A Munich, il y a quarante ans : Septembre noir et colère de Dieu

Il y a quarante ans, le 5 septembre 1972, la prise d’otages des athlètes israéliens en pleins Jeux Olympiques de Munich et son dénouement sanglant marquaient, un an avant la guerre du Kippour, moins un nouveau degré dans le conflit israélo-arabe que l’irruption de nouvelles formes de combat promises à un avenir florissant.
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A Munich, il y a quarante ans : Septembre noir et colère de Dieu
Le tarmac de l'aéroport de Munich après l'assaut
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Guerre ancienne et nouvelles armes

Guerre ancienne et nouvelles armes
Cérémonie d'ouverture le 26 août à Munich
En cette fin d’été 1972, la tenue à Munich des XXèmes olympiades de l’ère moderne constitue en soi un événement qui dépasse, à bien des égards, l’officielle course aux médailles ou les officieux enjeux économiques.
Quatre ans après celles de Mexico – ouvertes sous le quadrillage de l’armée après le massacre de centaines d'étudiants place des Trois Cultures, achevées avec le poing levé des athlètes noirs américains contre la ségrégation raciale – elles prennent place au cœur de la guerre froide, dans un État prospère mais demi-pays considéré comme le poste avancé du monde libre – ou du capitalisme - : la République Fédérale allemande (RFA).
Pour la relativement jeune co-descendante du Reich, Munich revêt aussi une autre fonction non moins chargée : effacer le souvenir des jeux de Berlin qui, en 1936, avaient universellement célébré le triomphe du nazisme et la gloire d’Hitler.
Ceux de 1972 s’ouvrent le 26 août par une cérémonie plus sobre à l’Olympiastadion, construit pour la circonstance. 121 nations y prennent part, représentées par plus de 7000 athlètes. L’emblème en est un soleil stylisé ; la mascotte,  un teckel surnommé Waldi.
 

L'irruption de deux réalités méconnues

A Munich, il y a quarante ans : Septembre noir et colère de Dieu
Membre du commando et son otage (AFP)

Durant la première semaine, les épreuves s’enchainent, sans événements notables. Mais à quatre heures du matin le 5 septembre, huit hommes armés s'infiltrent dans le village olympique. Ils gagnent le bloc 31 où dort la délégation israélienne et pénètrent en force dans les appartements.
Sur les quinze sportifs présents, deux sont tués en tentant de résister, un troisième parvient à s'enfuir, un quatrième s'échappera un peu plus tard. Restent onze otages aux mains du commando.
Le monde abasourdi découvre au réveil sur ses écrans de télévision deux réalités jusque-là peu connues : la Palestine et l’action terroriste.
Le chef du commando communique à un policier un texte revendicatif. Il se réclame d'un groupe nommé «Septembre Noir», référence au massacre par le roi Hussein de Jordanie des combattants palestiniens présents sur son territoire en septembre 1970. Refusant les colossales rançons qui lui sont immédiatement offertes, il exige la libération et le passage en Égypte de 234 activistes palestiniens, détenus en Israël, ainsi que de deux autres prisonniers allemands Ulrike Meinhof et Andreas Baader en Allemagne. Le Premier ministre israélien Golda Meir répond immédiatement et très fermement qu'il n'y aura aucune négociation. Les preneurs d'otages répliquent en jetant par le balcon le corps de Moshe Weinberg.
Obsédé par l’apolitisme prétendu des jeux, le Comité olympique n’exprime, par la voix de son président américain Avery Brundage qu’un seul souci : l’éloignement des ravisseurs et de leurs otages pour permettre au plus vite la reprise de la fête.
 

Improvisation

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La carcasse d'un des hélicoptères

Les autorités ouest-allemandes – dirigées par le chancelier social-démocrate Willy Brandt – se montrent de leur côté embarrassées et démunies. Pour des raisons légales liées au statut fédéral de la République, seules peuvent intervenir les forces de l’ordre bavaroises et elles n’y sont nullement préparées. Une offre d’Israël d’envoyer des tireurs d’élite est rejetée. On négocie, en revanche, le départ pour l’Égypte des terroristes avec leurs otages pour la nuit suivante.
Un transfert est organisé par deux hélicoptères vers l’aéroport de Munich.
Dans une improvisation qui sera sévèrement critiquée, la police choisit ce moment pour intervenir. Vers 23 h, peu après que les appareils se sont posés sur le tarmac, ses tireurs ouvrent le feu et un assaut est déclenché mais les forces de l’ordre ne disposent ni de viseurs de précision, ni de gilets pare-balles, ni de radios opérationnelles. Dans une grande confusion, trois preneurs d’otages (sur huit) sont tués mais les autres parviennent à faire exploser l’un des hélicoptères et à tirer sur leurs prisonniers. Tous sont tués, de même qu’un policier allemand. Trois terroristes survivent. La fusillade a duré 75 minutes.
Vers minuit trente, le gouvernement allemand annonce la libération des otages et le succès de l’opération avant, une demi-heure plus tard, d’en reconnaitre le fiasco.
 

Epilogues


A travers le monde, des voix s'élèvent pour réclamer l'arrêt des olympiades."The Games must go on", répond Avery Brundage (les Jeux doivent continuer). Il est entendu. En guise d'oraison, le CIO organise dans le stade olympique de Munich une cérémonie à la mémoire des onze victimes sur fond de "Marche funèbre" de Beethoven et passe à autre chose.
Les lampions éteints, la situation n'en est pas moins désagréable pour l'Allemagne fédérale : outre l'affront subi et la catastrophe de l'assaut, détenir et juger les trois terroristes arrêtés comporte à terme, dans le contexte, un risque élevé. Une issue, peut-être bien organisée, survient miraculeusement le 29 octobre. Ce jour-là, un Boeing 727 de la Lufthansa – dont on saura par la suite qu’il ne transportait que quelques passagers jeunes et masculins – est détourné après son décollage de Beyrouth par un commando de Septembre Noir exigeant la libération de leurs trois camarades. Satisfaction leur est immédiatement donnée. L’avion est autorisé à se poser à Munich, embarque les trois terroristes et repart aussitôt vers la Libye.
La vengeance d’Israël, en revanche, n'a pas attendu, sanglante et dépourvue d’états d’âme. Dès les jours qui suivent le drame de Munich, Tsahal déclenche des représailles aériennes contre différents camps palestiniens de Syrie et du Liban, tuant selon certaines sources près de 200 personnes dont de nombreux civils.
Sur ordre du Premier ministre Golda Meir, le Mossad organise la traque et l’assassinat de plusieurs Palestiniens présumés impliqués dans la tuerie de Munich. C’est l’opération « Baïonnette », dite aussi « Colère de Dieu », portée à l’écran en 2006 par Steven Spielberg. Elle devait durer près de vingt ans.
Né du conflit ancien relatif au droit de deux peuples sur un territoire de vingt-mille kilomètres carrés, le cycle du terrorisme et du contre-terrorisme entrait - littéralement - en scène et s’installait durablement dans le monde.
 
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L'Allemagne en 1972
 

Israël ouvre ses archives

05.09.2012AFP
Israël a publié cette semaine des dizaines de documents officiels relatifs à la prise d'otage et à l'assassinat d'athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich de 1972, dont certains mettent sévèrement en cause les services de sécurité et le gouvernement allemands. Les archives étatiques israéliennes ont rendu publics mercredi 45 documents, certains spécialement déclassifiés, à l'occasion du 40e anniversaire du massacre de 11 athlètes israéliens par un commando de huit palestiniens membres de l'organisation "Septembre noir".

Ils comprennent des câbles du ministère des Affaires étrangères, des minutes de réunions du cabinet israélien et de la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense ainsi que des correspondances entre responsables allemands et israéliens.

"Ils (les Allemands) n'ont même pas fait un effort minimal pour sauver des vies, ils n'ont pas pris le moindre risque pour sauver les gens, ni les leurs ni les nôtres", peut-on ainsi lire dans le témoignage déclassifié du chef du Mossad, les services de renseignements et de contre-espionnage israéliens, de l'époque, Zvi Zamir, à son retour de Munich peu après le massacre.

Il ajoute que les Allemands ont "tout fait pour en finir avec cette histoire, à n'importe quel prix afin de ne pas perturber les Jeux Olympiques".
M. Zamir se dit exaspéré par les erreurs de la police allemande: "Il y avait de quoi grimper aux murs", peut-on lire dans son témoignage. Il explique notamment que les tireurs d'élite étaient équipés de revolvers, que les blindés destinés à sauver les otages étaient arrivés en retard et que les policiers n'avaient pas de torches électriques pour suivre les mouvements des activistes palestiniens lors de la tentative de libération des otages, de nuit. "Ils n'avaient pas de plan de suivi et aucun moyen d'improviser un plan alternatif", ajoute-t-il.

Certains documents déclassifiés mettent aussi en évidence des défaillances dans le dispositif de sécurité israélien. Le rapport de la commission d'enquête étatique sur la prise d'otage, enterré par le cabinet israélien après sa publication, critique ainsi "un manque de clarté, des défaillances et des procédures contradictoires" et met spécifiquement en cause le responsable de l'époque de la sécurité de l'ambassade d'Israël en Allemagne, dont le nom n'a pas été dévoilé.


Huit membres de l'organisation palestinienne "Septembre noir" avaient pénétré dans l'appartement occupé par la délégation israélienne dans le village olympique le 5 septembre 1972 à Munich. Ils avaient immédiatement tué deux athlètes israéliens et en avaient pris neuf autres en otage, espérant les échanger contre 232 activistes palestiniens.

L'opération de sauvetages, organisée par les services de sécurité allemands s'était soldée par un fiasco. Tous les otages avaient été tués ainsi qu'un policier ouest-allemand et cinq des huit preneurs d'otages palestiniens. Trois autres activistes palestiniens avaient été capturés.

L'ouverture des archives israéliennes intervient alors qu'une polémique a fait rage, avant le lancement des Jeux Olympiques de Londres le mois dernier, sur la possibilité d'honorer la mémoire des athlètes israéliens tués en 1972 par une minute de silence lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux.

Le Comité international olympique a finalement observé une minute de silence lors d'une cérémonie d'inauguration du Mur de la Trêve olympique, en l'absence de tout représentant israélien, ce qui avait provoqué leur colère
 
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Les onze athlètes israéliens tués à Munich