Paris se préparerait à frapper en Libye

La France s’inquiète de l’influence croissante au Sahel des milices libyennes proches du groupe Etat islamique.
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François Hollande arrivant sur le Charles De Gaulle en décembre 2015.
©APphoto/LeParisien
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L’ambassadeur libyen auprès des Nations unies l’a affirmé ce week-end à la presse italienne: quatre pays, dont la France, se prépareraient à mener des frappes aériennes sur les sanctuaires de l’Etat islamique (EI) en Libye, en lien avec des milices pro-occidentales chargées de reconquérir au sol les territoires contrôlés par les djihadistes, notamment dans la région côtière de Syrte et dans le sud désertique. Les Etats-Unis, l’Italie, la Grande-Bretagne et la France se retrouveraient dans une coalition désireuse de profiter de l’affaiblissement actuel de l’Etat islamique, handicapé en Syrie et en Irak par la coupure de plusieurs de ses axes de ravitaillement entre Raqqa, sa capitale autoproclamée, et Mossoul, et par l’intensification des frappes aériennes américaines, françaises et russes depuis les attentats du 13 novembre à Paris.

En février 2015, l’Italie avait déjà fait savoir qu’elle était prête à envoyer des troupes au sol pour stopper les milices ralliées à l’EI, à 350 kilomètres de ses propres côtes. Si le président français François Hollande s’engageait sur cette voie, il réveillerait les fantômes de l’intervention aérienne en Libye déclenchée en février 2011 par son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Une guerre très controversée, accusée depuis d’avoir déclenché le chaos qui déstabilise l’ensemble de la région, notamment la zone sahélienne bordée par plusieurs pays clés proches de la France, comme le Tchad, le Burkina Faso, le Niger ou le Mali.
 

Action «indispensable»

Les plans français ont été esquissés juste avant Noël par Le Figaro, selon lequel l’état-major jugerait «indispensable une intervention militaire en Libye à l’horizon de six mois». Fin novembre, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait exhorté les factions libyennes, divisées entre deux parlements rivaux, l’un à Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, et l’autre à Tripoli, à conclure un accord, «faute de quoi le pays sera laissé dans les mains de l’Etat islamique».

La signature, le 17 décembre, de ce texte négocié au Maroc sous l’égide de l’ONU ouvre donc la voie, selon les observateurs militaires, à la constitution d’un gouvernement d’union nationale et à la reconquête, par ce dernier, des territoires perdus pour éviter, notamment, la main mise de l’EI sur des gisements pétroliers. Les Nations unies, dans un rapport rendu public le 19 novembre, ont insisté sur cette menace tout en rappelant les contraintes géographiques de la Libye, où les fiefs de l’EI sont isolés au centre du pays, et peuvent donc facilement être pris en étau si les milices rivales parviennent enfin à faire front commun, avec un appui extérieur.
 

Les conditions sont jugées favorables

A Paris, une telle initiative militaire est jugée d’autant plus envisageable que les conditions sont maintenant réunies pour une force de frappe adéquate. La présence dans la zone du porte-avions Charles-de-Gaulle, dépêché après la tragédie du 13 novembre, permet de redéployer aisément sa trentaine d’avions aujourd’hui employés contre les cibles de l’EI en Syrie et en Irak. Le ralliement du Royaume-Uni aux frappes aériennes, après le vote favorable des Communes le 2 décembre, a en outre accru les moyens disponibles. Et la visite de Jean-Yves Le Drian à Moscou, juste avant Noël, avait aussi pour objectif d’échanger davantage d’informations avec les Russes sur l’implantation de l’Etat islamique en Libye.

Le rapport de l’ONU publié en novembre estime que 3500 Libyens combattent en Syrie dans les rangs de l’EI, et que l’ossature du mouvement dans la région de Syrte est composée de cadres militaires formés à Raqqa (la capitale de l’EI) par les brigades tchétchènes, très puissantes au sein des djihadistes. L’ONU note également les liens de longue date entre les ex-militaires du régime Kadhafi et les ex-officiers de l’armée irakienne sous Saddam Hussein, accusés de tirer dans l’ombre les ficelles de l’EI. Un ancien responsable des forces spéciales américaines, Michael Flynn, affirmait récemment au Spiegel que le brutal démantèlement des forces armées libyennes lors de l’intervention de 2011 avait eu «les mêmes effets désastreux et tragiques» que la dissolution hâtive de l’armée irakienne après la victoire américaine à Bagdad, en avril 2003.