La nomination de Michaëlle Jean doit beaucoup à la chute, fin octobre 2014, du président burkinabè Blaise Compaoré. Car c'est lui que le secrétaire général sortant, Abdou Diouf, et le président français François Hollande, souhaitaient voir hériter du poste. Après la mise au banc du président déchu, l'Afrique est restée divisée et n'a pas su trancher entre l'ex-président burundais Pierre Buyoya, l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac et l'ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu. Le choix s'est donc porté sur une francophone d'Amérique et, qui plus est, une femme. Une double première qui a suscité des réactions contrastées. L'Afrique a le cafard Henri Lopes, candidat malheureux pour la seconde fois, l'a admis sans faux-semblant à la rédaction de
Jeune Afrique : "Je félicite Mme Michaëlle Jean... J'ai le cafard... Dans ces moments-là, il vaut mieux se taire. Je crois que j'ai mal lu la géopolitique africaine." Pour Jean-Claude de l'Estrac, moins dans l'émotion, mais plus cassant, la pilule a aussi du mal à passer : "Je trouve surprenant que la France ait laissé ce poste échapper à l'Afrique. Et je ne suis pas sûr que cela soit dans son intérêt... Au-delà du candidat, c'est une indiscutable défaite africaine. Au Sénégal, pays de Senghor, l'Afrique laisse échapper la seule organisation internationale d'importance qu'elle contrôlait." Au milieu de toute cette amertume, la réaction d'Augustin Nzé Nfumu, tranche : "Nous sommes heureux qu’il y ait pu avoir un consensus, c’est pour cela que nous avons retiré notre candidature". Et d'ajouter, faisant écho au candidat équato-guinéen, "D'une certaine façon, elle est aussi africaine" de François Hollande, "De toute façon, du sang africain coule dans les veines de la nouvelle secrétaire générale."
Les dinosaures de l'élite africaine, comme Denis Sassou Nguesso ou Alassane Ouattara, ont vivement critiqué ce choix motivé par la France. Pour le ministre congolais des Affaires étrangères, Basile Ikouebé : "Michaëlle Jean est une bonne candidate, qui a les compétences requises. Mais nous déplorons qu'aujourd'hui, on s'oriente vers une Francophonie politique où l'on vient donner des leçons aux Africains sur leur sol, tout en menaçant les États qui ne respecteraient pas les règles constitutionnelles qu'ils feront face à des insurrections soutenues de l'extérieur." Une allusion au discours du président François Hollande, qui, parmi certaines délégations africaines, a provoqué plus de défiance que l'élection de Michaëlle Jean elle-même.
Le président français avait mis en garde les dirigeants africains tentés de s'accrocher au pouvoir à tout prix. Le président de la Guinée, Alpha Condé, exprime, lui aussi, la blessure de l'Afrique :