Fil d'Ariane
La crise n'a pas l'ampleur de celle de la vache folle, mais chaque jour apporte son lot de nouvelles révélations. L'histoire débute le 20 juillet, jour où la Belgique notifie officiellement la Commission européenne de la présence de fipronil dans des oeufs, une molécule toxique "à la dangerosité modérée" pour l'homme selon Organisation Mondiale pour la Santé (OMS). Quelques jours plus tard, les Pays-Bas et l'Allemagne notifient à leur tour la Comission en utilisant le système d'alerte européen mis en place en cas de risque pour la santé des consommateurs. Mais c'est seulement début août que les autorités nationales commencent à communiquer auprès du public.
La substance aurait été introduite dans des centaines d'élevages lors d'un traitement contre le pou rouge, un parasite très néfaste pour les poules pondeuses.
Le fipronil est présent dans de nombreux produits antiparasitaires pour les animaux de compagnie et dans des produits à usage domestique contre les infestations. Cet insecticide agit en perturbant la transmission de l'influx nerveux : les insectes touchés meurent d'hyper excitation. Il est également utilisée par des agriculteurs dans certains pays européens.
Son utilisation est en revanche interdite dans l'Union européenne pour l'élevage destiné à la consommation humaine, tel que les poules et leurs oeufs.
Le fipronil est considéré comme "modérément toxique" pour l'homme par l'OMS, mais ingéré en grandes quantités il est peut être dangereux pour les reins, le foie et la thyroïde.
Le niveau de dangerosité du fipronil n’est pas clairement établi, mais il existe un seuil européen en la matière. Les premiers résultats des analyses effectuées sur des oeufs semblent rassurants : les taux ne dépassent pas le seuil autorisé. Mais une contre-expertise, effectuée dans un élevage en Belgique, révèle un taux douze fois plus élevé, bien au-delà des limites sanitaires. Ces oeufs auraient été bloqués et ne devraient pas avoir atteint le consommateur. Selon Alfred Bernard, professeur en toxicologie cité par la RTBF, dans la crise actuelle le risque reste peu élevé, il faudrait consommer des oeufs contaminés en grande quantité ou pendant plusieurs mois pour sentir des effets sur la santé.
Depuis le début du scandale, la Belgique et les Pays-Bas se renvoient la balle quant à leur responsabilité dans l'affaire. Les autorités néerlandaises accusent la Belgique constitue d'être le probable point de départ de la contamination. Le ton monte mercredi 9 août, quand le ministre de l'Agriculture belge accuse son voisin d'avoir été au courant de la présence de fipronil dans les oeufs depuis novembre 2016.
Au coeur de la tourmente, deux entreprises, l'une belge, l'autre néerlandaise : en Belgique, Poultry-Vision fait l'objet d'une enquête, l'entreprise est soupçonnée par la justice d'avoir intégré du fipronil dans un insecticide destiné aux volailles. Autre enquête aux Pays-Bas : Chickfriend aurait pour sa part acheté délibérement ce produit en sachant ce qu'il contenait. C'est-à-dire du fipronil, qui se serait ensuite retrouvé dans des oeufs néerlandais.
Jeudi 10 août, l'enquête s'est accélérée dans les deux pays. En Belgique, 11 perquisitions ont été menées. Aux Pays-Bas, deux dirigeants "de l'entreprise qui a probablement appliqué le produit dans les élevages avicoles" ont été arrêtés, selon le parquet, qui ne révèle pas de nom. Le gouvernement belge tente de gérer la crise politique. Pour le ministre wallon de l'agriculture René Collin, l'agence fédérale pour la sécurité alimentaire, l'AFSCA, aurait trop tardé à prévenir les autorités compétentes.
En attendant que les enquêtes progressent dans les pays concernés, 180 exploitations sont à l'arrêt aux Pays-Bas et une cinquantaine en Belgique, soit près du quart des exploitations avicoles du pays. Les pertes atteindraient déjà des millions d'euros : certains agriculteurs seraient même menacés de faillite, devant le coût et l'ampleur des mesures à mettre en place pour endiguer la contamination. Aux Pays-Bas, 300 000 poules pondeuses ont déjà été abattues, un sort que pourraient connaître plusieurs millions d'autres animaux. Ce choix est généralement économique : les poules pourraient être soignées en 2 à 3 mois, mais le coût des soins auquel s'ajoute la suspension des rentrées d'argent pourraient pousser de nombreux agriculteurs à abattre leurs volailles.
Désormais, une autre question se pose : le fipronil a-t-il également contaminé la viande de poulet ? Des analyses sont actuellement menées aux Pays-Bas, même si les risques de contamination de la viande sont faibles. Autre crainte : le fipronil résiste aux fortes températures et à la cuisson, des produits à base d'oeufs pourraient également être des foyers de contamination. Le scandale n'en est peut-être encore qu'à ses débuts.