Optimisation fiscale : les banques françaises la main dans le sac

Plusieurs organisations non-gouvernementales pointent, dans une étude commune menée à partir de données officielles, la stratégie d'optimisation fiscale menée par les cinq plus grandes banques françaises.
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Luxembourg
Parmi les lieux préférés des banques, Luxembourg .
(photo touristique)
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En dépit de leurs proclamations vertueuses et des incantations rituelles des pouvoirs politiques successifs, les banques françaises continuent de pratiquer largement l'optimisation fiscale, profitant plus que jamais de la bienveillance des paradis fiscaux. Telle est la principale conclusion d'une étude inédite - fondée sur des données officielles - de trois organisations non-gouvernementales peu gauchisantes (CCFD-Terre solidaire, Oxfam-France et Secours catholique-Caritas France) avec le réseau anti-corruption « Plateforme paradis fiscaux et judiciaires ».

Rappelant au passage que la France perd chaque année entre 40 et 60 milliards de recettes fiscales (l'équivalent de son budget d'éducation nationale, vingt fois celui de l’État malien), le rapport révèle qu'à elles seules, cinq banques françaises ont dégagé près de 5 milliards d'euros de bénéfices en 2015 dans des pays « à fiscalité avantageuses » : BNP-Paribas – loin devant avec la moitié en valeur absolue -, Société générale, Banque populaire-Caisse d'épargne, Crédit agricole, Crédit mutuel-CIC, ce dernier y déclarant … près de la moitié de ses bénéfices.

Eden

Sous le terme de « paradis fiscaux, judiciaires et règlementaire » (PFJ) les rapporteurs désignent des pays en réalité loin des palmiers qui, sans figurer sur les listes noires de l'OCDE ou de l'Union européenne proposent pour accueillir capitaux et bénéfices (mais peu d’activité) des taux d'impositions très bas assortis de législations particulièrement bienveillantes. « La définition des paradis fiscaux retenue par les ONG ne s'appuie sur aucune référence officielle », se défend la Fédération française des banques. Certaines terres n’en sont pas moins appréciées pour d’autre motif que leur ensoleillement.

Selon les données recueillies, la destination privilégiée des établissements étudiés parmi les pays à la fiscalité avantageuse est le Luxembourg, où ils ont enregistré plus d'1,7 milliard d'euros de bénéfices. Suivent en Europe, la Belgique (1,66 milliard), l'Irlande(272 millions), et les Pays-Bas (189 millions), et en Asie Hong-Kong (436 millions) et Singapour (346 millions).

Sur-productivité

« A l'international, alors que les banques françaises réalisent un tiers de leurs bénéfices dans ces pays, ceux-ci ne représentent qu'un quart de leurs activités internationales déclarées, qu'un cinquième de leurs impôts et seulement un sixième de leurs employés », relève le rapport. « Les activités des cinq banques françaises y sont 60% plus lucratives » que dans le reste du monde et les salariés y « sont en moyenne 2,6 fois plus productifs », note-t-il plaisamment.

Si le talent en la matière des grands opérateurs financiers tricolores – et, n’en doutons pas, des autres – n’est pas une immense surprise, on manquait jusqu’alors de preuves tangibles de la persistance de leurs pratiques. C’est une loi bancaire de 2013 obligeant les établissements français à rendre publiques des informations essentielles sur leurs activités et les impôts qu'ils paient dans tous les pays où ils sont implantées qui a rendu possible l’étude.

Celle-ci remarque qu'outre leur fonction d’abri, les « pays avantageux » présentent aussi la caractéristique de laboratoires discrets, voire de rampes de lancement des futures catastrophes. « Les activités les plus risquées et spéculatives sont toujours situés dans les paradis fiscaux», observe le rapport. « Rien, concluent sombrement ses auteurs, ne semble avoir changé depuis la crise financière de 2008 » .