Niger : éclairage sur les émeutes anti-Charlie

Les manifestations au Niger contre la publication de la caricature du prophète Mahomet par Charlie Hebdo, entre le 16 et le 18 janvier, ont causé 5 morts et détruit des dizaines d'églises par le feu. Entretien avec Adamou Idé, écrivain, poète et ex-haut fonctionnaire de l'administration nigérienne, pour mieux comprendre les raisons de cette flambée de violence.
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Niger : éclairage sur les émeutes anti-Charlie
Emeutes à Zinder, au Niger, ce vendredi 16 janvier, suite à la publication de la caricature du prophète Mahomet par Charlie Hebdo (Photo : AFP)
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Niger : éclairage sur les émeutes anti-Charlie
Adamou Idé
Qui, d'après vous, a manifesté violemment et a perpétré les actes de violence qui ont fait cinq morts et détruits par le feu des dizaines d'églises ? Adamou Idé : C'est une question très importante, parce qu'il s'agit de dissocier la population, d'individus qui ont commis des actes de vandalisme intolérables, des bandits. Nous sommes, ici, au Niger, dans une phase extrêmement complexe, où l'islam est instrumentalisé par des vandales et cela est très dangereux pour la population. Il y a des risques d'amalgames. Toutes les images ont montré que ce sont des jeunes gens manipulés qui ont commis ces actes violents, il me semble. Au delà des actes de violence, comment expliquez-vous les manifestations, pourquoi des Nigériens sont-ils autant remontés après la publication d'un dessin ? A.I : Il y avait une incompréhension dans la mesure où le président s'est déplacé à Paris pour manifester contre le terrorisme, et il y est allé avec le président de l'association islamique. Très vite l'amalgame a été fait, et les Nigériens ont pensé que le président était en fait allé à Paris pour soutenir Charlie Hebdo, et donc soutenir les gens qui ont publié la caricature. Ce qui n'était pas le cas. Est-ce uniquement la représentation du prophète qui explique les manifestations ? A.I : C'est très ciblé pour la population, et en fait, c'est vraiment cette caricature qui ne passe pas. Je crois qu'il y a un profond respect des religions de la part des musulmans, y compris de la religion chrétienne. D'ailleurs, Jésus est considéré comme l'un des prophètes des religions du livre [par les musulmans], et il est respecté en tant que tel. C'est parce que c'est une caricature que les gens n'ont pas compris. Comment la France devrait-elle se situer dans son rapport au fait religieux avec des pays musulmans et francophones, comme le Niger, à votre avis  ? Est-ce une forme de respect de la culture [musulmane] de l'autre qui est demandé à la France, par ces manifestations ? A.I : Nous regrettons tout ce qui est arrivé ici. Nous vivons en parfaite symbiose avec les chrétiens, et ce, de tout temps. Mais je crois que fondamentalement, c'est le respect de la culture de l'autre qui en jeu dans les mouvements de mécontentement après la publication de la caricature de Charlie Hebdo. C'est ça l'essentiel. C'est la base de la démocratie, le respect de l'autre. Maintenant il faut laisser passer tout ça, le calme est revenu, tout est fini au Niger désormais. On reprend la vie normalement comme on l'a toujours fait.