Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas demandait ce jeudi le statut d’État observateur non-membre de l'ONU lors de l'Assemblée générale. Cette requête intervenait plus d'un an après avoir réclamé la reconnaissance de l'indépendance de son État par le Conseil de sécurité. Une décision qui déplait aux États-Unis et à Israël prêts à lui faire obstacle. Analyse de notre rédaction et d'Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique.
“Si la Palestine fait marche arrière, elle va signer son arrêt de mort“
Alain Gresh
Après avoir tenté de devenir membre permanent de l’ONU, pourquoi l’Autorité palestinienne essaye aujourd’hui d’obtenir le statut de simple observateur ? Pour devenir membre à part entière des Nations Unies, il fallait obtenir neuf voix au Conseil de Sécurité pour qu’il y ait un vote. Même s’ils avaient obtenu un vote ils auraient certainement eu un veto américain. Mais ils n’ont pas obtenu les neuf votes entre autres parce que la France a refusé de voter pour leur admission. Donc aujourd’hui, ils n’ont pas d’autres choix que de se présenter devant l’Assemblée générale et là ils sont sûrs d’obtenir la majorité. Mais ils n’auront qu’un statut de membre associé comme le Vatican ou la Suisse il y a encore quelques années. [voir notre encadré, ndlr] Pourtant la Palestine a déjà la qualité d’invité au sein de l’ONU… En 1974 l’Organisation de Libération de la Palestine et ensuite la Palestine avait eu un statut d’invité. Après les accords d’Oslo, l’OLP a été changée en Palestine. Mais là c’est autre chose. En étant membre associé de l’ONU comme le Vatican [voir notre encadré, ndlr], ils peuvent faire acte de candidature dans tous les organismes qui dépendent des Nations Unies. Ils sont déjà membres de l’UNESCO (voir notre encadré, ndlr), ils peuvent demain devenir membre de la Cour pénale internationale (CPI), de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et de beaucoup d’autres organismes. Qu’est-ce que ce statut d’État non-membre va donc concrètement changer pour la Palestine ? Ça leur donne effectivement des capacités d’actions supplémentaires. A la Cour pénale internationale (CPI), ils peuvent demander l’inculpation de dirigeants israéliens devant cette cour pour crime de guerre. Dans un des dernier discours de Mahmoud Abbas, il a mis en cause la politique de colonisation d’Israël dans les territoires occupés qu’il a qualifié de politique d’apartheid. Pour la CPI, installer des colons sur une territoire occupé, ce que fait Israël [qui n'a pas ratifié le traité de la CPI, ndlr] en Cisjordanie, est un crime de guerre. Donc ils pourraient obtenir l’inculpation de Netanyahou ou d’autres dirigeants israéliens pour crime de guerre. Il y a deux dimensions. Il y a une dimension symbolique même si ça ne changera rien sur le terrain parce que la politique de colonisation et d’annexion menée par Israël continue mais ce serait quand même une victoire politique. Et puis il y a des choses concrètes que l’Autorité palestinienne pourrait faire. A partir du moment où ils acceptent de s’en servir, ça leur donne des instruments importants qui amèneraient sûrement une rupture avec les États-Unis. Depuis un an, ce sont les pressions des Américains qui les ont retenus de faire acte de candidature.
Mahmoud Abbas et Ban Ki-Moon
Quelles sanctions peuvent mettre en place les États-Unis pour les dissuader ? Ils n’ont que des moyens de pression sur l’Autorité palestinienne. Ils ne peuvent pas empêcher le vote aux Nations Unies, ils ne peuvent pas empêcher une large majorité en faveur de l’adhésion. Ils peuvent continuer à faire pression sur l’Autorité palestinienne en leur disant "n’y allez pas, attendez les élections israéliennes, après on va relancer les négociations"… ce qu’ils disent depuis des années. Il peut y avoir des sanctions économiques car le Congrès américain risque de suspendre cette aide accordée à l’Autorité palestinienne. [Les États-Unis n’ont versé aucune aide directe à l’Autorité palestinienne en 2012, ndlr] Il y a le fait que le gouvernement israélien prendra des mesures de sanctions contre l’Autorité palestinienne sans que les Américains ne fassent obstacle. Mais ce qui inquiète les Palestiniens, c’est que les États-Unis se retirent du jeu politique et diplomatique dans la région. Même si cela fait des années qu’ils ne s’impliquent pas et donc en fait, à mon sens, cela n’aura pas beaucoup de conséquences. L’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas en particulier a basé toute sa stratégie sur l’alliance avec les États-Unis et l’idée que États-Unis allaient faire pression sur Israël. C’est à mon avis une illusion totale mais est-ce que l’Autorité palestinienne est prête à assumer une rupture ou une distanciation avec les États-Unis, ce n’est pas sûr du tout … Qu’en est-il d’Israël ? En général ce sont des sanctions financières. Israël perçoit des droits de douanes qui reviennent aux Palestiniens et qui, d’après les accords signés après Oslo, doivent les reverser à l’Autorité palestinienne. Mais ils refusent régulièrement de les verser. Ils peuvent boucler les territoires aussi. Ils ont beaucoup de moyens d’actions. Mais les Israéliens sont devant des contradictions. En fait, ils ont besoin de l’Autorité palestinienne. Israël gère l’occupation, elle préfère que ce soit à travers l’Autorité palestinienne qu’elle directement. Ils sont dans une contradiction mais ils n’ont pas intérêt à voir cette Autorité s’effondrer.
La Palestine et l'ONU
Le Vatican est un État non membre auquel a été adressée une invitation permanente à participer en qualité d’observateur aux sessions et aux travaux de l’Assemblée générale et ayant une mission permanente d’observation au Siège de l’ONU. L'Autorité palestinienne est considérée comme "Entités auxquelles a été adressée une invitation permanente à participer en qualité d’observateurs aux sessions et aux travaux de l’Assemblée générale et ayant un bureau permanent au Siège de l’ONU"
Devenir pays membre de l'ONU
L'ONU ne peut pas reconnaître un État mais l'admettre dans ses rangs. Ils sont 193 pays à faire partie de l'organisation aujourd'hui. Pour devenir membre permanent, les pays doivent accepter la charte de l'ONU et déposer une demande soumise au vote du Conseil de sécurité. Si neuf membres du conseil l'accepte sauf veto de l'un de membres, la demande passe devant l'Assemblée générale. La position d'observateur permanent peut être accordée à des États ou à des organisations . Sans pouvoir voter, ils peuvent assister aux réunions de l'Assemblée générale. Le Saint-Siège et peut-être bientôt la Palestine, est le seul État à bénéficier de ce statut.
La Palestine à l'UNESCO
Le 31 octobre 2011, la Palestine est passé du statut de simple observateur à celui de 195e membre de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Après l'annonce de l'entrée de l'Autorité palestinienne à l'UNESCO, les États-Unis ont suspendu leurs subventions à l'Unesco alors qu'ils s'apprêtaient à verser 60 millions de dollars à l'organisation onusienne en novembre. Leur contribution représente 22 % du budget de l'ONU. Selon le départememt d'État américain, deux lois américaines du début des années 1990 interdisent le financement d'une agence spécialisée des Nations unies qui accepterait les Palestiniens en tant qu'État membre à part entière, en l'absence d'accord de paix avec Israël.