Fil d'Ariane
Sa position était compliquée, elle s'est encore aggravée. Le Premier ministre israélien doit justifier la mort de 24 soldats, dont 21 réservistes en une journée, un drame qui accentue les fractures au sein du gouvernement et de la société israélienne.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu le 7 janvier 2024.
Benjamin Netanyahu a évoqué un "désastre", son ministre de la Défense Yoav Gallant a concédé un "coup dur": l'événement "va s'ajouter aux questionnements sur la stratégie" militaire, estime Emmanuel Navon, analyste politique et ex-membre du Likoud, le parti du Premier ministre.
"Est-ce qu'on continue jusqu'à l'élimination du Hamas? Que veut dire éliminer le Hamas? Est-ce que ça veut dire mettre la main sur (Yahya) Sinouar?", le chef du mouvement à Gaza, considéré comme l'architecte de l'attaque du 7 octobre, interroge l'analyste.
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Selon les premiers éléments connus, un char israélien a été touché par une roquette avant que n'explosent à proximité deux bâtiments de deux étages. Les édifices étaient minés par l'armée et promis à la destruction, mais les raisons de l'explosion restent à déterminer.
Trois soldats de métier ont aussi été tués dans un incident distinct dans la bande de Gaza. Et le bilan de la journée, le pire depuis le début de l'offensive israélienne contre le mouvement islamiste palestinien du Hamas à Gaza fin octobre, fait trembler le pays.
Israël compte environ 300.000 réservistes mobilisés dans la guerre, sur quelque 9 millions d'habitants. "Tout le monde dans le pays a un fils, un frère ou un proche" dans l'armée, souligne Emmanuel Navon.
Le 7 octobre, les assaillants ont tué environ 1.140 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP sur la base d'informations israéliennes. Ils ont aussi emmené quelque 250 otages, parfois blessés.
Une centaine d'entre eux a été libérée contre des prisonniers palestiniens lors d'une trêve des combats fin novembre. Selon Israël, 132 se trouvent encore dans la bande de Gaza, dont 28 seraient morts sans que les corps n'aient été restitués, d'après un bilan de l'AFP sur la base de données israéliennes.
En réponse, Israël a juré "d'anéantir" le Hamas et lancé une vaste opération militaire qui a tué 25.490 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Une stratégie plus que jamais sur le grill. Lundi, des proches d'otages ont une nouvelle fois protesté à la Knesset, le Parlement israélien, déboulant dans la réunion d'une commission parlementaire pour dénoncer l'inaction du pouvoir dans le dossier des otages.
"Si c'était votre famille, qu'auriez-vous fait? J'ai besoin de mon frère, vous comprenez? Maintenant!", a crié un manifestant.
Eva Koulouriotis, experte indépendante, anticipe des "divisions croissantes" dans le pays et une montée en puissance de ceux qui pensent que Gaza "va devenir un bourbier qui épuise les forces israéliennes, et qu'il faut donc pousser pour un accord qui met fin à l'opération et libère les otages".
Mais la fracture est perceptible aussi entre les cinq membres du cabinet de guerre. Benny Gantz et Gadi Eisenkot, tous deux anciens chefs de l'armée, s'opposent ouvertement à la stratégie de la coalition de M. Netanyahu (droite et extrême droite).
La semaine dernière, Gadi Eisenkot, dont le fils a été tué à Gaza il y a quelques semaines, a déclaré à la chaîne de télévision 12 qu'il était impossible de faire revenir les otages vivants dans un avenir proche sans un accord" avec le Hamas.
"Selon Netanyahu, il ne peut y avoir de victoire tant que le Hamas reste debout. Selon Gantz et Eisenkot, il ne peut y avoir de victoire si les otages sont perdus", résume Reuven Hazan, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem.
"L'atmosphère actuelle est très mauvaise dans le cabinet de guerre", renchérit Julia Elad-Strenger, qui enseigne la psychologie politique à l'université Bar-Ilan, près de Tel-Aviv. "Gantz et Eisenkot poussent Netanyahu dans une direction qui le met en difficulté avec sa coalition".
Selon elle, le Premier ministre "sait que dès que la guerre est finie, sa coalition est probablement fichue. Donc il essaye de la prolonger autant que possible et en même temps de reconquérir sa réputation de +M. Sécurité+, qui a beaucoup pâli depuis le 7 octobre".
La trêve de novembre, avec la centaine d'otages libérés en une semaine, est dans toutes les têtes. Et la sanglante journée de lundi ne fait que la remettre en perspective.
"Une immense catastrophe pour Israël dont on ne peut qu'espérer qu'elle accélère" l'obtention d'un cessez-le-feu, a commenté sur X (ex-Twitter) Mairav Zonszein, analyste pour l'International Crisis Group (ICG).