Fil d'Ariane
Berlin a inauguré ce 16 décembre son nouveau château impérial abritant un vaste musée, le Forum Humboldt, dédié "aux cultures du monde". Le musée cristallise les critiques entre remise à neuf du château détruit des Hohenzollern et collections issues en partie des anciennes colonies allemandes.
La pertinence d'installer en ce lieu le musée contenant près de 20000 pièces originaires d'Afrique, d'Asie ou d'Océanie, issues en grande partie des anciennes colonies allemandes, a dès le début fait polémique. L'empire colonial allemand comprenait en Afrique, la Namibie, le Cameroun, le Togo, le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi. Il a été démantelé par les puissances coloniales victorieuses de la Première guerre mondiale, le Royaume-Uni, la Belgique et la France. Ces pays victorieux se partageront les territoires africains de l'Allemagne vaincue.
L'édifice du nouveau musée fut donc jusqu'en 1918 la résidence principale des Hohenzollern, princes et empereurs colonisateurs. Et c'est à Berlin qu'a eu lieu la conférence de 1885 sur le partage colonial de l'Afrique entre puissances européennes.
Dès le lancement du projet en 2013, un collectif demandant un moratoire était créé. Dans une tribune, les signataires, dont de nombreux commissaires d'exposition et conservateurs, demandaient à ce que, plutôt qu'un musée, on réfléchisse à la restitution des œuvres d'arts issues de l'ex-empire colonial allemand situées en Allemagne.
"La majeure partie des pièces d'exposition en provenance du monde entier a rejoint la ville de Berlin dans le cadre des conquêtes coloniales. Nous demandons que la lumière soit faite sur les circonstances d'acquisition de toutes les œuvres d'exposition et exigeons le respect des résolutions sans équivoque des Nations unies relatives à la restitution des objets d'art aux pays touchés par des actes d'expropriation", écrivaient ainsi les signataires de cette pétition, traduite en plusieurs langues.
"En Allemagne et à l’étranger, les descendants des peuples colonisés sont d’autant plus choqués que l’endroit choisi n’est autre que la résidence reconstruite des empereurs de Brandebourg et de Prusse. Les Hohenzollern ( NDLR : nom de l'ancienne famille impériale allemande) furent en fait les principaux responsables de l’esclavage de milliers d’Africains ainsi que de génocides et camps de concentration dans les anciennes colonies allemandes", ajoutent les signataires de la tribune.
Le musée du château, le Forum Humboldt, a vocation de devenir "un modèle et une référence" dans la réflexion sur le colonialisme, a promis la secrétaire d'Etat à la Culture Monika Grütters lors d'une conférence de presse devant l'édifice.
„Die #Weltkulturen ins Zentrum stellen“: Staatsministerin Monika #Grütters eröffnet heute das #HumboldtForum. Es soll als #Museum neuen Typs Wissen über die Kulturen der Welt vermitteln und Grundfragen des gesellschaftlichen Zusammenlebens beleuchten. pic.twitter.com/HKVjV3fPsp
— BKM Kultur & Medien (@BundesKultur) December 16, 2020
Pour le maire de la ville Michael Müller, il sera un lieu "de réflexion sur notre histoire et notre rôle dans le monde".
— DW Afrique (@dw_francais) December 17, 2020
L'Ambassadeur @YusufTuggar
à propos de l'exposition des bronzes du Bénin au Forum Humboldt: cela "donne l'impression d'une gifle"#restitution #HumboldtForum #Nigeria pic.twitter.com/2I5gcqA8aL
La Fondation du patrimoine culturel prussien, qui gère les musées publics berlinois, assure de son côté "ne pas avoir reçu de demande officielle de restitution", mais être en contact "depuis longtemps" avec les autorités nigérianes pour trouver des solutions afin de montrer les oeuvres dans leur pays d'origine.
En Europe, la plupart des anciennes puissances coloniales ont lancé ces dernières années des réflexions sur la réappropriation de leur patrimoine par les anciens pays colonisés, surtout africains.
Lire : France, le Parlement approuve la restitution d’œuvres d'art au Bénin et au Sénégal
L'Allemagne a ainsi mis en place en mars 2019 un projet visant à "identifier les oeuvres issues du contexte colonial dont l'appropriation a eu lieu de façon contraire à la loi ou éthiquement injustifiable", souligne-t-on au ministère des Affaires étrangères allemand. Cette démarche, selon Berlin, devrait ouvrir la voie à leur restitution.