Pakistan : de joueur de cricket à critique de l’armée, qui est Imran Khan ?

La Cour suprême du Pakistan invalide l’arrestation de l’ex-Premier ministre Imran Khan. Celle-ci avait déclenché des manifestations violentes de ses partisans dans tout le pays. Devenu Premier ministre avec l’assentiment des militaires, il s’est retourné contre eux après son éviction du pouvoir en 2022.

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Imran Khan

Protégé par une barrière pare-balle, l'ancien Premier ministre du Pakistan Imran Khan s'exprime lors d'un rassemblement à Lahore, le 26 mars 2023.

AP Photo/K.M. Chaudary
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Il a critiqué l’armée Pakistanaise en des termes jamais entendus. Ce 11 mai 2023, l’arrestation d’Imran Khan, ex-Premier ministre du Pakistan, est invalidée par la Cour suprême. Elle estime que cette arrestation, à l’initiative de l’Office anti-corruption (NAB), avait “violé (son) droit à avoir accès à la justice.” 

Âgé de 70 ans, Imran Khan avait été renversé en avril 2022, mais reste très populaire. Il avait été arrêté le 9 mai, puis placé en détention provisoire le lendemain, alors qu’il répondait à une convocation au tribunal dans une affaire de corruption. 

Ce n’était pas la première fois que l’ancien Premier ministre se retrouvait au tribunal. En mars 2023, il était convoqué au tribunal de la capitale pakistanaise dans le cadre d’une procédure engagée par la commission électorale du Pakistan. Elle l’accuse de ne pas avoir déclaré les cadeaux reçus pendant son mandat de Premier ministre, ni les bénéfices qu’il a réalisés en les vendant. Il nie ces accusations. Au total, il est sous le coup d’une dizaine d’affaires judiciaires, ce qu’il dénonce comme une tentative du gouvernement et de l’armée d’empêcher son retour au pouvoir.

Du cricket à la politique

Avant de devenir Premier ministre du Pakistan, Imran Khan était un joueur international de cricket. Il joue avec l’équipe de son pays de 1971 à 1992. Cette année-là, il mène son équipe vers son premier et seul titre de champion du monde. 

Après sa retraite sportive, il se lance en politique et lance le Mouvement du Pakistan pour la justice (PTI) en 1996. Il en prend la présidence. Il faut attendre 2013 pour que son parti réussisse à faire une première percée électorale. Imran Khan est alors élu député. En 2018, le PTI arrive en tête des élections. Il devient Premier ministre.

Devenu critique envers l’armée

Quand Imran Khan entre en fonction en 2018, soutenu par un électorat lassé de voir les mêmes deux dynasties politiques se succéder, c'est avec la bénédiction des militaires, selon de nombreux analystes et dirigeants pakistanais. De même, quand il est renversé près de quatre ans plus tard par une motion de censure, c'est après avoir perdu la confiance de la haute hiérarchie de l’armée pakistanaise, la sixième plus importante au monde.

Les relations avec l’armée ont commencé à se détériorer quand Imran Khan a cherché à peser plus directement sur la politique étrangère, lorsqu’il était Premier ministre. Puis, lorsqu’il a tardé à approuver la nomination d’un nouveau chef du renseignement militaire. Ces éléments ont conduit à la motion de censure qui l’a éjecté du pouvoir. Depuis, en s’efforçant de revenir le plus vite possible au pouvoir, il a rompu avec toutes les conventions pour attaquer directement plusieurs hauts officiers en service ou à la retraite. Il s’est aussi lancé dans des diatribes toujours plus virulentes à l’encontre de son successeur, Shehbaz Sharif. 

Il a dit tout haut ce qui se disait tout bas et brisé certains tabous sur le fait de critiquer l’establishment au Pakistan, en particulier l’armée.

Elizabeth Threlkeld, experte au Stimson Center

Imran Khan a été arrêté quelques jours après avoir réitéré ses attaques à l'encontre d’un officier supérieur. Il l’accuse d’avoir fomenté un complot visant à l’assassiner. “Il a dit tout haut ce qui se disait tout bas et brisé certains tabous sur le fait de critiquer l’establishment au Pakistan, en particulier l’armée”, observe l’experte au Stimson Center Elizabeth Threlkeld. Elle ajoute que “maintenant que le génie est sorti de sa bouteille, c’est très difficile, si ce n’est impossible, de l’y remettre.” Les critiques à l’encontre de l’institution militaire sont rares au Pakistan. Ses chefs exercent une influence considérable sur la politique intérieure et la politique étrangère. 

Une importante popularité

Malgré son éviction du pouvoir, Imran Khan jouit toujours d’une forte popularité au Pakistan. Il fait pression sur la fragile coalition du gouvernement pour que des élections anticipées soient organisées avant le mois d’octobre. Son arrestation a suscité la colère de ses soutiens.

Des milliers de partisans du PTI ont manifesté pendant deux jours. Ils ont incendié et endommagé des édifices publics. Chose rare au Pakistan, ils s’en sont pris à des symboles du pouvoir militaire, accusant l’armée d’avoir contribué à l’éviction d’Imran Khan du pouvoir, que celle-ci conteste. 

Soutiens Khan manifestation

Des soutiens de l'ancien Premier ministre Imran Khan dansent pour célébrer la décision de la Cour suprême d'invalider son arrestation, à Peshawar au Pakistan, le 11 mai 2023.

© AP Photo/Muhammad Sajjad

Au moins neuf personnes sont mortes dans des incidents liés aux manifestations, violemment réprimées par les forces de sécurité, selon la police et les hôpitaux. Des centaines de policiers ont été blessés et plus de 2 000 manifestants arrêtés, principalement dans les provinces du Pendjab (centre-est) et du Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest), d’après la police. 

Nous sommes aux côtés d’Imran Khan et nous le soutiendrons jusqu’à la mort.

Niaz Ali, partisan d'Imran Khan

S’ils pensent que l’arrestation d’Imran Khan va nous démoraliser, ils se trompent lourdement”, affirme Niaz Ali, un de ses partisans, à Peshawar (nord-ouest). “Nous sommes aux côtés d’Imran Khan et nous le soutiendrons jusqu’à la mort”, ajoute-t-il. L’arrestation d’Imran Khan marquait une aggravation spectaculaire d’une crise qui couvait depuis son renversement.