Oscars 2020 : "Ceux qui ont été marginalisés d'un système qui a presque 100 ans ne sont pas en position de force pour pouvoir le changer"

À quelques heures de la cérémonie des Oscars 2020, les mêmes problématiques liées aux minorités reviennent. Tous les acteurs et actrices sont Blancs, à l'exception de Cyntha Erivo, et aucune femme n'a été retenue chez les réalisateurs. Malgré des réformes annoncées par l'académie des Oscars pour davantage de diversité, les choses évoluent encore timidement. Entretien avec April Reign, la créatrice du mouvement #OscarsSoWhite.
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April Reign
April Reign à l'ESSENCE Empowerment Experience au Ernest N. Morial Convention Center le vendredi 30 juin 2017 à la Nouvelle-Orléans. ©Amy Harris/Invision/AP
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TV5MONDE : Que représente le mouvement #OscarsSoWhite ?

April Reign : #OscarsSoWhite ne concerne pas seulement les visages que nous voyons à l'écran, les acteurs et les actrices. Il est également important de savoir qui raconte l'histoire ; qui est derrière la caméra ; donc le réalisateur, le directeur de la

Ava DuVernay
Ava DuVernay prend la parole au OWN: Oprah Winfrey Networky "Cherish the Day" lors du Discovery Network TCA 2020 Winter Press Tour au Langham Huntington le jeudi 16 janvier 2020, à Pasadena, en Californie.
© Willy Sanjuan/Invision/AP

photographie, les producteurs sont tout aussi importants sinon plus importants que les acteurs et les actrices. C’est encourageant car beaucoup de cinéastes, d’acteurs et actrices créent maintenant leurs propres sociétés de production et n'attendent plus les anciens studios de cinéma comme Paramount, 20th Century,Universal et d'autres pour créer l'art que nous voulons voir. Ils le font eux-mêmes. Ava DuVernay en est un exemple parfait : sa gamme de productions s'assure qu'au cinéma et à la télévision, il y a de l’inclusivité devant et derrière la caméra.

Est-ce que sur cette édition 2020, les lignes bougent ?

A.R. Chaque année, nous voyons comment #OscarsSoWhite est en tendance sur les réseaux à la fois littéralement et figurativement aux États-Unis et au niveau international. Par exemple avec les BAFTA de cette année, l'équivalent britannique des Oscars, Joaquin Phoenix a eu un discours très passionné sur le racisme systémique, l'inclusion et la diversité alors qu'il acceptait son prix pour son interprétation dans "Joker". Rien que le fait que je m’adresse à TV5MONDE, c'est une indication que des gens, pas seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier ont ces conversations sur l'inclusion et la représentation au cinéma. J'ai également échangé avec des personnes en Nouvelle-Zélande, au Brésil, littéralement tout le monde veut se reconnaître dans les écrans et comprend l'importance de la diversité et de l'inclusion dans l'industrie du divertissement.
 



#OscarsSoWhite ne concerne pas seulement la race et l'origine ethnique. Ce n'est pas quelque chose d’aussi binaire que noir contre blanc. Il s'agit également de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, du handicap, des personnes ayant le statut de Première Nation, de toutes les personnes qui ont été marginalisées de l'industrie du divertissement.

April Reign

Donc, quand nous parlons d'avancées, il est important de parler, par exemple, des femmes qui sont réalisatrices, des femmes qui sont cinéastes. On voit de petites avancées : "Hair Love" est par exemple nommé dans la catégorie du meilleur court métrage d'animation, réalisé par Matthew Cherry et produit par Karen Tolliver.
 


Autre exemple : "Saint Louis Superman" nommé dans la catégorie du meilleur court métrage documentaire, parle d'un homme noir, Bruce Frank Jr. qui était sur le terrain à Ferguson après la mort de Mike Brown. Il y a donc eu des avancées mais manifestement pas assez. Ce sont les consommateurs comme vous et moi qui payons pour le cinéma ou les services de vidéo à la demande avec nos deniers durement gagnés. Et comme toute autre industrie, Hollywood est gouverné par l'argent. Donc en tant que consommateur, nous devons faire preuve d’intelligence concernant le divertissement que nous consommons. Nous devons veiller à ne pas récompenser la médiocrité mais à soutenir les films provenant de communautés traditionnellement sous-représentées à la fois devant et derrière la caméra.

Le cinéma français est-il trop blanc ?À (re)voir sur TV5MONDE : 


À quelques heures de la cérémonie des Oscars 2020, que peut-on en attendre ?
 

Joaquin Phoenix
Joaquin Phoenix aux Bafta Film Awards à Londres, le 2 février 2020.
© Vianney Le Caer/Invision/AP

On ne sait jamais ce qui va se passer sur scène. Ce que je sais, c'est que ces gens qui ne sont pas issus de communautés marginalisées comme les personnes hétérosexuelles, les personnes valides, les personnes blanches (pas les personnes « de couleur ») … Pour ces gens-là, il est important de défendre également les questions d'inclusion et de représentation. Ceux qui ont été marginalisés d'un système qui a presque cent ans ne sont pas en position de force pour pouvoir changer ce système. Mais ces gens qui ressemblent à ceux qui sont à l’origine de ces marginalisations, ceux qui ressemblent à des chefs de studio en ont la responsabilité. Exactement comme Joaquin l'a fait : se lever et dire «vous savez qu'il y a un problème dans cette industrie» et ensuite montrer des actions concrètes sur ce qu'ils vont faire ensuite. Joaquin Phoenix et d'autres ont une quantité incroyable de réseaux d'influence qu'ils peuvent utiliser pour apporter des changements structurels au sein de l'Académie et j'espère donc que lui et d'autres suivront non seulement avec des mots mais aussi avec des actions.

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