Fil d'Ariane
La visite entamée vendredi 29 janvier par les experts de l'OMS est ultra-sensible politiquement pour la Chine. Pékin est en effet accusé d'avoir tardé à réagir face aux premiers cas de Covid signalés fin 2019 dans l'immense métropole du centre de la Chine.
Le pouvoir communiste est quasi-muet sur le sujet et Pékin minimise la portée de la mission des spécialistes étrangers : "Ce n'est pas une enquête", a affirmé vendredi 29 janvier un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, refusant que son pays soit pointé du doigt.Pékin a mal pris cet avertissement, rejetant "une ingérence politique" qui risque de mettre en danger "la recherche de résultats scientifiques sérieux".
Ce dimanche, les experts n'ont répondu à aucune question à leur arrivée au marché Huanan de Wuhan, premier foyer connu de l'épidémie (journalistes de l'AFP sur place). Des membres des services de sécurité ont intimé aux journalistes présents aux environs de s'en aller.
Le quotidien nationaliste Global Times a publié il y a quelques jours un article relativisant l'importance de ce marché dans l'origine de la pandémie, en affirmant que des "investigations" suggéraient qu'il n'était pas la source de l'épidémie.
Ce 31 janvier, le journal enfonçait le clou, en écrivant: "la possibilité que le coronavirus soit arrivé par des produits de la chaîne du froid à Wuhan, ou de façon plus spécifique, au marché de Huanan (...) ne peut pas être exclue".
Les responsables chinois avaient initialement identifié les animaux sauvages vendus au marché de Huanan comme la source probable de l'épidémie, au point d'agir en réponse contre le commerce des animaux exotiques.
Mais depuis, les médias officiels jugent que le virus est probablement né ailleurs, avançant que la maladie aurait pu être importée à Wuhan.
Il n'y a aucune certitude scientifique sur la question de l'origine et il se peut qu'elle ne soit pas partie du marché de Huanan.
Les experts de l'OMS ont ensuite visité le gigantesque marché de gros de Baishazhou.
Sortis jeudi de 14 jours de quarantaine, les enquêteurs se sont rendus samedi 30 janvier au matin, sous bonne escorte et à distance de la presse, à l'hôpital Jinyintan de Wuhan.
Cet établissement est le premier à avoir accueilli des patients atteints de ce qui n'était alors qu'un mystérieux virus, dans la ville où la pandémie de coronavirus a démarré.
La visite a été une "occasion importante pour parler directement avec les médecins qui étaient sur le terrain à ce moment critique de la lutte contre le COVID!", a commenté sur Twitter Peter Daszak, un des membres de la délégation.
2nd day on-the-ground in Wuhan meeting w/ leaders & staff at the famous Wuhan Jinyintan Hospital that treated large numbers of severe COVID cases early in the outbreak. Important opportunity to talk directly w/ medics who were on the ground at that critical time fighting COVID!
— Peter Daszak (@PeterDaszak) January 30, 2021
(Re)voir >>> Covid-19 en Chine : l'OMS démarre son enquête à Wuhan sous l'oeil de Pékin
Entaché par une gestion controversée durant les premières semaines de l'épidémie, le pouvoir communiste vante au contraire sa victoire face au coronavirus, tandis que le reste du monde apparaît comme dépassé par l'épidémie.
Si la Chine a pu limiter la contagion à moins de 90.000 cas et le nombre de décès à 4.636, selon le décompte officiel, le virus s'est répandu à la surface du globe, avec un bilan de plus de 2 millions de morts.
Une immense exposition à Wuhan à la gloire du Parti communiste rend hommage aux sauveteurs chinois, une exposition à laquelle se sont rendus les enquêteurs de l'OMS. A leur sortie, ils n'ont fait aucune déclaration à la presse.
Des dizaines de mannequins en combinaison de soignant accueillent les visiteurs, sous une mer de banderoles rouges. D'immenses portraits du président Xi Jinping dominent l'ensemble, tandis que des panneaux plus petits rendent hommage aux soignants qui ont succombé au virus. Une frise chronologique retrace les premières mesures prises par l'homme fort de Pékin pour combattre le virus.
Des lits en fer évoquent également les hôpitaux de campagne qui avaient été édifiés en quelques jours pour accueillir des milliers de malades et décharger les hôpitaux débordés par la contagion.
En effet, dès le début de la pandémie, l'établissement a fait l'objet d'hypothèses, reprises par l'administration de l'ex-président américain Donald Trump, selon lesquelles le virus aurait pu s'en échapper avant de contaminer la planète. Une théorie qui ne s'appuie pour l'instant sur rien de tangible.
Quant au succès de cette première mission, Michael Ryan, le directeur des opérations d'urgence à l'OMS reste prudent. "Je voudrais mettre tout le monde en garde : le succès dans une enquête sur une transmission de l'animal à l'homme ne se mesure pas forcément à trouver absolument une source lors de la première mission", a t-il déclarer vendredi 29 janvier lors de la conférence de presse bi-hebdomdaire de l'agence onusienne à Genève.
"Ce sont des choses compliquées et ce qu'il nous faut faire c'est rassembler toutes les données, toute l'information, résumer toutes les discussions, et arriver à jauger ce que nous avons appris de plus sur les origines de la maladie et quelles sont les études supplémentaires pour trouver la réponse", a-t-il souligné.
De plus, un fort doute subsiste toutefois sur l'intérêt des éléments que les enquêteurs seront en mesure de réunir, plus d'un an après le début de la pandémie et face à des autorités chinoises connues pour leur opacité sur les sujets polémiques.