupture. "M. Gorbatchev a contribué de manière positive à la normalisation des relations entre la Chine et l'Union soviétique", a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.
 

Pour l'Allemagne, Gorbatchev meurt alors que "la démocratie a échoué en Russie"

"Les réformes historiques de Mikhaïl Gorbatchev ont conduit à la dissolution de l'Union soviétique, contribué à mettre fin à la guerre froide et ouvert la possibilité d'un partenariat entre la Russie et l'Otan", a tweeté le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. "Sa vision d'un monde meilleur reste un exemple".

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a rendu hommage au dernier dirigeant soviétique en le remerciant "pour sa contribution décisive à l'unité allemande" et son "courage pour l'ouverture démocratique et la construction de ponts entre l'Est et l'Ouest". Ce rêve est "en ruine, brisé par l'attaque brutale de la Russie contre l'Ukraine", a-t-il ajouté.

"Il est mort à une époque où non seulement la démocratie a échoué en Russie, mais où la Russie et le président russe (Vladimir) Poutine ont creusé de nouveaux fossés en Europe et ont lancé une terrible guerre contre un pays voisin, l'Ukraine", a renchéri le chancelier allemand Olaf Scholz.
"Il a montré par l'exemple comment un seul homme d'État peut changer le monde pour le mieux. Mikhaïl Gorbatchev a également changé ma vie de manière fondamentale. Je ne l'oublierai jamais", a témoigné l'ex-chancelière Angela Merkel qui a grandi dans ce qui était l'Allemagne de l'Est.
 

"Homme de paix" pour les dirigeants occidentaux

"J'ai toujours admiré le courage et l'intégrité dont il a fait preuve pour mettre fin à la Guerre froide", a indiqué de son côté dans un tweet le Premier ministre britannique Boris Johnson. "À l'heure de l'agression de (Vladimir) Poutine en Ukraine, son engagement inlassable pour l'ouverture de la société soviétique reste un exemple pour nous tous".

Pour Emmanuel Macron, Mikhaïl Gorbatchev était un "homme de paix dont les choix ont ouvert un chemin de liberté aux Russes".
 

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a qualifié sur Twitter Mikhaïl Gorbatchev "d'homme, qui de par ses décisions, a contribué d’une façon décisive à mettre fin à la Guerre froide et à faire de l'Europe et du monde un lieu avec plus de paix et de liberté".

"Son désir de paix, son opposition à une vision impérialiste de la Russie lui ont valu le prix Nobel [de la paix]. Ce sont des messages d'autant plus actuels face à la tragédie de l'invasion de l'Ukraine" par Moscou, a estimé le chef du gouvernement italien Mario Draghi.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué "un dirigeant digne de confiance et respecté" qui "a joué un rôle crucial pour mettre fin à la guerre froide et faire tomber le rideau de fer. Il a ouvert la voie à une Europe libre".
 

Hommages de journalistes et opposants russes

Pour le journaliste russe Dmitri Mouratov, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2021, Mikhaïl Gorbatchev "aimait sa femme plus que son travail, plaçait les droits humains au-dessus de l'État, accordait plus de valeur à un ciel paisible qu'au pouvoir personnel".


"Il méprisait la guerre. Il méprisait la realpolitik. Il était convaincu que l'époque où les problèmes du monde étaient résolus par la force était révolue (...). Il a libéré des prisonniers politiques". Gorbatchev "a donné à notre pays et au monde un cadeau incroyable : il nous a donné 30 ans de paix. Sans la menace d'une guerre nucléaire mondiale. Qui est capable d'en faire autant ?", écrit également Dmitri Mouratov, dans un texte publié dans la Novaïa Gazeta.

Ces déclarations sonnent aussi comme une charge contre l'actuel président russe, en pleine offensive militaire contre l'Ukraine et alors que la répression en Russie s'est fortement renforcée. Gorbatchev avait des liens étroits avec le principal journal indépendant russe, Novaïa Gazeta, dont Dmitri Mouratov est le rédacteur en chef. Il a été contraint de suspendre sa publication en Russie en mars.

L'opposant russe incarcéré Alexeï Navalny a rendu hommage à l'ancien dirigeant soviétique. Gorbatchev "a quitté le pouvoir pacifiquement et volontairement, en respectant la volonté des électeurs. Rien que ça, c'est déjà un grand exploit selon les normes de l'ex-URSS". Il a ajouté qu'il avait aussi "libéré les derniers prisonniers politiques" à l'époque soviétique.

"Nous sommes tous orphelins. Mais tout le monde ne l'a pas compris", a tweeté pour sa part Alexeï Venediktov, un journaliste ami de Mikhaïl Gorbatchev et ancien chef de la radio russe Ekho Moskvy, fermée pour avoir critiqué l'offensive en Ukraine.