Fil d'Ariane
Une fois de plus, la ministre française de l’Ecologie, Ségolène Royal, a mérité son surnom de «vice-présidente». L’ex-compagne de François Hollande, que les journalistes surnomment ainsi en raison de son activisme de plus en plus visible aux côtés du président, a été la première à jeter un pavé dans la mare des négociations climatiques, qui se déroulent à Bonn jusqu’au 11 juin. Au risque de mettre dans l’embarras le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, appelé à présider la COP 21, la grande conférence sur le climat qui se tiendra au Bourget, près de Paris, du 30 novembre au 11 décembre prochain, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.
En estimant, dans un entretien au Monde, que le format onusien des discussions auxquelles prennent part 195 pays est «totalement inadapté à l’urgence climatique», et en affirmant, au nom de la France, «qu’à un moment, il faut prendre ses responsabilités», la ministre a remis sur le tapis ce que la diplomatie hexagonale s’efforce pour l’heure d’écarter : le risque d’un échec de la COP 21. L’événement, l’une des plus grandes conférences internationales jamais organisée en France, est une priorité pour l’Elysée, compte tenu de son impact médiatique et géopolitique. L’échec de la conférence similaire de Copenhague, en décembre 2009, en raison de l’opposition des Etats-Unis et de la Chine à un accord contraignant pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, est, pour un François Hollande en mal de succès pour son quinquenat, le scénario cauchemar.
Ouvertes lundi sous l’égide de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (UNFCC), les discussions de Bonn seront suivies de deux autres rounds préparatoires à la COP 21, avec pour objectif de parvenir à un projet d’accord vers le début d’octobre. Le problème, c'est que le texte en circulation, fort de plus d’une centaine de pages en français, est encore loin de l’objectif affiché pour la conférence Paris-Climat : signer en décembre un accord multilatéral juridiquement contraignant pour la période post-2020. Le Protocole de Kyoto – signé en 1997 et entré en vigueur en 2005 – sera alors arrivé à son terme. «Nous ne sommes pas sur cette trajectoire», a récemment confirmé la négociatrice française Laurence Tubiana, une spécialiste reconnue des questions climatiques et environementales.
Après la Suisse qui, le 27 février, a été le premier pays à présenter sa contribution nationale, 36 Etats – dont les 28 membres de l’Union européenne, les Etats-Unis, la Russie – ont pour l’heure annoncé leurs engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Washington a promis une baisse de 28% de celles-ci d’ici à 2015, ce qui correspond à l’accord passé par les Américains avec la Chine en mars dernier.
D’importantes divergences demeurent en revanche sur le caractère contraignant, sur le mode de contrôle et sur les mécanismes de financement pour permettre aux Etats les plus vulnérables et aux pays en développement de répondre au défi climatique. La Suisse a annoncé pour sa part vouloir réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030; 30% de cette réduction interviendra sur le plan national et 20% en participant à des projets de réduction d’émissions à l’étranger.
Côté français, cette inquiétude alimente la rivalité entre Ségolène Royal et Laurent Fabius. La ministre, qui siège dans les négociations au nom de la France, se targue d’avoir défendu une loi ambitieuse sur la transition énergétique qui sera adoptée définitivement en juin, et aime rappeler qu’elle était présente au fameux Sommet de la Terre de Rio en 1992, début du processus. Le chef de la diplomatie, lui, parcourt le monde pour défendre un texte crédible en décembre. Il ne ménage pas ses efforts, allant jusqu’à réunir en Nouvelle Calédonie les chefs de gouvernement des îles menacées du Pacifique. Mais il bute sur la lourdeur du processus onusien, qui permet de multiplier les amendements et de s’éloigner du format idéal d’un accord de 20 pages.
L’entourage de Ségolène Royal préconise à l’inverse une tactique plus offensive de lobbying, en impliquant les chefs de gouvernement, et en associant les grandes entreprises énergétiques mondiales, réunies en mai à l’Unesco, à Paris. Six d’entre elles viennent de réclamer lundi une approche «pratique et réaliste» de tarification du carbone, pour investir davantage dans les énergies vertes. Et selon la Banque mondiale, plus d’un millier d’entreprises internationales seraient prêtes à suivre cette voie.
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