Ouest de la Birmanie : une poudrière ethnique

Nouvelle explosion de violence dans la province birmane de l'Arakhan (ouest). Selon les autorités locales, plus d'une centaine de personnes ont été tuées et trois mille maisons ont été brûlées lors d'émeutes qui ont éclaté ces derniers jours entre des membres de l'ethnie arakhanaise bouddhiste, majoritaire dans la province, et la minorité musulmane des Rohingyas. Ces nouvelles violences portent à environ 200 le nombre de morts depuis juin dans la région. Préoccupation de la "communauté internationale" qui redoute les conséquences de ce dossier sur les réformes en cours en Birmanie.
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Ouest de la Birmanie : une poudrière ethnique
Un homme de l'ethnie Rakhine, dans un hôpital de Sittwe - AFP
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Les faits

"Jusqu'à ce matin, 51 hommes et 61 femmes sont morts". L'annonce émane du gouvernement local. Précision, il y a des victimes des deux côtés, aussi bien bouddhistes que musulmanes. Les autorités signalent aussi plus de 70 blessés et quelque 2.000 maisons incendiées.
Après plusieurs semaines d'accalmie et malgré l'état d'urgence, l'Etat Rakhine s'est donc à nouveau embrasé et à nouveau le bilan est effrayant. 
Ce vendredi, le quotidien officiel anglophone New Light of Myanmar a publié un communiqué du bureau présidentiel dans lequel il promet de ramener le calme.
Dans ce contexte, les principales organisations musulmanes du pays ont annulé les célébrations de l'Aïd Al-Adha, l'une des plus importantes fêtes de l'islam, qui commençait vendredi.
Au moins 75.000 personnes, en grande majorité des Rohingyas, avaient été déplacées par la première vague de violence en juin. Des milliers d'autres affluent désormais vers les camps autour de Sittwe, capitale de l'Etat Rakhine. Des structures déjà surpeuplées où les déplacés manquent de nourriture et de soins.
Les violences font par ailleurs ressurgir le spectre de l'exil massif de Rohingyas, notamment vers la Malaisie, dans des proportions plus importantes que les années précédentes.
"Nous constatons déjà une augmentation du nombre de bateaux en partance, non seulement de Birmanie mais aussi du Bangladesh", précise le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU (UNHCR) estimant que les violences allaient sans aucun doute multiplier les départs qui commencent en général à cette époque, à la fin de la saison des pluies.
Le Bangladesh voisin a de son côté renforcé ses patrouilles frontalières pour s'assurer qu'ils ne puissent pas entrer sur son territoire.

Préoccupation internationale

Ouest de la Birmanie : une poudrière ethnique
Thein Sein dirige la Birmanie depuis mars 2011
La crise devient problématique pour le président Thein Sein, au pouvoir depuis mars 2011, et qui a depuis multiplié les réformes. L'ancien général a notamment entrepris des négociations avec les rébellions ethniques, dont certaines sont en conflit avec le pouvoir depuis l'indépendance en 1948. Mais les violences de l'Etat Rakhine sont d'une toute autre nature. Elles opposent, dans un des Etats les plus pauvres du pays, deux communautés entre lesquelles les tensions existent depuis des décennies. L'opinion birmane exprime de façon quasi-unanime une grande hostilité à l'égard des Rohingyas, qui sont environ 800.000 dans l'Etat Rakhine, mais ne sont pas reconnus comme une des minorités officielles du pays. 
La communauté internationale s'inquiète du sort réservé à ces musulmans apatrides et de l'impact de ces événements sur le processus d'ouverture de la Birmanie.
"Les attaques par des groupes d'autodéfense, les menaces ciblées et la rhétorique extrémiste doivent être arrêtées", a insisté le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dans une déclaration transmise par les Nations unies à Rangoun.
"Si ce n'est pas fait, le tissu social pourrait être endommagé de façon irréparable et le processus de réformes et d'ouverture actuellement mené par le gouvernement est susceptible d'être mis en péril", a-t-il ajouté, dénonçant l'exploitation de la haine par "des activistes et des éléments criminels".
Les Etats-Unis ont pour leur part exhorté "toutes les parties à faire preuve de retenue et à stopper immédiatement toutes les attaques", réclamant "de sérieux efforts pour aboutir à une réconciliation nationale en Birmanie".
"La communauté internationale observe les progrès en cours en Birmanie avec intérêt", a-t-il souligné, assurant que les "individus et organisations (qui) se livrent à des manipulations" seraient poursuivis.

Analyse : Sophie Ansel, journaliste

26.10.2012Propos recueillis par Marian Naguszewski
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