Fil d'Ariane
Le Français Charles Sobhraj, surnommé "le Serpent", a été libéré ce vendredi 22 décembre, après avoir purgé près de 20 ans de prison au Népal. Ce tueur en série a commis plusieurs meurtres à travers l'Asie dans les années 1970.
"Beaucoup de personnes tombaient malades chez eux", au point qu'elle lui dit un jour sur le ton de la plaisanterie: "Tu leur jettes un sort !"
À Noël 1975, un Français, hébergé chez Charles Sobhraj alors en voyage, montre à Nadine Gires le coffre-fort de son hôte plein de faux passeports et affirme qu'il "empoisonne des gens pour les voler". Elle décide alors de démasquer Sobhraj, convaincue d'avoir affaire à un "escroc, séducteur, détrousseur de touristes, mais aussi meurtrier diabolique".
Avec un diplomate néerlandais, Herman Knippenberg, à la recherche de deux compatriotes disparus, ils accumulent les preuves et alertent la police thaïlandaise. En vain. En mai 1976, Sompol Suthimai, officier thailandais d'Interpol, découvre dans le quotidien Bangkok Post les photos de cinq touristes assassinés et des suspects Sobhraj et Leclerc. Il peine à croire que la police n'ait rien fait.
"Je me suis dit: c'est une blague (...)", déclarait l'officier de 90 ans en 2021.
Lorsqu'il récupère les éléments de preuve auprès de M. Knippenberg, notamment des journaux intimes et billets d'avion ayant appartenu aux victimes, les suspects ont déjà fui en France. Sompol Suthimai lance un mandat d'arrêt international.
L'habileté du tueur à disparaître lui vaut d'ailleurs d'être surnommé "le Serpent". Ce sera le titre d'une mini-série que la BBC consacrera à Sobhraj avant d'être diffusée sur Netflix en 2021, le criminel étant incarné par l'acteur français Tahar Rahim.
Quelques mois plus tard, en juillet 1976, Sobhraj est arrêté à New Delhi, après la mort par empoisonnement d'un touriste français dans un hôtel. Depuis sa cellule indienne, il vend son histoire à une maison d'édition, pour quelques milliers de dollars. Les journalistes australiens Richard Neville et Julie Clarke en tireront un livre: "Sur la trace du serpent".
"Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel", a raconté en 2021 Julie Clarke, qui garde un "souvenir traumatisant" de son interview du tueur en 1977 et de "son monde psychopathique".
Sobhraj était "froid, arrogant, mais c'était une belle gueule", selon un témoin cité dans l'ouvrage.
"Fascinant", il appâtait les voyageurs en leur proposant des pierres précieuses, bon marché, susceptibles de financer leur voyage, une fois revendues. Il passe 21 ans en prison en Inde, marqués par une évasion de 22 jours en 1986. Il avait endormi ses geôliers grâce à des pâtisseries bourrées de somnifères.
Retrouvé dans un restaurant de Goa, il affirme plus tard s'être échappé pour éviter l'extradition vers la Thaïlande, où il risquait la peine de mort. Libéré en 1997, ses crimes présumés étant prescrits en Thaïlande, il rentre paisiblement en France.
Mais en septembre 2003, de retour au Népal, il est rapidement arrêté puis condamné à perpétuité.
En 2017, à 73 ans, il subit une opération à coeur ouvert de cinq heures, explique alors son épouse Nihita Biswas. Le criminel et la fille de son avocate népalaise Shakuntala Thapa s'étaient secrètement mariés en 2008. Elle avait 20 ans, lui 64.