Fil d'Ariane
A Masaya, à une trentaine de kilomètres de la capitale Managua, les barricades sont toujours en place. Elles ont survécu à l'opération « nettoyage » des autorités confrontées depuis trois mois à la colère des nicaraguayens. Et elles sont prêtes à servir à nouveau pour la manifestation, ce jeudi.
Dans cette ville considérée comme la plus rebelle du pays, les habitants feraient tout pour voir tomber le président Ortega.
Nous sommes prêts à mourir pour un pays libre, pour un Nicaragua libre, pour la liberté d'expression, pour avoir une dignité
"Fox", un manifestant anti-Ortega
Voilà trois mois que des citoyens nicaraguayens protestent contre Daniel Ortega, l'ancien guerillero marxiste, qu'ils accusent de vouloir instaurer une dictature.
Alvaro Gomez en fait partie. Il s'est battu pour soutenir Ortega dans les années 80. Il a perdu une jambe et il y a peu, un fils, tué lors d'une manifestation. Son amertume est immense.
Il n'y a pas un jour depuis le 21 avril où je ne pleure pas mon fils, c'est très difficile. Dans les années 80, on s'est battus pour Daniel Ortega, et maintenant il envoie assassiner nos enfants et nos petits-enfants. C'est exaspérant.
Alvaro Gomez, père d'un jeune homme tué pendant les manifestations
Avec les barricades, des mortiers artisanaux ont été préparés pour accueillir les forces de l'ordre. Une ville assiégée par "plus de 1 000 paramilitaires, des policiers et des armes lourdes", affirme Danilo Martinez, le chef de l'Association nicaraguayenne des droits de l'homme (ANPDH) de Masaya.
De violents raids sont à craindre.
La ville a en effet été choisie pour commémorer la révolution sandiniste ce vendredi. Une façon pour le président de montrer aux manifestants qu'il ne lâchera rien.
Depuis le 18 avril, l'opposition exige le départ de Daniel Ortega, au pouvoir depuis plus de vingt ans, avec une interruption entre 1990 et 2007. Les manifestants l'accusent d'instaurer une dictature au Nicaragua avec sa femme, Rosario Murillo, la vice-présidente.
Le secrétaire général de l'ONU s'est dit profondément inquiet de la violence qui continue et s'intensifie dans le pays. Il appelle toutes les parties à trouver une solution pacifique à la crise actuelle", selon son porte-parole.
Antonio Guterres exhorte toutes les parties à respecter les médiateurs, à s'abstenir de recourir à la violence et à s'engager pleinement dans le Dialogue national.
Porte-parole du secrétaire général de l'ONU, communiqué
La situation au Nicaragua est critique, estime pour sa part la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH), qui dénonce l'aggravation de la répression et chiffre à 264 le nombre de morts en trois mois.
Le ministre des Affaires étrangères nicaraguayen, Denis Moncada, a estimé que le rapport de la CIDH présenté mercredi à Washington faisait preuve de "préjugé et manquait d'objectivité".
On ne peut pas confondre un mouvement de protestation pacifique et des actes terroristes.
Denis Moncada, ministre des Affaires étrangères nicaraguayen
De son côté, l'Association pro-droits de l'Homme du Nicaragua (ANPDH) appelle l'armée à enquêter sur l'usage par les milices d'armes de gros calibre comme les mitrailleuses de calibre 30 ou les lance-roquettes de type RPG7. Des milices sandinistes qui appuient les opérations de la police contre les manifestants dans certaines villes.