Fil d'Ariane
Cette table ronde sur l’université de demain a réuni cinq personnes, sous la présidence de Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie. Devant des dizaines de personnes, et avec une allocution d’ouverture prononcée par la Secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, les cinq participants ont présenté leur vision de l’Université de demain, ses caractéristiques et ses défis.
Le défi du financement
Un premier constat tout d’abord : de quelque 100 millions qu’ils étaient au tournant du 21ème siècle, il y a maintenant 200 millions d’étudiants dans le monde, et cette croissance est loin d’être terminée. S’il faut se réjouir que de plus en plus de jeunes aient accès à un enseignement supérieur, les moyens mis à la disposition des universités n’ont pas augmenté en conséquence. Résultat : la majorité des universités dans le monde souffrent d’un sous-financement chronique, et elles peuvent difficilement aller chercher davantage de financement public. C’est donc le premier défi qu’elles doivent relever : assurer leur financement, notamment via, bien sûr, les droits de scolarité mais aussi la philanthropie, autrement dit le financement privé auprès d’anciens étudiants ou d’organismes ou d’entreprises privées.
Si ce mode de financement est courant pour les universités anglophones, qui gardent avec leurs ex-étudiants des liens étroits et réussissent à organiser des campagnes de financement lucratives, cette culture est beaucoup moins développée au sein des universités francophones. « Cela va demander des changements importants dans la stratégie de communication des universités car il y a encore beaucoup de résistance au niveau de la philanthropie, a précisé Michel Patry, président du Conseil d’administration, bureau de coopération interuniversitaire du Québec. Les universités devront chercher des niches et des spécialisations afin de s’assurer d’un meilleurs positionnement stratégique ». Les cinq panélistes se sont tous entendus pour dire que le financement de l’université de demain est l’un de ses plus gros défis.
S’adapter aux nouvelles technologies
L’autre grand défi, c’est de s’adapter aux nouvelles technologies qui ont changé nos vies au cours des dernières années. Les téléphones intelligents devenus monnaie courante, les réseaux sociaux et tous ces applications de communication comme Skype ou Facetime, le développement de ces nouvelles technologies a ouvert la porte à une communication à la grandeur de la planète ou presque. Et fait en sorte que le cours magistral donné dans l’amphithéâtre d’une grande université par un professeur émérite peut être retransmis partout dans le monde ! Autant dire que cela change la perspective de l’enseignement. Les universités doivent donc acquérir et profiter de ces nouvelles technologies, et cela a un impact certain sur les enseignants, leur formation, et les programmes offerts. « Il faut aller plus loin que la formation à distance, il faut revoir la tâche de l’enseignant » croit Michel Patry. « La révolution numérique a fait exploser toutes les références que l'on avait » a souligné de son côté le recteur de l’AUF. Dans ce domaine, il semble qu’il y ait encore beaucoup de progrès à faire pour les universités, surtout celles du continent africain, comme l’a fait remarquer le professeur Étienne Ehilé, le secrétaire général de l’Association des universités africaines, « l’utilisation de ces nouvelles technologies doit être généralisée, pas juste au niveau des universités ».
Rester autonomes...
Les cinq panélistes de cette table ronde ont également clamé d’une seule voix que les universités devaient garder leur autonomie par rapport au pouvoir politique qui pouvait parfois avoir tendance à vouloir prendre leur contrôle. « Les universités doivent préserver leur autonomie et leur liberté de penser » a déclaré Roberto Escalante, le secrétaire général de l’Union des universités d’Amérique latine et de la Caraïbe. L’université de demain devra aussi veiller à avoir une bonne gouvernance.
Et être solidaires !
Beaucoup d’universités sont concurrentes, mais le recteur de l’AUF Jean-Paul de Gaudemar croit qu’elles doivent plus que jamais rester solidaires et poursuivre leur collaboration et leur partenariat via justement des organismes comme l’Agence universitaire de la Francophonie. L’AUF a d’ailleurs signé à la fin de cette table ronde un accord-cadre de collaboration avec l’Organisation Universitaire Interaméricaine qui rassemble les grandes universités nord-américaines. De son côté, le professeur Éhilé s’est félicité que la collaboration entre les universités commence aussi à se faire entre des institutions de l’hémisphère sud, et pas juste du nord vers le sud, et il aimerait que cette collaboration se développe. Et le développement de ces partenariats pourra peut-être aider les universités du monde arabe à lutter contre une problématique que Sultan Abu Orabi, secrétaire général de l’Association des universités arabes, a déploré : l’exode des cerveaux. Il a souligné que c’était l’un des gros défis que devaient relever les universités dans le monde arabe. « Nous devons travailler ensemble » a martelé Sultan Abu Orabi. C’est le message clair qui est sorti de cette table ronde afin que l’université de demain s’épanouisse sur tous les continents et continue de remplir la mission qu’elle a toujours eue : offrir un enseignement de qualité et adapté à son environnement au plus grand nombre d’étudiants possibles.