Fil d'Ariane
Dès l'annonce de la fin des investigations en avril 2022 et depuis les réquisitions de non-lieu du parquet en novembre 2022, les réactions de la populations ont été très vives. Désormais, la décision est définitive. Les juges d'instruction ont prononcés lundi 2 janvier 2023, un non-lieu suite à l'enquête sur l'empoisonnement au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe.
Plusieurs mobilisations populaires ont été organisées dans les rues de Fort-de-France et du Lamentin afin de dénoncer l'empoisonnement de la population puis le mécontent face au possible non-lieu (27 février 2021, 27 mars 2021, 28 mai 2022, 10 décembre 2022).
Comment réagissez-vous à cette décision attendue ?
Maître Louis Boutrin, Avocat de l’Association pour une Ecologie Urbaine : C'est sûr que la décision était attendue dès lors que les juges d'instruction n'ont jamais mis les principaux responsables en examen. Dès lors qu'ils n'ont jamais mis les pieds sur les lieux du crime, puisqu'il y a eu crime d'empoisonnement et qu'ils ne sont jamais venus en Martinique. Dès lors qu'ils n'ont jamais donné une suite favorable à nos nombreuses demandes de mise en examen, notamment des principaux acteurs de ce crime et des principaux délits, de mise en danger de la vie d'autrui, de tromperie et surtout d'utilisation de substance nuisible.
Celui qui aujourd'hui est atteint d'un cancer et celui qui sait qu'il a été empoisonné ne va certainement pas accepté ce déni de justice et la colère enfouie risque malheureusement d'exploser.
C'est pour nous un véritable scandale judiciaire qui vient s'ajouter au scandale sanitaire. Nous avons pû constater à la fois une faillite des services de l'État qui ont manqué à leur devoir constitutionnel de protection de la santé des Guadeloupéens et des Martiniquais en délivrant des autorisations de mise sur le marché pour un pesticide dont la toxicité était connue par la communauté scientifique, les pouvoirs publics et les importateurs.
Quel est le devenir de la procédure judiciaire en cours des associations, dont la vôtre ?
Maître Louis Boutrin : Nous n'avons toujours pas été destinataires de la notification de l'ordonnance des juges d'instruction. Dès réception de cette notification, nous allons interjeter appel, nous avons 10 jours pour le faire. Nous allons épuiser toutes les voix de recours dans le droit interne et à l'issue de cela si nous n'avons pas obtenu gain de cause, nous allons porter l'affaire devant les juridictions européennes et internationales.
Que redoutez-vous après une telle décision ?
Maître Louis Boutrin : Ce qu'il faut redouter malheureusement, c'est la réaction de la population. Le chlordécone est un dangereux poison qui a une forte rémanence dans les sols, qui a des effets qui sont connus sur la santé. Actuellement, nous avons la prévalence du taux de cancer de la prostate la plus élevée au monde. Celui qui aujourd'hui est atteint d'un cancer et celui qui sait qu'il a été empoisonné ne va certainement pas accepté ce déni de justice et la colère enfouie risque malheureusement d'exploser. Quand on provoque le désordre avec de telle décision, cela peut engendrer un vrai désordre social beaucoup plus grand. Ce n'est pas ce que nous souhaitons pour la Martinique en cette période de voeux. Notre souhait et notre voeu c'est que la Martinique mérite mieux, la paix et une justice équitable à l'instar de tous les autres citoyens.