Fil d'Ariane
“Quand on manque autant de diplomatie à un poste assez politique, c’est qu’on n’est plus en capacité de l’exercer”. C’est un champion du monde 1998 qui parle, Franck Leboeuf, dans les colonnes du journal Le Parisien. Une sortie de plus contre Noël Le Graët qui réussit le tour de force de faire l’unanimité contre lui.
Aujourd’hui, l’homme est “sur le gril”, “sous très haute pression”, “sur la corde raide”. La presse française multiplie les images pour qualifier cette figure incontournable du football français.
En breton, Graët signifie “fait, fabriqué”. Mais son surnom, c’est le “Menhir”, du nom de ces grosses pierres debout, emblématiques de la Bretagne depuis des millénaires.
Né un 25 décembre il y a 81 ans dans une famille pauvre des Côtes-d'Armor, le président de la Fédération française de football s'est forgé un destin national depuis Guingamp, où il a fait fortune dans l'agro-alimentaire, où il a propulsé le club local, l'En Avant, du monde amateur à la Coupe d'Europe. Où il a encore dirigé la mairie de 1995 à 2008.
L'octogénaire, en place depuis 2011, a su tisser un réseau au-delà du cercle socialiste de ses débuts, s'offrant une ligne directe avec l'Élysée, de François Hollande jusqu'à Emmanuel Macron.
Sa sortie jugée irrespectueuse dimanche sur Zinédine Zidane, icône nationale, a cependant irrité au plus haut sommet de l'Etat.
Loyal avec l'État, dur avec ses adversaires, Noël Le Graët est devenu maître dans l'art des formules assassines. La provocation, notamment sur des sujets de société, a parfois viré au dérapage.
C'est le cas lorsqu'il estime que le racisme "n'existe pas ou peu" dans le monde du football. Sa déclaration aux relents sexistes sur les Bleues qui "peuvent se tirer les cheveux" tant qu'elles gagnent, a aussi fait des vagues.
Plus récemment, son soutien inconditionnel au Qatar, hôte controversé de la Coupe du monde 2022, a fait grincer des dents. "C'est pas insoluble ça, c'est des coups de peinture", lâche-t-il par exemple dans l'émission Complément d'enquête qui, images à l'appui, lui montre les chambres exiguës infestées de cafards dans lesquelles s'entassent des travailleurs sous-traitant de l'hôtel des Bleus.
Arrivé sur les ruines de Knysna et de la débâcle du Mondial 2010, Le Graët reste le bâtisseur de la deuxième étoile gagnée par l'équipe de Didier Deschamps au Mondial-2018.Le football féminin s'est aussi développé, avec un envol du nombre de licenciées et une visibilité accrue pour le Championnat.
Ses contempteurs insistent cependant sur l'élan coupé depuis le Mondial-2019 à domicile et les tensions ayant entouré la sélection dirigée par Corinne Diacre.
Le fondateur du groupe Le Graët (800 salariés), spécialisé dans la pêche, les conserves et les surgelés, s'est imposé dans la France du foot en présidant la Ligue professionnelle de 1991 à 2000.
L'ancien représentant en électroménager et hi-fi a procédé à un toilettage de la gestion des clubs, avec l'instauration de la DNCG (l'instance de surveillance de la santé financière des clubs français) et est entré en collision frontale avec Bernard Tapie au moment de l'affaire VA-OM (1993), ce qui a renforcé sa stature.
Son troisième mandat complet à la tête de la FFF, avec une fin programmée en 2024, est parasité par des témoignages émanant d'anciennes salariées l'accusant de comportements sexistes et de gestes déplacés; des accusations suffisamment graves qui ont poussé le ministère des Sports à lancer un audit.
Autrefois présenté comme un "monstre politique" par ses proches, celui qui a survécu à une leucémie lymphoïde semble avoir perdu une partie de cette habileté, comme l'illustre le dernier "Comex" survenu début janvier.
Plusieurs membres ont très "mal pris" les cachoteries du "Prez", comme il est surnommé au siège parisien de la FFF, boulevard de Grenelle, concernant la prolongation de Deschamps, qu'ils ont "découverte" le lendemain durant l'Assemblée fédérale. Ils n'ont pas plus goûté d'apprendre dans la presse sa candidature pour un nouveau mandat au Conseil de la Fifa.