Fil d'Ariane
Ce n'est pas une rupture dans la politique africaine de la France que le président Macron vient annoncer dans son discours de l'Elysée du 27 février. Au contraire, le chef de l'Etat s'inscrit d'emblée à la suite du discours de Ouagadougou, prononcé en 2017 devant des centaines d'étudiants, qui devait marquer la fin de la Françafrique.
(Re)voir : Video : Emmanuel Macron revendique une rupture avec la Françafrique à Ouagadougou
En amont d'une tournée en Afrique centrale du 1er au 5 mars au Gabon, en Angola, au Congo et en RD Congo, le président Macron a choisi un format totalement différent pour ce discours de l'Elysée, devant des représentants politiques, diplomatiques, militaires, mais aussi des entrepreneurs, des membres de la société civile et des journalistes.
Le mot clé de son discours figure dans l'intitulé de ce rendez-vous : "le partenariat Afrique -France" qu'il décline sur plusieurs plans.
EN DIRECT | Le partenariat Afrique-France : suivez la conférence de presse du Président @EmmanuelMacron. https://t.co/4GDMZzTIuO
— Élysée (@Elysee) February 27, 2023
Sur le plan militaire, le président annonce que les bases françaises sur le continent seront désormais en co-gestion avec les pays hôtes. "La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans ces bases de nos partenaires africains". Et de préciser plus tard qu'il ne s'agit ni de retrait, ni de désengagement, mais de transformation des bases, par exemple en "académie".
Le président plaide pour "un effort accru de la France en matière de formation et d'équipement" qui sera fait suivant la demande des pays africains qui exprimeront d'abord leurs besoins, notamment ceux du Golfe de Guinée.
Alors que la France a subi des revers, contrainte de mettre fin à l'opération antiterroriste Barkhane et au retrait des forces au Mali puis au Burkina Faso, le président prône "l'humilité" et refuse la compétition sur ce terrain-là. "Beaucoup voudraient nous inciter à entrer dans une compétition, que je considère pour ma part comme anachronique (...), affirme-t-il. Certains arrivent avec leurs armées et leurs mercenaires ici et là", a-t-il déclaré dans une allusion à peine voilée à la Russie et au groupe de mercenaires russe Wagner, proche du Kremlin et déployé notamment en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s'en défende.
Interrogé par un journaliste, le président dresse une analyse sévère de la société Wagner, "un groupe criminel" dont l'objectif est de "protéger les régimes défaillants ou putschistes", déclare le président. "Notre rôle est d'apporter une solution crédible", avec comme conviction que ceux qui ont choisi Wagner vont s'en lasser.
Le président français Emmanuel Macron a jugé lundi que la France avait "malgré elle" assumé "une responsabilité exorbitante" en une décennie d'engagement militaire au Mali, et annoncé la fin de "la prééminence du sécuritaire" dans la relation avec l'Afrique.
L'engagement français dans la lutte antijihadiste au Sahel "restera une immense fierté partagée avec les alliés qui nous ont rejoints", a déclaré M. Macron, évoquant "la chronique de notre dernière décennie d'engagement au Mali, au prix du sacrifice ultime".
Mais "ce n'était pas le rôle de la France d'apporter, seule, des réponses politiques qui devaient prendre le relais de la réponse militaire", a-t-il dit. "Nous avons malgré nous assumé une responsabilité exorbitante" au Mali, qui a donné des arguments aux opposants et permis que la France devienne "le bouc émissaire idéal", a-t-il poursuivi.
Le président plaide pour passer d'une "logique d'aide à une logique d'investissement solidaire et de partenariat".
Selon le président Macron, la France a "soutenu l'entrepreunariat africain en y consacrant plus de 3 milliards d'euros entre 2019 et 2022, au travers de l'initiative Choose Africa". Cet effort sera poursuivi à travers le programme Choose Africa 2, en particulier en matière de culture, d'agriculture et de digital.
Sur le plan économique, il appelle à "un réveil collectif" avec une forte implication des entrepreneurs et grands groupes français. "Nous avons trop souvent une logique de rente dans notre rapport avec le continent africain".
Pour le président, "l'Afrique est une terre de compétition" économique. "C'est les patrons qui doivent y aller quand il y a un grand contrat".
Emmanuel Macron a aussi annoncé "une loi cadre" pour "procéder à de nouvelles restitutions" d'œuvres d'art "au profit des pays africains qui le demandent".
Cette loi "sera proposée dans les prochaines semaines par la ministre de la Culture à notre Parlement" et "permettra de fixer la méthodologie et les critères pour procéder" à ces restitutions, "reposant sur un partenariat culturel et scientifique pour accueillir et conserver ces œuvres", a-t-il poursuivi.
Il a indiqué souhaiter "que cette démarche puisse s'inscrire dans une dynamique plus large et également une dynamique européenne".
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Le président Macron a déclaré qu'il continuerait à "avancer" pour renforcer la relation de la France avec l'Algérie comme avec le Maroc, au-delà des "polémiques" actuelles et des tensions entre ces deux pays.
Les relations de la France avec les deux voisins rivaux du Maghreb traversent actuellement certaines difficultés, le président français a voulu les désamorcer.
Avec le Maroc, "ma volonté est vraiment d’avancer. Le roi le sait, nous avons eu plusieurs discussions, il y a des relations personnelles qui sont amicales", a-t-il souligné.
"Il y a, après, toujours des gens qui essaient de monter en épingle des péripéties, des scandales au Parlement européen, des sujets d’écoute qui ont été révélés par la presse".
"Est-ce que c’est le fait du gouvernement de la France ? Non ! Est-ce que la France a jeté de l’huile sur le feu ? Non ! Il faut avancer malgré ces polémiques", a affirmé le président.
Concernant l'Algérie, Macron sait "pouvoir compter sur l’amitié et l'engagement du président (algérien Abdelmadjid) Tebboune. Nous avancerons là aussi", a poursuivi le chef de l'Etat.
"Il y a eu une polémique sur le retour en France d'une Franco-algérienne depuis la Tunisie, avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées et un discours qui s’est construit", a-t-il estimé.
"Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l'Algérie n’aboutisse pas", a-t-il souligné sans aller plus loin.
Interrogé par un journaliste congolais sur la situation à l'Est de la République démocratique du Congo, le président Macron a dénoncé "une régression inacceptable", alors que les combats font rage entre l'armée congolaise et les rebelles du M23, une rébellion majoritairement tutsi.
"L'offensive en cours de la milice M23 est une guerre qui nous ramène dix ans en arrière, elle a des conséquences terribles pour la population", a déclaré le chef de l'Etat à la veille d'un déplacement à partir de mercredi en Afrique centrale, dont la RDC.
La rébellion majoritairement tutsi du M23, restée en sommeil pendant près de dix ans, a repris les armes fin 2021 et s'est emparée depuis de vastes pans de territoire de l'est de la RDC. Kinshasa accuse le Rwanda de la soutenir, ce qui a été corroboré par des experts de l'ONU, mais Kigali s'en défend.
"L'unité, la souveraineté, l'intégrité territoriale du Congo ne se discutent pas", a martelé le président français, sans se prononcer sur la responsabilité du Rwanda.
"La première urgence est humanitaire et nous y travaillons avec nos partenaires européens", a poursuivi M. Macron, se disant "convaincu que la réponse doit être collective".