Parmi 52 pays, la France et la Suisse ne sont pas des exemples d'intégration des migrants 

Le rapport MIPEX, qui compare les politiques d'intégration des étrangers dans 52 pays, classe la Suède, le Canada et la Belgique dans le Top 10. La France et la Suisse sont dans la moyenne mondiale mais leur politique d'accueil est considérée comme manquant de perspectives de long terme. 
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Bilbao, Espagne, le 18 novembre 2020
© AP/Alvaro Barrientos
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C'est un "peut mieux faire" que des pays comme la France, la Suisse ou l'Allemagne obtiennent concernant leur politique migratoire. Ces nations ne prennent pas assez de mesures de long terme pour intégrer les immigrés et les réfugiés à leur population. Le constat est issu du rapport MIPEX qui compare, depuis 10 ans, les politiques d'intégration de 52 pays sur cinq continents, établi conjointement par le Groupe des Politiques Migratoires, basé à Bruxelles, et le Centre pour les Affaires Internationales de Barcelone, en Espagne. 

Le classement mondial qui découle de ces recherches place la Suède, la Finlande, la Portugal et le Canada en tête.

L'opinion favorable à l'intégration des étrangers 


Ces pays sont considérés comme exemplaires. Au Canada, par exemple, les politiques d'accueil sont qualifiées d' "exhaustives" car elles assurent l'égalité des droits, des chances et de la sécurité aux nouveaux arrivants. 

"Dans ces pays, on voit aussi que l'opinion publique se montre de plus en plus ouverte à l'intégration" ajoute Thomas Huddleston, directeur de recherche au Migration Policy Group. 

Les politiques d'intégration passées au crible par l'indice MIPEX incluent la facilité de trouver un emploi, d'accéder à une nouvelle langue, à l'éducation ou encore de développer un sentiment d'appartenance nationale, d'obtenir la nationalité et le droit de vote pour prendre part au fonctionnement de la société. Cela concerne aussi la lutte contre les discriminations et l'accès aux soins. 

La France gagne trois points mais...

 

À la quatrième position, le Canada a pris la place dans le classement de pays ayant une tradition d'accueil des réfugiés, que sont l'Australie, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.

Ces trois nations ont perdu des points dans l'indice MIPEX. "Des forces populistes ont imposé une logique de migration temporaire et de restrictions. L'administration Trump, par exemple, a rendu les conditions du regroupement familial beaucoup plus strictes, explique Thomas Huddleston. Pourtant, ce critère est très important pour l'intégration. Le regroupement des enfants de la famille à un jeune âge favorise l'intégration dans les écoles notamment. L'arrivée tardive, à l'inverse, rend le parcours vers l'acquisition de la nationalité plus compliquée, on décourage les immigrés à devenir citoyens." 

La France ne figure pas dans Top 10 du classement MIPEX mais elle a gagné trois points entre 2014 et 2019, avec un score de 56 sur 100. Le pays soutient l'intégration de ses nouveaux arrivants mais l'approche reste celle d'une "intégration temporaire" selon l'étude. "Même si on investit dans l'égalité des droits et des chances, détaille Thomas Huddleston, la politique migratoire de la France ne s'intéresse pas aux principaux obstacles pour le séjour ou l'accès à la nationalité. Tout cela rend l'avenir assez incertain et cela peut diminuer la volonté des migrants de s'investir dans l'intégration, dans l'acquisition de nouvelles compétences. Et puis cela envoie un message contradictoire au grand public, que, même si les immigrés sont nos égaux, ils ne sont pas vraiment nos concitoyens." 

La maîtrise du français

 

Parmi les bons points accordés à la France, des programmes ciblés développés depuis 2014 pour faciliter l’accès des migrants et des réfugiés à l'enseignement supérieur ou encore la création de la Délégation interministérielle à l'accueil et à l'intégration des réfugiés, en 2018. 

Pourtant, l'un des principaux freins reste, toujours selon l'étude MIPEX, l’accès des migrants à l’éducation, et plus précisément à la maîtrise du français aussi bien pour les enfants que pour les adultes. Pour Hélène Soupios-David, directrice du plaidoyer à l'ONG France Terre d'Asile, "il est crucial de développer les formations linguistiques à visée professionnelle et d’accroître le niveau linguistique à atteindre dans les cours dispensés par l’État". Par ailleurs, en ce qui concerne le regroupement familial, Hélène Soupios-David s'inquiète du caractère "souvent discrétionnaire des décisions de fonctionnaires de préfectures" et de "délais très longs, qui peuvent atteindre plusieurs années"

La Suisse, elle, est placée au 25e rang du classement mondial. Dans la Confédération helvétique, le plus mauvais point concerne la possibilité de "participation politique" accordée aux migrants, avec une note de 28 contre une moyenne de 55 dans les autres pays européens. Par ailleurs, elle est le seul pays du continent à ne pas disposer d’une loi nationale contre la discrimination et d’un organisme d’aide aux victimes. 

La Suisse au 25e rang


L'étude estime que la politique migratoire en Suisse "encourage la population à considérer les immigrés comme des étrangers et non comme des égaux et des voisins à part entière"

"La Suisse veut bénéficier des avantages économiques de la migration, mais l’intégration sur le long terme n’est pas son objectif", analyse Gianni D’Amato, directeur du Forum suisse pour l’étude des migrations, cité par Swissinfo. Le message que le pays adresse aux migrants (extra-européens NDLR) est le suivant : vous êtes les bienvenus, mais pas trop nombreux et pas pour toute votre vie", ajoute-il. 

Une loi de 2018 a réduit de 12 à 10 ans la durée d'attente avant une demande de naturalisation suisse, mais cela reste l'un des plus longs délais en Europe. 

En revanche, la Suisse se classe parmi les pays les plus vertueux sur l'accès aux soins pour toutes les catégories de migrants. Les auteurs de l'étude MIPEX relèvent par exemple l'existence d'un site internet consacré à la santé, disponible en 56 langues.

Au niveau mondial, les progrès en faveur d'une meilleure intégration des étrangers sont indéniables, selon l'étude, mais très réduits. La moyenne des 52 pays étudiés a grimpé de seulement 2 points en cinq ans.

L'impact de la crise du Covid-19


Pour l'ONG France Terre d'Asile, il reste possible d'atteindre les meilleurs standards, à l'image des premiers du classement. "On dit souvent que la France n'a pas les mêmes moyens, les mêmes ressources que les pays scandinaves. Mais parmi les pays les plus accueillants, on trouve aussi le Portugal, qui n'est pas parmi les plus riches d'Europe, ni parmi ceux qui affichent une longue tradition d'immigration. Ça prouve que ces politiques ne sont pas seulement liées à la richesse ou à l'histoire d'un pays" s'enthousiasme Hélène Soupios-David.

Et les conséquences ne sont pas que sociétales. D'après Thomas Huddleston, du Migration Policy Group de Bruxelles, des études ont montré que les politiques de soutien aux migrants ont un effet direct sur leur santé : "Les pays avec les politiques les plus inclusives ont de meilleurs résultats sur la mortalité et les maladies à long terme des immigrés".

Pour la prochaine étude MIPEX, les auteurs attendent de pouvoir mesurer l'impact de la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de Covid-19. Ils craignent un coup de frein brutal aux mesures favorables à l'accueil des étrangers.