Naufrage de migrants dans la Manche en 2021 : cinq militaires mis en examen

Le 24 novembre 2021, 27 migrants sont morts dans la Manche après le naufrage de leur embarcation. Ce jeudi 25 mai, cinq militaires ont été mis en examen. Ils sont soupçonnés avoir fauté dans leur mission de secours cette nuit-là.

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Calais migrants

Le 24 novembre 2021, 27 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre le Royaume-Uni. 

Louis Witter/AP
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Neuf personnes, dont au moins cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Gris Nez (Cross, Pas-de-Calais), ont été placées en garde à vue et interrogées par la Section de recherche de la gendarmerie maritime de Cherbourg, selon une source judiciaire et une source proche du dossier.

Non-assistance à personne en danger

Selon la source proche du dossier, les cinq militaires, trois femmes et deux hommes, ont été présentés, ce jeudi après-midi, aux magistrats instructeurs de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du tribunal judiciaire de Paris.

D'après une source judiciaire, ces cinq personnes ont été mises en examen pour non-assistance à personne en danger et laissées libres à l'issue de leur interrogatoire. Le code de justice militaire restreint fortement les possibilités de placement sous contrôle judiciaire des militaires.

Voir aussi : Migrants : vers une "banalisation" de la rétention

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Les cinq mis en cause sont trois femmes et deux hommes, tous affectés au Cross au moment des faits.

Dans ce dossier, les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage.

Sollicité, le directeur du Cross Gris-Nez, chargé des secours dans la Manche, n'a pas souhaité réagir.

"Tous les opérateurs actuellement au Cross Gris-Nez ou embarqués ont toute la confiance du préfet pour conduire les opérations de sauvetage en mer", a indiqué à l’AFP la Préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord. "L’affaire suit son cours et l’instruction n’est pas de notre ressort", a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire.

- Au secours s'il vous plaît (...) je suis dans l'eau.
- Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur.
Extrait de conversation téléphonique entre un migrant et l'opérateur.

"Au secours s'il vous plaît"

Le canot a coulé au petit matin du 24 novembre 2021, emportant 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans.

Personne ne leur est venu en aide. Ni côté français, ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle, selon des documents de l'enquête consultés et révélés par Le Monde en novembre.

Dans une conversation téléphonique avec le Cross, un migrant déclare : "Au secours s'il vous plaît (...) je suis dans l'eau". "Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur", lui répond son interlocutrice. "Non, non pas les eaux anglaises, les eaux françaises, s'il vous plaît pouvez-vous venir vite", supplie-t-il encore, avant que la conversation ne soit coupée.

Voir aussi : Record des traversées de migrants en Méditerranée

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"Ah bah, t'entends pas, tu seras pas sauvé. J'ai les pieds dans l'eau, bah je t'ai pas demandé de partir", dit alors l'opératrice.

Ces éléments, qui concordent avec les déclarations des deux survivants, avaient secoué lors de leur révélation le Cross Gris-Nez, mais aussi suscité la "consternation" des associations d'aide aux migrants. Les retranscriptions de conversations laissent toutefois apparaître que le Cross a contacté à plusieurs reprises les garde-côtes britanniques.

Lors de précédentes auditions comme témoins dans cette enquête fin 2021, des agents du Cross avaient invoqué le manque de moyens qui contraint "à prioriser". Ce soir-là, le Cross a traité "des centaines voire des milliers d'appels", avait rapporté l'un d'eux.

Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises 
Hervé Berville, le secrétaire d'Etat chargé de la Mer

"Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises", avait aussi assuré en novembre le secrétaire d'Etat Hervé Berville, reconnaissant un "effroi" à la lecture des informations de presse.

Dix passeurs présumés, majoritairement afghans, ont déjà été mis en examen dans l'information judiciaire. Une enquête est également en cours outre-Manche. Les autorités britanniques ont annoncé fin novembre avoir arrêté un homme, "suspecté d'être un membre du groupe criminel organisé qui a conspiré pour transporter les migrants au Royaume-Uni à bord d'un petit bateau".

Ce drame avait fait monter la tension entre Paris et Londres. Mais sans décourager les candidats à l'Angleterre.

Quelque 46 000 demandeurs d'asile ont traversé la Manche en 2022, en majorité des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8000 ont été secourus dans les eaux françaises.