À Nouméa, la "grande opération" de gendarmerie montre ses limites

La situation reste tendue en Nouvelle-Calédonie, où une "grande opération" de gendarmerie est en cours, ce dimanche 19 mai. Objectif affiché par le ministre de l’Intérieur : reprendre le contrôle de la route qui relie Nouméa à l’aéroport et rétablir “la paix publique” sur toute l’île, agitée par des violences depuis six jours. TV5MONDE fait le point sur la situation.

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gendarmes nouméa

Des gendarmes français patrouillent dans les rues de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 16 mai 2024. 2300 policiers et gendarmes sont déployés sur l'île depuis le début des violences liées au projet de réforme du corps électoral contesté par les indépendantistes kanaks. 

AP Photo/Cedric Jacquot
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Le gouvernement français passe à la vitesse supérieure en Nouvelle-Calédonie. Après six jours d’émeutes et six morts, Paris est bien décidé à reprendre le contrôle de l’archipel, placé sous état d’urgence depuis mercredi 20h, heure de Paris. 

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À cet effet, 2300 policiers et gendarmes sont actuellement mobilisés, soit un représentant des forces de l’ordre pour 117 habitants selon les estimations du journal Le Monde.

De Nouméa à l'aéroport, un axe stratégique 

Parmi ces hommes, 600 gendarmes, dont une centaine de membres du groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) étaient mobilisés ce dimanche pour une opération de grande ampleur annoncée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin la veille. Objectif : reprendre le contrôle de la route reliant la capitale Nouméa à l’aéroport international de La Tontouta. 

Situé à une cinquantaine de kilomètres de Nouméa, l'aéroport est fermé depuis le 14 mai, entraînant le blocage de quelque 3 200 personnes sur l’île. De plus, cette route est stratégique pour le réapprovisionnement de l’île où les pénuries se multiplient, aussi bien dans les rayons des supermarchés que dans les Ehpad et les hôpitaux. 

nouméa pénurie

Des personnes font la queue devant un supermarché à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 15 mai 2024. Les pénuries se multiplient sur l'île après six jours d'affrontements et de blocages des axes routiers. 

AP Photo/Nicolas Job

Reprendre cette route est d'autant plus important que la Nouvelle-Zélande et l'Australie réclament toutes les deux l'accès à l'aéroport afin de pouvoir y poser des avions pour rapatrier leurs ressortissants. 

Un convoi militaire démanteler les barrages

Pour reprendre de cet axe, un convoi composé de véhicules blindés et d’engins de chantier est donc parti de Nouméa et a progressivement avancé, perçant un par un les soixante-seize barrages érigés le long de cette route. 

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La première phase de l’opération s’est déroulée sans heurts majeurs selon le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc. Mais si le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a salué le “succès” de l’opération, sur place, le son de cloche est un peu différent. 

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Car si le convoi est bien passé, démantelant les barrages et déblayant la route, beaucoup reste à faire. Le déblayage a commencé mais les opérations de nettoyage et de réparations de la voirie, détériorée à certains endroits, devraient durer plusieurs jours, pendant lesquels les forces de l’ordre devront “tenir” la route - pour l’heure impraticable aux endroits les plus endommagés. 

"L'ordre républicain sera rétabli, quoi qu'il en coûte", avait promis le haut-commissaire dimanche matin, avant d’affirmer que l’opération avait permis de “reprendre” l'axe menant à l’aéroport. Mais à la mi-journée, la circulation le long de la route était à nouveau régulée par des indépendantistes tenant des barrages remontés presque immédiatement après le passage du convoi. 

nouméa voiture

Un homme se tient devant une voiture brûlée à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 15 mai 2024. Les carcasses des voitures servent notamment à monter des barrages pour contrôler les routes dans Nouméa et ses alentours.

AP Photo/Nicolas Job

Nouméa et Paris dans l'impasse ? 

L'exécutif reste campé sur ses positions en demandant le retour de l’ordre - et en refusant de faire marche à arrière sur la réforme du corps électoral, adoptée par l’Assemblée nationale le soir même où l’état d’urgence entrait en vigueur. 

Mais les indépendantistes non plus ne semblent pas prêts à abandonner leur combat, comme en témoignent le remontage des barrages après le passage du convoi. 

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Dimanche quatre présidents de régions d’outre-mer (Réunion, Guadeloupe, Martinique et Guyane) ont appelé au “retrait immédiat” de la réforme. Paraphé par près d'une vingtaine de parlementaires représentant des territoires ultramarins, mais aussi la Polynésie française, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le texte estime que "la réponse sécuritaire (...) n'apporte pas de solution". "Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile” mettent-ils en garde. 

Mais pour l’heure, l’exécutif ne semble pas vouloir céder : Emmanuel Macron devrait convoquer le Congrès à la mi-juin pour faire adopter définitivement le texte.