OGM interdits : des tonnes de compléments alimentaires pour animaux en circulation en Europe

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Aliments animaux
Aliments pour animaux. (Photo : APimages/Fotolia)
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Des OGM, contenus dans de l'alimentation animale sont en circulation dans plusieurs pays européens. Ces micro-organismes génétiquement modifiés comportent des risques pour la santé animale et humaine. Connus depuis 2015, ils ont été interdits dans l'Union seulement cette année et devaient être retirés du marché avant le 10 novembre, ce qui n'est pas le cas. Explications.
Depuis 2015 la souche génétiquement modifiée d’une bactérie, la "Bacillus subtilis KCCM-10445", présente dans la vitamine B2 a été détectée par un laboratoire allemand. Ce micro-organisme génétiquement modifié, ajoutée aux aliments des animaux d'élevage, est fabriqué en Chine et il pose un gros problème : il est résistant aux antibiotiques. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mis 3 ans avant de rendre son verdict sur cet OGM, comme l'indique L'article du quotidien français Le Monde publié ce 22 novembre 2018 à ce sujet : "La vitamine présente un "risque" à la fois pour "les animaux, les consommateurs, les utilisateurs et l’environnement". En cause, "la propagation de cellules génétiquement modifiées viables contenant [quatre] gènes de résistance à des antibiotiques importants du point de vue de la santé humaine et vétérinaire". A partir de cet avis négatif, la Commission européenne a décidé de faire retirer du marché  ce complément alimentaire avant le 10 novembre 2018. Seul hic : les stocks de cette vitamine sont disséminés un peu partout dans l'Union et en quantité importante. 

Antibiorésistance introduite dans les gènes…

8 tonnes de la vitamine B2 produites à partir de la bactérie "Bacillus subtilis KCCM-10445" ont été distribuées en Pologne, en Italie et aux Pays-Bas entre avril et juin de cette année. Cette quantité peut sembler mineure mais en réalité "elle permet de constituer plusieurs centaines de tonnes de prémélanges eux-mêmes incorporés dans des centaines de milliers de tonnes d'aliments, pouvant alimenter des centaines de milliers, voire des millions d'animaux", selon un expert resté anonyme et interrogé par Le Monde

Au-delà de la lenteur des autorités à s'inquiéter des effets néfastes sur la santé que cet OGM peut avoir — 3 ans entre la découverte du laboratoire allemand et la demande de retrait — , doublée d'une traçabilité qui semble très légère, les procédés utilisés sont très inquiétants. En effet, la bactérie incriminée est résistante aux antibiotiques non pas par accident, mais au contraire "par l'introduction volontaire de gènes d’antibiorésistance 'prêts à l’emploi' et facilement captables par des bactéries", toujours selon l'expert, qui précise : "Le fait que tant d’animaux soient exposés augmente la probabilité qu’une bactérie pathogène naturellement présente chez eux capte ces gènes, et qu’un humain ayant consommé ces denrées qui tomberait malade ne puisse être soigné correctement."

Contamination dans la chaîne agro-industrielle 

Un porte-parole de la Commission européenne a confirmé à l'AFP que les autorités européennes sanitaires en charge de la nourriture et de l'alimentation étaient en alerte : les stockes polonais, néerlandais et italiens se sont visiblement répandus dans d'autres pays. L'Allemagne, la Norvège, la Russie, l'Islande et la France seraient touchés, et la bactérie modifiée génétiquement serait aujourd'hui dans la chaîne agro-alimentaire. Avec le risque de potentiellement toucher le consommateur humain. "Les pays membres de l'Union européenne doivent enquêter et informer les populations" a annoncé une porte-parole de la Commission.

Les différents interlocuteurs sollicités par l'AFP n'ont pas encore répondu pour l'heure, mais c'est le système d'évaluation des risques alimentaires qui risque d'être mis sous les projecteurs, comme le Monde le souligne : 


[Cette affaire] met aussi en lumière les limites auxquelles se heurte le système d’évaluation des risques. Il s’appuie sur les informations fournies par les industriels. La demande d’autorisation de la vitamine B2 produite par Bacillus subtilis a été présentée en 2010 par un consortium européen, le bien nommé Vitamin Authorisation Consortium (Vitac). Il représente les intérêts de l’industrie des additifs en nutrition animale et regroupe des compagnies comme Trouw Nutrition, BASF ou Ajinomoto, l’entreprise japonaise épinglée en février dans la production d’OGM interdits.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments n'avait rien trouvé à redire en 2013 à la mise sur le marché de la vitamine B2 explique Le Monde. Un comble pour une institution censée protéger les populations contre les problèmes liés à l'alimentation, puisque sans les analyses et découvertes des micro-organismes génétiquement modifiés par le laboratoire allemand, cet OGM antibiorésistant continuerait de se propager dans la nourriture animale… et humaine.