Oxfam : le rapport sur les inégalités divise

Oxfam a publié une étude le 19 janvier affirmant que le patrimoine cumulé des 1% les plus riches dépasserait en 2016 celui des 99% restants. Depuis, les experts en économie se divisent à propos de la méthodologie utilisée par l’ONG britannique dans ce rapport.
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Oxfam : le rapport sur les inégalités divise
© Fanny Schertzer
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« Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout. » Même si tout le monde s’accorde à dire que les inégalités entre riches et pauvres ne cessent de croitre, le rapport d’Oxfam, publié deux jours avant l’ouverture du 45ème forum économique mondial à Davos le 21 janvier, scinde la communauté des économistes en deux. Ceux qui l’approuvent. Et ceux qui contestent la méthodologie, fondée sur les données de la banque Crédit Suisse.  Les contestations Tout commence lundi 19 janvier, quand les médias s’empressent de reprendre, sans vraiment les analyser, les conclusions de cette étude affirmant que « la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches était passée de 44% en 2009 à 48% en 2014, et dépasserait les 50% en 2016 ». Dès le lendemain, Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Saint-Cyr, dénonce les « absurdes statistiques d’Oxfam » sur son blog hébergé par France TV Info. Pour lui, le patrimoine net (les actifs moins les dettes), qui est la mesure utilisée, fausse les résultats de l’étude. Il illustre son propos avec un exemple percutant : « selon ce mode de calcul, un étudiant américain à Harvard, qui a pris un crédit pour faire ses études, est plus pauvre qu'un réfugié syrien qui cherche à survivre dans les montagnes libanaises ». Il pousse même la démonstration jusqu’à affirmer que Jérôme Kerviel, depuis sa condamnation à verser 5 milliards d’euros à la Société Générale, est la personne la plus pauvre du monde bien loin devant « l’Africain affamé ». L’Institute of Economics Affairs, établi à Londres, soutient l’économiste dans son raisonnement car l’utilisation du patrimoine net n’aurait pas de sens et ne correspondrait pas à la définition qu’ont les gens de la richesse et de la pauvreté.  Autre faille relevée par Alexandre Delaigue dans le rapport d’Oxfam, la comparaison au niveau mondial. Les situations de chaque pays étant effectivement très différentes, il lui apparaît incongru d’affirmer qu’il suffit à une personne d’avoir un patrimoine net de 3.000 euros pour faire partie des 50% les plus riches de la planète. « Cette somme se trouve sur le livret A de nombreux Français qui n'ont probablement pas l'impression d'être parmi les plus riches. » D’autres sites, comme Slate.fr ou Les Décodeurs du Monde.fr , émettent également de nombreuses réserves quant aux résultats de cette étude. Les approbations Henri Sterdyniak, Conseiller scientifique à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques, ne pense que du bien de l’étude d’Oxfam bien qu’il concède que comparer de tels chiffres donnés à l’échelle mondiale peut paraitre approximatif. Pour lui, il n’y a pas d’autre alternative que de prendre le patrimoine net comme unité de mesure. Il estime que les polémiques autour du rapport de l’ONG ne sont donc pas justifiées. Que, certes, on peut toujours discuter de ces approximations, mais qu’un grand nombre d’études confirment ce que ce rapport dénonce, à savoir que les inégalités se creusent au profit d’une infime minorité extrêmement riche et qui continue de s’enrichir. Oxfam vient également appuyer, selon lui d’une manière un peu brutale peut-être, les travaux de Thomas Piketty à ce sujet. Sa conclusion est sans appel. Même si à l’échelle mondiale il y a globalement une baisse des inégalités, les pays riches demeurent des pays riches, et à l’intérieur de ceux là les personnes riches le sont de plus en plus. Jean Gadrey, professeur honoraire d’économie à l’université de Lille 1, défend également le rapport de l’ONG. Sur le site internet d’Alternatives Economiques il affirme qu’Oxfam « a bien fait de réaliser et de publier cette étude, et ses chiffres, imparfaits sans le moindre doute, sont défendables et honnêtes, en ce sens qu’ils sont transparents sur la méthode (ce qui facilite d’ailleurs les critiques…) et qu’ils s’appuient sur les meilleures sources disponibles à ce jour. » 

64' Présentation Mohamed Kaci / Invité : Michel Cerutti, correspondant TV5MONDE Genève