Qui étaient les manifestants de ce 9 octobre 2011 ? Les manifestants étaient des coptes qui s'exprimaient pacifiquement contre les injustices dont ils sont victimes, et en réaction au rasage de l’église copte près d'Assouan, le 30 septembre dernier. Il y a quelques mois, cette église avait reçu l'autorisation officielle d’être restaurée, à Marinab, dans la banlieue d’Assouan (Haute Égypte, NDLR). Son responsable avait entrepris les premières démarches de restauration quand les salafistes sont arrivés, interdisant tous travaux, créant des incidents. L’armée a tenté de faire une réconciliation – qui n’avait pas lieu d’être, puisque les coptes avaient une autorisation officielle de fait, et étaient dans leur bon droit. Les salafistes ont imposé des conditions de construction : pas de coupole, pas de haut-parleurs, pas de croix sur l’église, ou alors ils ne laisseraient pas la restauration se poursuivre. Malgré l’absurdité de l’absence de croix sur une église, le responsable a tout de même accepté, voulant concilier tous les partis. Il n’en demeure pas moins que 2 semaines plus tard, après la prière du vendredi, l’imam salafiste de Marinab a chauffé la foule, qui a démoli l’église en quelques heures, en l’absence de l’armée. Les salafistes seraient à l'origine des débordements du 9 octobre ? Le déroulement des événements de dimanche reste confus. Mais les faits indiquent qu’à un moment où il ne se passait rien, des éléments extérieurs (salafistes ? coptes extrémistes ?) se sont mis à jeter des pierres et à tirer des coups de feu. Qui cherche à enflammer les relations ? Sur Internet, des vidéos montrant des églises transformées en caches d’armes, avec des hommes qui tirent en l’air, semblent mettre en cause les coptes d’Egypte, alors que ces films ont été tournés à Beyrouth il y a une dizaine d’années. Quelqu’un met le feu aux poudres. Que ça dégénère, violence contre violence, ça n’a rien d’étonnant. Mais au départ, la manifestation était pacifique. Pour quelle raison justement cherche-t-on à mettre le feu aux poudres ? Pourquoi s'en prendre aux coptes ? Les salafistes mènent une campagne très violente contre les coptes, à l'image de ce qu'il s'est passé le 30 septembre dernier. On se demande aussi quel rôle l’armée joue dans cette histoire. La justice n’a jamais été rendue contre les crimes dont sont victimes les coptes. Est-ce que ça profite à l’armée, qui a besoin du chaos pour légitimer sa position de gardienne de l’ordre et donc rester au pouvoir ? Est-ce qu’au contraire, ça la déborde (ce qui serait encore pire) ? Les questions restent ouvertes. Constate-t-on une vraie montée des fondamentalismes et des actions contre les coptes depuis la chute de Moubarak ? Depuis la chute du régime Moubarak, il y a des actions qui n’étaient pas tolérables avant. La boîte de Pandore a été ouverte. Les salafistes, qui avant été en prison ou réprimés, agissent en plein jour, et poussent à la haine, tout simplement. Ils considèrent d'office les minorités religieuses comme des mécréants, voués à l'Enfer. Ces idéologies viennent d’Arabie Saoudite, du Koweït et des Émirats Arabes Unis, tout comme les financements des groupes salafistes. Ces 3 pays soutenaient Moubarak et voient d’un mauvais œil tout changement au sein du pays. Et il faut ajouter que ces salafistes n’effraient pas que la minorité chrétienne. Même les musulmans modérés ont peur d’eux. Dans la société post-Moubarak, l'élite copte ne peut-elle pas jouer un rôle de médiateur ? Aujourd’hui, les élites coptes jouent sur la modération. Par exemple, l’homme d’affaires Naguib Sawiris a monté un parti, al-Masreyeen al-Ahrrar (le parti des Egyptiens libres), qui ne se veut pas religieux, donc pas copte de fait, cherchant à rassembler un maximum de gens de bonne volonté. Je pense que quelqu’un comme Sawiris a participé de façon civile à la construction d’une société post-Moubarak différente. Cependant, un grand nombre d’institutions restent à la botte du régime en place. Les médias égyptiens, par exemple, soulignent le rôle essentiel de l’armée, rappelant que le moral des soldats est bon, comme s’ils étaient encore en guerre ! Or, c’est bien les chars de l’armée qui ont écrasé 17 des personnes tuées le 9 octobre. Mais la télévision et la radio continuent de souligner combien le conseil supérieur a traité les événements avec sagesse. Rien n’a été dit de ce qu’il s’est passé officiellement : l’armée a entouré l’hôpital copte pour que les parents des victimes n’ébruitent pas ce qui s’est vraiment passé. On a même demandé aux gens de descendre dans la rue pour défendre l’armée contre la manifestation copte ! Jusqu’ici, seul le présentateur Mahmoud Youssef a déclaré se démarquer de ce qui a pu se dire à la télévision. C’est la seule voix forte à avoir pris position contre les déclarations officielles. Comme pendant la révolution, avec les balles extraites des cadavres et perdues, l’absence d’autopsie pour de nombreuses victimes… L’armée, comme pour ce qu’il s’est passé les 25 et 28 janvier derniers, refuse qu’on cherche la vérité. Le manque de discernement de l’armée est très douteux : s’en servent-ils pour conserver un chaos vital à leur existence à la tête du pays ? Sont-ils débordés ? Ont-ils peur d’un soulèvement populaire ? Sont-ils eux-mêmes infiltrés par des éléments salafistes ? Toutes les probabilités existent. Quelle suite peut-on imaginer à ce qu'il s'est passé dimanche ? Les événements de dimanche dernier ne sont pas inédits. Il y a quelques mois déjà, des manifestants, toujours du côté de Maspiro, ont été accueillis par des cocktails molotov et des jets de pierres. On peut accuser les coptes de tous les maux, mais le fait est qu’il y a un problème, que quelqu’un allume le feu pour attiser toute cette violence. Qui peut tempérer la situation ?