Fil d'Ariane
“Vas-y Poupou !”. Quel gamin né dans la France des années 60 ou 70 n’a jamais crié “vas-y Poupou ! ” en voyant passer un vélo ?
Nous ne savions évidemment pas que l’expression avait été inventée par un journaliste, Emile Besson, alors que le jeune Raymond Poulidor commençait à faire parler de lui dans les pelotons.
Le journaliste de RTL Christian Olivier raconte comment, en 1959, totalement inconnu, le jeune Poulidor, 23 ans, trouve le moyen d’agacer le triple vainqueur du tour de France Louison Bobet. A l’occasion d’une course en Corrèze, non loin de sa Creuse natale, Raymond Poulidor a fait venir ses proches en nombre pour le soutenir. Ce jour-là, il brille et à l’issue de la course, Bobet demande : “Mais qui est donc ce Poulidor ?". Ainsi débute “l'histoire du roman d'un petit Français modeste et courageux”, comme l’écrit Christian Olivier.
Au soir de sa carrière, un autre surnom collera pourtant à la peau de Raymond Poulidor : l’éternel second. Une réputation qui s'explique par son parcours sur le Tour de France, l’épreuve reine, qui ne lui aura en effet pas porté bonheur.
C'est un grand ami qui s'en va.
Eddy Merckx
Quatorze participations, mais toujours un rival finalement plus fort que lui. Ce sera Jacques Anquetil au début, puis Eddy Merckx plus tard. Jamais, au cours de sa longue carrière, le plus célèbre des cyclistes français n’aura porté le maillot jaune attribué au premier du classement, le maillot du vainqueur. Souvent parce qu’un autre aura été plus fort, mais aussi parfois pour cause de mauvais choix tactique ou d’accident, comme celui qui le poussera à l’abandon en 1968. “Ma chance, ce fut d’avoir de la malchance” avouera-t-il un jour.
Mais ces échecs dans le Tour ne doivent pas occulter un palmarès qui peut faire des envieux. Champion de France 1961, double vainqueur du Paris-Nice ou du Critérium du Dauphiné, victorieux dans la Vuelta (le Tour d’Espagne) en 1964, dans la Flèche Wallonne... entre autres !
Et surtout, Poulidor, c’est cette incroyable popularité pendant cinq décennies, ce que l’écrivain Antoine Blondin appelait la “vox populidor”.
Comment l’expliquer ? Par son statut d’éternel second ? Parce que les Français se reconnaissent dans cet homme supposé un peu “loser” ? On pourra sans doute philosopher longtemps sur le sujet. Peut-être parce que, de l’aveu de ceux qui l’ont croisé, l’homme était accessible et sympathique.
Raymond Poulidor n’est plus. Ses exploits, son panache, son courage resteront gravés dans les mémoires. « Poupou », à jamais maillot jaune dans le cœur des Français.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 13, 2019
Lui-même s’en étonnait. “Cette popularité, disait-il, je ne me la suis jamais vraiment expliquée. Elle ne m'a pas toujours rendu service. Elle modérait mes ambitions. Premier ou deuxième, on me réservait toujours le même accueil”. Avant de reconnaître : “C'est bizarre, on dirait que ma réputation traverse les âges !".