Nouvelle-Calédonie : pourquoi la révision constitutionnelle est contestée ?

Depuis la nuit du 13 au 14 mai, la Nouvelle-Calédonie est le théâtre de violences et de pillages. Trois personnes sont mortes depuis le début des violences. Emmanuel Macron demande à déclarer l'État d'urgence. Ces violences interviennent alors que l’Assemblée nationale française vote sur la révision constitutionnelle. Pourquoi cette révision attise les tensions ?

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Violences NC

La Nouvelle-Calédonie est en proie à des violences en marge de la mobilisation contre la révision consitutionnelle.

Capture d'écran AFPTV
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Magasins pillés, maisons incendiées, tirs sur les gendarmes. La violence se déchaîne depuis la nuit du 13 au 14 mai dans plusieurs villes de Nouvelle-Calédonie. Trois personnes sont mortes dans la nuit du 14 au 15 mai et des centaines d'autres ont été blessées. Ce sont les plus graves émeutes sur ce territoire français du Pacifique depuis celles survenues dans les années 1980.

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"On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", déclare Louis Le Franc, Haut-commissaire de la Répubique. Un couvre-feu a été déclaré la nuit prochaine dans l’agglomération de Nouméa. Le représentant de l’État, dans l’archipel français du Pacifique sud, rapporte également des "échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile à Nouméa et Paita". Il indique avoir fait intervenir les policiers d'élite du RAID pour empêcher un groupe d'émeutiers qui se dirigeait vers un dépôt de gaz.

Le président français Emmanuel Macron demande au gouvernement de déclarer l'état d'urgence. "Toutes les violences sont intolérables et feront l'objet d’une réponse implacable pour assurer le retour de l'ordre républicain", ajoute la présidence à l'issue d'un conseil de défense et de sécurité nationale. Le chef de l'État a donc "demandé que le décret visant à déclarer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie soit inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres qui se réunira à 16H30", précise-t-elle.

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Les premières altercations ont débuté dans la journée du 13 mai, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle. Celle-ci, examinée par les députés de l’Assemblée nationale à Paris, vise à élargir le corps électoral pour les élections provinciales, cruciales sur le Caillou. 

Pourquoi l’élargissement du corps électoral pose problème ?

La Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’Outre-mer à statut particulier. De ce fait, l’archipel possède ses propres institutions. L’État garde toutefois la main sur certaines compétences, comme la Défense. Conformément à l'article 77 de la Constitution, le corps électoral des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie est gelé.

Il se limite essentiellement aux électeurs inscrits sur les listes lors du référendum d'autodétermination de 1998 et à leurs descendants. La Nouvelle-Calédonie compte trois provinces. Et chaque province a son assemblée et son exécutif.

De fait, les résidents arrivés après 1998 et les nombreux natifs du territoire en sont exclus. Cela représente près d’un électeur sur cinq. Les trois provinces exercent de nombreuses compétences transférées par l’État français. C'est le cas, par exemple, de l’enseignement primaire public ou du développement rural et maritime. Ces élections sont donc cruciales. 

On n'est pas du tout dans un projet provocateur.

Sonia Backès, présidente de la Province Sud de Nouvelle-Calédonie

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Historiquement, deux camps s'opposent. Il y a celui des non-indépendantistes, favorables à la réforme constitutionnelle. Sonia Backès, principale figure du camp loyaliste et présidente de la Province Sud défend cette réforme. Selon elle, “on n'est pas du tout dans un projet provocateur". "Aujourd'hui les indépendantistes font 16% de voix de moins que nous et ils ont un siège de plus, ce qui fait qu'ils dirigent les institutions bien qu’ils soient minoritaires", affirme-t-elle.

Il ne faut pas fermer les yeux devant ce qui se passe.

Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe UC-FLNKS au Congrès de Nouvelle-Calédonie

Face à eux, il y a le camp des indépendantistes. Pour eux, cette réforme représente un passage en force de l'État pour "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak", qui représentait 41,2% de la population de l'île lors du recensement de 2019, contre 40,3% dix ans plus tôt.  

Il ne faut pas fermer les yeux devant ce qui se passe," estime Pierre-Chanel Tutugoro, président du groupe indépendantiste UC-FLNKS au Congrès de Nouvelle-Calédonie, interrogé par Nouvelle-Calédonie la 1ère. Il ajoute : “On demande à tout le monde de lever le pied.”

Le vote sur la réforme maintenu

La conférence des présidents de l'Assemblée nationale a décidé, ce 14 mai, que le vote sur le projet de réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie resterait à l'ordre du jour de la journée, malgré la vague de violences dans l'archipel. les députés ont adopté dans la nuit du 14 au 15 mai par 351 voix contre 153 le texte qui élargit le corps électoral. La réforme constitutionnelle devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.

Des groupes d'oppositions plaidaient pour un report au lendemain, voire un retrait du texte. Mais l'institution, qui réunit notamment les présidents de groupes parlementaires et de commissions, a décidé que le vote aurait lieu dès la fin de l'examen des 99 amendements restants, portés par la gauche et essentiellement LFI.

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Dans un courrier adressé le 14 mai aux représentants calédoniens condamnant des violences "indigne(s)" et appelant au "calme", Emmanuel Macron précise que ce Congrès se réunirait "avant la fin juin", à moins qu'indépendantistes et loyalistes ne se mettent d'accord d'ici là sur un texte plus global. Il veut laisser une dernière chance aux discussions entre les parties prenantes locales en vue d'un accord institutionnel global.